Vu le recours, enregistré le 2 mai 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES ; le ministre demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0406314 en date du 3 mars 2005 du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a, à la demande de M. Grégory X, annulé sa décision en date du 2 août 2004 retirant deux points du permis de conduire de M. X, l'informant des divers retraits de points précédents et de la perte de validité de son permis de conduire ;
2°) de rejeter la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Lille en tant qu'elle porte sur les décisions de retrait de points consécutives aux infractions commises les 11 juin 2000, 17 novembre 2001 et 11 novembre 2003 ;
Il soutient que si l'intéressé n'a pas reçu, pour des raisons contingentes, les lettres simples qui notifient les retraits de points précédents, ces derniers conservent toutefois un caractère exécutoire ; qu'en l'espèce, les divers retraits de points ont été notifiés à M. X par la décision attaquée et ont ainsi acquis un caractère d'opposabilité à son encontre ; que, pour l'infraction commise par M. X le 3 juillet 2000, les points retirés lui ont été restitués ; que, pour les infractions commises par l'intéressé les 11 juin 2000, 17 novembre 2001 et 11 novembre 2003, ce dernier a été dûment et régulièrement informé des retraits de points qu'il était susceptible d'encourir sur son permis de conduire ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 9 mai 2005 du président de la 1ère chambre portant clôture de l'instruction au 30 septembre 2005 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 29 septembre 2005 et son original enregistré le 3 octobre 2005, présenté pour M. X, demeurant ..., par la SCP Soland, concluant au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. X fait valoir qu'il n'a jamais été informé des retraits de points consécutifs aux infractions commises ; que l'absence de notification de retraits de points préalable à la décision du 2 août 2004, l'a mis dans l'impossibilité d'apprécier l'opportunité d'une inscription à un stage de sensibilisation ; que, pour les infractions commises les 11 novembre 2003, 17 novembre 2001 et
11 juin 2000, le ministre de l'intérieur ne rapporte pas la preuve que M. X avait reçu l'information prescrite par l'article R. 223-3 du code de la route ;
Vu l'ordonnance en date du 5 octobre 2005 du président de la 1ère chambre portant report de la clôture d'instruction au 8 novembre 2005 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route, ensemble la loi n° 89-469 du 10 juillet 1989 modifiée, l'ordonnance n° 2000-930 du 22 septembre 2000 modifiée, la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003, le décret
n° 92-1228 du 25 juin 1992 modifié, le décret n° 2001-250 du 22 mars 2001 et le décret n° 2003-642 du 11 juillet 2003 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Alain Stéphan, premier conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur,
- les observations de Me Letellier, pour M. Grégory X,
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une lettre recommandée du 2 août 2004, le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES a prononcé les retraits de points correspondant aux infractions commises par M. X les 11 juin 2000, 3 juillet 2000, 17 novembre 2001 et 11 novembre 2003 et a informé ce dernier de la perte de validité de son titre de conduite ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES relève appel du jugement du Tribunal administratif de Lille en date du 3 mars 2005, en tant qu'il a annulé ses décisions de retraits de points correspondant aux infractions commises les 11 juin 2000, 17 novembre 2001 et 11 novembre 2003 ;
Considérant qu'il résulte des dispositions insérées au chapitre 3 du titre 2 du livre 2 du code de la route relatives au permis à points que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire, à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles L. 11-3 et R. 258 devenus les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, qui constituent une garantie essentielle lui permettant de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tous moyens, qu'elle a satisfait à cette obligation préalable d'information ; que les dispositions de l'article 537 du code de procédure pénale, selon lesquelles les procès-verbaux établis par les officiers ou agents de police judiciaire font foi jusqu'à preuve contraire, ne trouvent à s'appliquer qu'en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs des infractions ; qu'elles ne s'appliquent pas à la mention portée sur ces procès-verbaux selon laquelle le contrevenant a reçu l'information prévue par les articles précités du code de la route ;
Sur le retrait de points correspondant à l'infraction commise le 11 juin 2000 :
Considérant que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES se borne à produire le procès-verbal en date du 16 juin 2000 destiné au procureur de la République qui fait seulement état de ce qu'un imprimé cerfa n° 90-0204 a été remis au contrevenant, auquel est annexé un procès-verbal d'audition, daté du 11 juin 2000, qui précise que l'infraction commise par l'intéressé est susceptible d'entraîner la perte de quatre points de son permis de conduire et que M. X a signé le carnet de déclarations ; que ces documents ne permettent pas de vérifier que l'ensemble des informations prescrites par les dispositions susmentionnées du code de la route ont été portées à la connaissance de l'intéressé ;
Sur le retrait de points correspondant à l'infraction commise le 17 novembre 2001 :
Considérant que le procès-verbal de contravention, non signé par l'intéressé, versé au dossier, mentionne que l'infraction commise est susceptible d'entraîner la perte de trois points ; qu'un tel procès-verbal ne suffit pas à établir que M. X se serait vu délivrer l'ensemble des informations prévues par les dispositions susmentionnées du code de la route ;
Sur le retrait de points correspondant à l'infraction commise le 11 novembre 2003 :
Considérant qu'il ressort des documents produits par l'administration, pour la première fois en appel, que M. X a signé le procès-verbal de l'infraction constatant un excès de vitesse commis le 11 novembre 2003, qui mentionne non seulement que le contrevenant est susceptible de perdre deux points de son permis de conduire mais également que : « le contrevenant reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention » ; que si les dispositions des articles L. 223-3 et
R. 223-3 du code de la route ont reçu une nouvelle rédaction issue respectivement de la loi
n° 2003-495 du 12 juin 2003 et du décret n° 2003-642 du 11 juillet 2003, une telle modification n'a pas rendu obsolètes les mentions figurant sur les imprimés cerfa de contravention ; que l'avis de contravention remis à l'intéressé contenant l'ensemble des informations prévues par les dispositions précitées, l'administration doit être regardée comme établissant que l'intéressé en a reçu communication lors de la constitution de l'infraction ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lille s'est fondé sur le défaut d'information préalable pour annuler la décision ministérielle en date du 2 août 2004 en tant qu'elle retire deux points du capital de points affecté au permis de conduire de M. X à la suite de l'infraction commise le 11 novembre 2003 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Lille et la Cour à l'encontre de la décision de retrait de points correspondant à l'infraction commise le 11 novembre 2003 ;
Considérant, d'une part, que le retrait de points correspondant à l'infraction commise le
11 novembre 2003 lui a été notifié le 27 août 2004 par la décision contestée en date du 2 août 2004 du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES et lui était ainsi, en tout état de cause, opposable ;
Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce qu'il soutient, M. X avait la possibilité de se faire communiquer à tout moment le relevé intégral du fichier national des permis de conduire le concernant afin de connaître le nombre de points restant affecté à son permis de conduire et pouvoir ainsi apprécier l'opportunité d'une inscription à un stage de sensibilisation ; que la régularité de la procédure de retrait de points n'est pas subordonnée à l'existence d'une information sur la reconstitution du capital de points par l'inscription à un stage de sensibilisation lors de l'infraction ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la décision du 2 août 2004 du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES est illégale en tant qu'elle procède au retrait de sept points consécutivement aux infractions commises par
M. X les 11 juin 2000 et 17 novembre 2001 ; que, par suite, le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 2 août 2004 en tant qu'elle retire deux points du capital des points affectés au permis de conduire de M.X à la suite de l'infraction qu'il a commise le 11 novembre 2003, et lui a enjoint, par conséquent, de rétablir ces deux points au capital de points affecté à son titre de conduite ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer à M. X la somme que ce dernier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0406314 en date du 3 mars 2005 du Tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il annule la décision du 2 août 2004 du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES retirant deux points du capital des points affectés au permis de conduire de M. X consécutivement à l'infraction commise par l'intéressé le 11 novembre 2003 et en tant qu'il lui a enjoint de rétablir ces deux points au capital de points de son titre de conduite.
Article 2 : La demande de M. X dans la mesure où elle tendait, devant le Tribunal administratif de Lille, à l'annulation de la décision ministérielle du 2 août 2004 prononçant le retrait de deux points à la suite de l'infraction du 11 novembre 2003 et au rétablissement de ces deux points à son capital de points, est rejetée.
Article 3 : Le surplus du recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de M. X tendant au bénéfice des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Grégory X et au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE.
Copie sera transmise au préfet du Nord.
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N°05DA00501