Vu le recours, enregistré le 5 avril 2004 par télécopie et son original en date du 7 avril 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES ; le ministre demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 00-00173 du 26 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rouen, d'une part, a annulé les décisions du préfet de l'Eure et du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt, en date du 24 novembre 1999, la première rejetant la demande d'aides compensatoires aux surfaces présentée par la société civile d'exploitation agricole X (SCEA) X et la seconde lui infligeant une pénalité de 53 132,64 francs et, d'autre part, a enjoint au préfet de verser à la SCEA X, dans les deux mois suivant la notification du jugement, les montants compensatoires dus au titre de l'année 1999 ;
22) de rejeter la demande présentée par la SCEA X devant le Tribunal administratif de Rouen ;
Il soutient que le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt, qui avait reçu, par arrêté préfectoral du 8 octobre 1999, délégation à l'effet de signer toutes les décisions relatives aux aides compensatoires aux cultures, était bien compétent pour prendre la décision contestée du
24 novembre 1999 ; que la SCEA, qui n'avait pas la jouissance des terres déclarées aux aides compte
tenu de la présence du fermier sortant et qui ne les mettait pas directement en valeur dans le cadre de son activité agricole, ne pouvait prétendre au bénéfice des paiements compensatoires sollicités ; que les surfaces déclarées le 29 avril 1999 ne pouvaient être prises en considération au titre des paiements compensatoires dès lors qu'elles avaient fait l'objet d'une double déclaration ; que l'injonction donnée au préfet de payer les montants compensatoires ne peut qu'être annulée, dès lors que les préfets ne sont pas compétents pour liquider les aides compensatoires dont le paiement relève de l'Office national interprofessionnel des céréales (ONIC) ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2005 par télécopie et son original en date du 27 avril 2005, présenté pour la société civile d'exploitation agricole X, par Me Ottaviani ; la SCEA X conclut au rejet du recours du ministre et demande en outre à la Cour d'enjoindre à l'administration de prendre une décision rectificative de surfaces et de régler les primes compensatoires pour l'année 1999, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que les décisions attaquées du 24 novembre 1999, insuffisamment motivées, ont été prises en violation du principe du contradictoire ; que ses déclarations étaient exactes, ne présentant qu'un écart très faible par rapport au résultat du contrôle effectué sur le terrain le 28 août 1999 ; qu'elle a la qualité d'exploitant et a effectivement récolté après le départ des époux Cousin en exécution d'une décision du tribunal paritaire des baux ruraux en date du 13 avril 1999 ; qu'elle remplissait ainsi tous les critères d'éligibilité, ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil des communautés européennes du 30 juin 1992 ;
Vu le règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil des communautés européennes du
27 novembre 1992 ;
Vu le règlement (CEE) n° 3887/92 de la Commission du 23 décembre 1992 ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2005 à laquelle siégeaient Mme Tricot, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et M. Stéphan, premier conseiller :
- le rapport de M. Dupouy, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société civile d'exploitation agricole (SCEA) X a saisi le préfet de l'Eure, le 29 avril 1999, d'une déclaration de surfaces en vue de bénéficier, au titre de 1999, des aides compensatoires instituées par le règlement (CEE) n° 1795/92 du Conseil des communautés européennes du 30 juin 1992 ; que le préfet de l'Eure, au vu des constatations effectuées lors d'un contrôle de l'exploitation mené le 28 août 1999 et faisant apparaître qu'une surface de 27 hectares
44 ares avait également fait l'objet d'une déclaration de la part d'un autre exploitant, a décidé, par un arrêté en date du 24 novembre 1999, de refuser le versement de toute aide compensatoire à la SCEA X ; que, par une décision du même jour, le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt a retiré la surface de 27 hectares 44 ares de la déclaration de la SCEA X au titre de 1999 et infligé à la société une pénalité de 53 132,64 francs ; que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES interjette appel du jugement du 26 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions du 24 novembre 1999 et enjoint au préfet de l'Eure de verser à la SCEA X les montants compensatoires afférents à sa déclaration de surfaces du 29 avril 1999 ;
Sur la légalité des décisions du 24 novembre 1999 :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil des communautés européennes, en date du 30 juin 1992, instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables : « 1- Les producteurs communautaires de cultures arables peuvent revendiquer un paiement compensatoire (...)/ 2- (...)/ Le paiement compensatoire est accordé pour la superficie consacrée aux cultures arables ou au gel des terres (...) » ; que selon l'article 10 du même règlement : « 1- Les paiements compensatoires (...) sont versés entre le 16 octobre et le 31 décembre suivant la récolte. 2- Pour pouvoir bénéficier du paiement compensatoire un producteur doit, au plus tard le 15 mai précédant la récolte en cause : - avoir mis la semence en terre, - avoir introduit une demande. 3- La demande doit être accompagnée des documents de référence permettant d'identifier les terres considérées (...) » ; qu'aux termes de l'article 6 du règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil des communautés européennes, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aide communautaire : « 1- Pour être admis au bénéfice d'un ou plusieurs régimes communautaires soumis aux dispositions du présent règlement, chaque exploitant présente, pour chaque année, une demande d'aides surfaces (...) 2- La demande d'aides surfaces doit être présentée au cours du premier trimestre de l'année à une date à fixer par l'Etat membre (...) » ; que selon l'article 6 du règlement (CEE) n° 3887/92 de la Commission, du
23 décembre 1992 modifié, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires : « 1- Les contrôles administratifs et sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions pour l'octroi des aides et des primes » ; qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 9 du même règlement : « Lorsqu'il est constaté que la superficie déclarée dans une demande d'aides surfaces dépasse la superficie déterminée, le montant de l'aide est calculé sur la base de la superficie effectivement déterminée lors du contrôle. Toutefois, sauf cas de force majeure, la superficie effectivement déterminée est diminuée : - de deux fois l'excédent constaté lorsque celui-ci est supérieur à 3 % ou à 2 hectares et égal à 10 % au maximum de la superficie déterminée ; - de 30 % lorsque l'excédent constaté est supérieur à 10 % et égal à 20 % au maximum de la superficie déterminée. Au cas où l'excédent constaté est supérieur à 20 % de la superficie déterminée, aucune aide liée à la superficie n'est octroyée. Toutefois, s'il s'agit d'une fausse déclaration faite délibérément ou par négligence grave : - l'exploitant en cause est exclu du bénéfice du régime d'aides concerné au titre de l'année civile en cause et, en cas d'une fausse déclaration faite délibérément, du bénéfice de tout régime d'aides visé à l'article 1er paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 3508/92 au titre de l'année civile suivante pour une superficie égale à celle pour laquelle sa demande d'aides a été refusée... » ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 9 du règlement communautaire du
23 décembre 1992 que celles-ci ont entendu non seulement prévenir le versement de sommes qui ne seraient pas dues, mais aussi pénaliser les auteurs de déclarations erronées ou frauduleuses ; que tel est le cas, notamment, lorsque la constatation d'un écart entre la déclaration de l'exploitant et le résultat des contrôles administratifs a pour effet de priver l'intéressé d'une part de l'aide plus que proportionnelle à cet écart ou de l'exclure pendant une certaine période du bénéfice de l'aide ; qu'une telle décision, réduisant les droits de manière plus que proportionnelle à l'écart entre les surfaces déclarées et celles effectivement éligibles ou excluant temporairement le déclarant du bénéfice de l'aide, revêt le caractère d'une sanction administrative ; que l'article 8 du décret du
28 novembre 1983 impose de faire précéder cette sanction d'une procédure contradictoire permettant à l'intéressé d'exercer ses droits de la défense ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant de prendre les décisions du
24 novembre 1999, le préfet de l'Eure et le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt aient mis en oeuvre une procédure contradictoire à l'égard de la SCEA X ; que, si le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES fait valoir que la SCEA X, d'une part, a pris connaissance, lors du dépôt de sa demande d'aide, des conditions d'attribution des aides compensatoires et des conséquences financières liées à la constatation d'écarts de surfaces et, d'autre part, a été invitée à présenter des observations sur le compte rendu de contrôle, il n'établit pas, cependant, que l'intéressée, préalablement aux décisions litigieuses, aurait été dûment informée à la fois des griefs finalement retenus à son encontre et de la sanction qui était susceptible d'en découler ; que, par suite, le ministre requérant n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a annulé les deux décisions du 24 novembre 1999, intervenues au terme d'une procédure irrégulière ;
Sur les conclusions à fin d'exécution :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;
Considérant que l'annulation des décisions du 24 novembre 1999 implique seulement que le préfet de l'Eure prenne une nouvelle décision au titre de l'année 1999, après une nouvel examen de la demande d'aide de la SCEA X ; que, par suite, le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a enjoint au préfet de l'Eure de verser à la SCEA X les aides compensatoires correspondant à sa déclaration de surfaces du 29 avril 1999 ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à un nouvel examen de la demande de la SCEA X et de statuer sur cette demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions de la SCEA X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à la SCEA X la somme de 900 euros que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 3 du jugement n° 00-00173 du Tribunal administratif de Rouen en date du 26 décembre 2003 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Eure de statuer à nouveau sur la demande d'aide présentée par la SCEA X dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la SCEA X tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE et à la société civile d'exploitation agricole X X.
Copie sera transmise au préfet de l'Eure.
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N°04DA00279
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