Vu la requête, enregistrée le 1er août 2005, présentée pour M. Hubert Y, demeurant ..., par la SCP JP et C Sterlin, société d'avocats ; M. Y demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0100643 en date du 13 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 décembre 2000 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais lui a refusé l'autorisation d'exploiter une superficie supplémentaire de 8 ha 59 a de terres sur le territoire de la commune du Sars ;
22) d'annuler ladite décision pour excès de pouvoir ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision du préfet du Pas-de-Calais du 29 décembre 2000 n'est pas une décision purement confirmative de celle du 8 novembre 1999 dès lors que sa situation n'était pas totalement identique à celle de sa première demande en raison d'une diminution de la superficie de son exploitation et qu'ainsi, sa demande est recevable ; que le préfet du Pas-de-Calais, en prenant sa décision, a commis une erreur de droit en se référant à des critères non prévus par les textes, comme celui relatif à la surface minimum d'installation (SMI) au lieu de l'unité de référence (UR) et à l'existence d'un dispositif d'irrigation sur l'exploitation du preneur en place ; que la décision du préfet du Pas-de-Calais du 29 décembre 2000 est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il a, à tort, estimé que la reprise de 8,59 ha avait une incidence sur l'exploitation de Mme Z qui disposait d'une surface agricole utile de 134 ha ainsi que sur l'emploi de deux salariés permanents ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 4 août 2005 portant clôture d'instruction au 30 novembre 2005 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2005, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche par lequel il conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. Y à lui verser une somme de 639 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que les conclusions dirigées contre la décision du 29 décembre 2000 en litige sont irrecevables dès lors que cette décision est purement confirmative d'une décision antérieure en date du 8 novembre 1999 devenue définitive ; au fond, que contrairement à ce que soutient le requérant, rien n'interdit au préfet de se référer à la surface minimum d'installation pour apprécier la superficie d'une exploitation dès lors que cet instrument de mesure figure toujours à l'article L. 312-6 du code rural ; que le préfet n'était pas tenu de viser dans sa décision l'unité de référence prévue à l'article L. 312-5 du code rural dès lors que cette dernière sert à déterminer les seuils de déclenchement de contrôle des structures des exploitations agricoles et ainsi, la nécessité d'une autorisation ; que la référence à un dispositif d'irrigation sur les terres du preneur en place se rattache aux critères prévus par le 3° et 4° de l'article L. 331-3 du code rural imposant d'apprécier les conséquences économiques de la reprise envisagée ; que le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prenant sa décision en litige dès lors qu'il a justifié principalement celle-ci en se référant aux orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles qui préconisent de conforter les exploitations dont le revenu par actif est insuffisant ; que M. Y ne conteste pas la circonstance que l'excédent brut d'exploitation par unité de main d'oeuvre de l'exploitation du preneur en place était de 116 969 francs pour quatre actifs alors que l'excédent brut de son exploitation comptant trois actifs était de 192 535 francs ;
Vu l'ordonnance en date du 2 décembre 2005 portant report de la clôture d'instruction au 2 janvier 2006 ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 décembre 2005, présenté pour M. Y par lequel il conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 9 janvier 2006 portant report de la clôture d'instruction au 13 février 2006 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2006, après clôture de l'instruction, présenté pour Mme Christiane Z par la SCP Lefranc-Bavencoffe-Meillier, société d'avocats ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mars 2006 à laquelle siégeaient M. Philippe Couzinet, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et M. de Alain Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de M. Alain Dupouy, président-assesseur ;
- les observations de Me Meillier, avocat, pour Mme Z ;
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'agriculture et de la pêche :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-3 du code rural dans sa rédaction alors applicable : « ...L'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de sa demande ; 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; 3° Prendre en compte les références de production ou droits à aide dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment, en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et le cas échéant, celle du preneur en place ; 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ; 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; 8° Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique… » ; qu'aux termes de l'article L. 331-2 du code rural : « Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : …1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures. Ce seuil est compris entre 0,5 et 1,5 fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5 » ; qu'aux termes de ce dernier article : « L'unité de référence est la surface qui permet d'assurer la viabilité de l'exploitation compte tenu de la nature des cultures et des ateliers de production hors sol ainsi que des autres activités agricoles. Elle est fixée par l'autorité administrative... » ; et qu'aux termes de l'article L. 312-6 du code rural : « La surface minimum d'installation est fixée dans le schéma directeur départemental des structures agricoles… » ;
Considérant que par une décision en date du 29 décembre 2000, le préfet du Pas-de-Calais a refusé à M. Y l'autorisation d'exploiter sur la commune du Sars une superficie supplémentaire de 8 ha 59 a de terres précédemment mises en valeur par Mme Christiane Z, agricultrice à Achiet le Petit ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que pour refuser l'autorisation d'exploiter les terres demandées, le préfet du Pas-de-Calais a pris en compte la superficie mise en valeur par M. Y qui est de 190,50 ha avec trois actifs et constaté que le seuil de viabilité était atteint pour son exploitation avec un excédent brut d'exploitation de 539 100 francs pour 2,8 unités de main d'oeuvre ; qu'il a également constaté que s'agissant de l'exploitation du preneur en place, Mme Z, ce seuil ne serait plus atteint dès lors qu'en mettant en valeur une superficie de 134 ha pour quatre actifs dont deux salariés, elle ne disposait plus que d'un excédent brut d'exploitation de 386 000 francs pour 3,3 unités de main d'oeuvre, ce qui aurait eu pour effet de remettre en cause le nombre d'actifs de cette exploitation ; que par suite, M. Y n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant l'autorisation d'exploiter 8 ha 59 a de terres supplémentaires, le préfet du Pas-de-Calais aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;
Considérant, en second lieu, que contrairement à ce que soutient M. Y, le préfet du Pas-de-Calais a pu, sans entacher sa décision d'erreur de droit, se référer à la surface minimum d'installation mentionnée à l'article L. 312-6 du code rural précité pour apprécier la superficie de l'exploitation de l'intéressé afin de souligner l'importance de celle-ci ; qu'il n'était pas tenu de viser dans sa décision l'unité de référence définie à l'article L. 312-5 du code rural précité et qui, dans le cadre du contrôle des structures des exploitations agricoles, sert à déterminer les seuils à partir desquels une autorisation est nécessaire ; que le préfet a pu, également, dans le cadre de son appréciation des conséquences économiques de la reprise envisagée, mentionner, sans commettre d'erreur de droit, que la parcelle en cause était incluse dans un bloc de cultures équipé d'un dispositif d'irrigation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 décembre 2000 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Y la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. Y le paiement de la somme de 639 euros que le ministre de l'agriculture et de la pêche demande au titre des frais qu'il justifie avoir exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Y est rejetée.
Article 2 : M. Y versera à l'Etat une somme de 639 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hubert Y, au ministre de l'agriculture et de la pêche et à Mme Christiane Z.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
2
N°05DA00977