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28/02/2006 | FRANCE | N°04DA00317

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3 (bis), 28 février 2006, 04DA00317


Vu le recours, enregistré le 19 avril 2004, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0102810-0103531 du 13 février 2004 en tant que par ce jugement le Tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Etat à verser au département de l'Oise, d'une part, une somme, assortie des intérêts légaux, égale au montant de la dotation compensatrice de perte de taxe professionnelle résultant de la réduction de la fraction des salaires prise en compte dans les bases de la taxe professionnelle, calc

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Vu le recours, enregistré le 19 avril 2004, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0102810-0103531 du 13 février 2004 en tant que par ce jugement le Tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Etat à verser au département de l'Oise, d'une part, une somme, assortie des intérêts légaux, égale au montant de la dotation compensatrice de perte de taxe professionnelle résultant de la réduction de la fraction des salaires prise en compte dans les bases de la taxe professionnelle, calculée sur le produit des rôles supplémentaires émis dans le département de l'Oise à compter du 1er janvier 1997 et, d'autre part, une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les conclusions des demandes présentées par le département de l'Oise devant le Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'elles concernent la dotation compensatrice prévue à l'article 13-II de la loi n° 82-540 du 28 juin 1982 ;

Il soutient que la condamnation de l'Etat au versement d'un complément de dotation compensatrice ne pouvait résulter que de l'annulation préalable de la décision implicite de refus de versement de ce complément, annulation qui n'a pas été prononcée par le tribunal administratif ; que l'article 13-II de la loi de finances rectificative pour 1982 se référant expressément aux salaires imposés en 1983, la dotation compensatrice ne pouvait être calculée que sur la base des rôles primitifs, les rôles supplémentaires émis au titre de l'année 1983 ne portant pas sur des « salaires imposés en 1983 » et les salaires imposés en 1983 par voie de rôle supplémentaire n'entrant pas dans le champ d'application de la réduction à 18 % de la fraction des salaires ; que l'analyse faite par le Conseil d'Etat dans l'arrêt du 18 octobre 2000, commune de Pantin, est fondée sur l'article 6 de la loi de finances pour 1987 qui instaure un dispositif de compensation différent de celui mis en place par l'article 13-II de la loi de finances rectificative pour 1982 et n'excluant pas la prise en compte des rôles supplémentaires ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 4 avril 2005, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre indique que le paragraphe VII de l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 2004 a validé les dotations compensatrices versées en application de l'article 13-II de la loi de finances rectificative pour 1982, en tant qu'elles ont été calculées sans prise en compte des pertes de recettes comprises dans les rôles supplémentaires ; qu'ainsi, aucune indemnisation autre que le complément forfaitaire et spécifique prévu par le paragraphe I de l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 2004 ne peut être accordée au département requérant ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2005, présenté pour le département de l'Oise par la SCP Seban et associés, avocats ; le département de l'Oise conclut au rejet du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il demande en outre à la Cour, par la voie du recours incident, d'annuler le jugement du 13 février 2004 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes liées à l'insuffisance des dotations compensatrices prévues par l'article 6 de la loi de finances pour 1987 et de condamner l'Etat à lui verser lesdites sommes augmentées des intérêts légaux ; il soutient qu'en relevant que le département était fondé à demander la prise en compte du produit des rôles supplémentaires de taxe professionnelle, le tribunal a implicitement mais nécessairement annulé le refus de l'administration de prendre en compte ce produit dans le calcul des dotations compensatrices de perte de taxe professionnelle ; que l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 2004, comme l'article 19 de la loi de finances pour 2002, validant l'un et l'autre le calcul erroné des compensations, sont contraires à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le litige opposant le département de l'Oise à l'Etat, qui constitue une contestation portant sur des droits et obligations à caractère civil, entre dans le champ d'application de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme ; que la validation rétroactive opérée par la loi de finances rectificative pour 2004 n'est pas justifiée par un motif impérieux d'intérêt général ; que le texte de validation méconnaît également l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme, la créance que le département détient sur l'Etat étant un « bien » au sens dudit article 1er et aucun motif d'intérêt général suffisant n'ayant justifié l'atteinte ainsi portée aux biens du département ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, l'article 13-II de la loi n° 82-540 du 28 juin 1982 vise sans ambiguïté tous les salaires compris dans les bases de la taxe professionnelle due au titre de l'année 1983, y compris ceux qui, n'ayant pas été déclarés en 1982, ont été repris sur des rôles supplémentaires ; que l'illégalité du calcul des dotations compensatrices de la réduction des bases de taxe professionnelle pour embauche et investissement et de l'abattement général de 16 %, sur la base du seul produit des rôles généraux, constitue une faute qui engage la responsabilité de l'Etat à l'égard du département ; que l'Etat a en outre eu un comportement fautif en ne régularisant pas la situation des collectivités malgré les décisions de justice reconnaissant le droit des collectivités à obtenir des dotations compensatrices calculées sur la base des rôles supplémentaires ; que la responsabilité de l'Etat doit également être engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques à raison du préjudice subi par le département du fait de l'absence de versement des dotations qui lui étaient dues ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 29 juin 2005, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour, d'une part, de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions du département de l'Oise en tant qu'elles concernent les dotations compensatrices prévues par l'article 13-II de la loi de finances rectificative pour 1982 et, d'autre part, de rejeter l'appel incident du département ; il soutient que le département de l'Oise ne peut utilement invoquer l'inconventionnalité de l'article 19 de la loi de finances pour 2002 et de l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 2004, dès lors que le litige, qui concerne la répartition de ressources financières publiques entre l'Etat et les collectivités locales, n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre, les dispositions de l'article 19 de la loi de finances pour 2002 et de l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 2004 sont justifiées par les motifs d'intérêt général ; que ces dispositions ne méconnaissent pas davantage les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme ; qu'il ne peut être soutenu que l'administration aurait volontairement diffusé une information inexacte aux collectivités locales et ainsi commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il ne peut non plus être reproché à l'administration de n'avoir pas donné suite à la demande de communication des rôles supplémentaires, dès lors que la seule dérogation législative expresse à l'obligation de secret professionnel à laquelle sont soumis les agents des impôts concerne les rôles généraux des impôts directs locaux, et que cette dérogation n'a pas été étendue aux rôles supplémentaires ; que, s'agissant de la responsabilité sans faute de l'Etat, le département n'établit pas que le préjudice qu'il invoque aurait un caractère spécial et d'une gravité suffisante justifiant une indemnisation ;

Vu la lettre en date du 23 janvier 2006 par laquelle le président de la 3ème chambre de la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de l'appel incident du département de l'Oise soulevant un litige distinct de celui dont le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE a saisi la Cour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts ;

Vu la loi de finances rectificative pour 1982, n° 82-540 du 28 juin 1982 ;

Vu la loi de finances pour 1987, n° 86-1317 du 30 décembre 1986 ;

Vu la loi de finances pour 1999, n° 98-1266 du 30 décembre 1998 ;

Vu la loi de finances pour 2002, n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 ;

Vu la loi de finances rectificative pour 2004, n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2006 à laquelle siégeaient M. Couzinet, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et M. de Pontonx, premier conseiller :

- le rapport de M. Dupouy, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le département de l'Oise a demandé la prise en compte du produit des rôles supplémentaires de taxe professionnelle pour le calcul des dotations versées en compensation des pertes de recettes de taxe professionnelle résultant, d'une part, de l'abattement général de 16 % et de la réduction des bases pour embauche ou investissement prévus par l'article 6 de la loi de finances pour 1987, d'autre part, de la diminution de la fraction des salaires prise en compte dans les bases de la taxe professionnelle décidée par l'article 13 de la loi de finances rectificative pour 1982, enfin de la suppression progressive de la part salariale prise en compte dans les bases de cette même taxe prévue par l'article 44 de la loi de finances pour 1999 ;

Sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE :

Considérant que, par les articles 2 et 3 du jugement attaqué en date du 13 février 2004, le Tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Etat à verser au département de l'Oise au titre de la dotation compensatrice prévue à l'article 13-II de la loi de finances rectificative pour 1982 une somme, assortie des intérêts légaux à compter du 23 octobre 2001, égale au montant de ladite dotation, calculée sur le produit des rôles supplémentaires émis à compter du 1er janvier 1997 ;

Considérant qu'aux termes du VII de l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 2004 : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les dotations versées en application du II de l'article 13 … de la loi de finances rectificative pour 1982 (n° 82-540 du 28 juin 1982)… sont réputées régulières en tant que leur légalité serait contestée sur le fondement de l'absence de prise en compte des pertes de recettes comprises dans les rôles supplémentaires » ;

Considérant que, pour demander que soit écartée l'application des dispositions précitées, validant rétroactivement les dotations compensatrices de pertes de recettes de taxe professionnelle prévues à l'article 13-II de la loi de finances rectificative pour 1982, le département de l'Oise se prévaut des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 1er de son premier protocole additionnel ; que, toutefois, le département ne peut utilement invoquer lesdites stipulations dans un litige qui, quels que soient ses éventuels effets patrimoniaux, est relatif à la répartition de ressources financières publiques entre personnes publiques ;

Considérant que, compte tenu des dispositions précitées de l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 2004, le ministre requérant est fondé, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du recours, à demander l'annulation des articles 2 et 3 du jugement du 13 février 2004, lequel ne constitue pas une décision passée en force de chose jugée, et le rejet des conclusions des demandes présentées par le département de l'Oise devant le Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'elles concernaient les dotations compensatrices prévues à l'article 13-II de la loi de finances rectificative pour 1982 ;

Sur les conclusions incidentes du département de l'Oise :

Considérant, en premier lieu, que, si le département de l'Oise soutient que l'intervention des dispositions précitées de la loi de finances rectificative pour 2004 est de nature à engager la responsabilité sans faute de l'Etat, sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques, le préjudice qu'il invoque, résultant de la minoration des dotations qu'il estime lui être dues, ne présente pas un caractère de spécialité suffisant pour justifier une indemnisation ; que, par ailleurs, le département n'établit pas l'existence d'un comportement fautif des services fiscaux dans l'information donnée aux collectivités locales sur les modalités de calcul des dotations compensatrices ;

Considérant, en second lieu, que le département de l'Oise demande à la Cour d'annuler le jugement du 13 février 2004 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, prononcé un non-lieu sur ses conclusions relatives aux dotations compensatrices des pertes de taxe professionnelle résultant de l'abattement général de 16 % et de la réduction pour embauche ou investissement et, d'autre part, rejeté ses conclusions relatives à la compensation, prévue à l'article 44-D de la loi de finances pour 1999, des pertes de recettes résultant de la suppression progressive de la part salariale prise en compte dans les bases de la taxe professionnelle ; que de telles conclusions soulèvent un litige distinct de celui dont le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE a saisi la Cour et ont été présentées postérieurement à l'expiration du délai d'appel ; que, par suite, elles ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le paiement au département de l'Oise de la somme que demande cette collectivité au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif a mis à la charge de l'Etat le paiement au département de l'Oise d'une somme de 750 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 0102810-0103531 du Tribunal administratif d'Amiens en date du 13 février 2004 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions des demandes présentées par le département de l'Oise devant le Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'elles concernent les dotations compensatrices prévues à l'article 13-II de la loi de finances rectificative pour 1982, les conclusions de l'appel incident du département et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et au département de l'Oise.

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N°04DA00317


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 04DA00317
Date de la décision : 28/02/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Couzinet
Rapporteur ?: M. Alain Dupouy
Rapporteur public ?: M. Michel
Avocat(s) : SCP SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-02-28;04da00317 ?
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