Vu la requête, enregistrée le 10 août 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PRÉFET DE L'AISNE ; le PRÉFET DE L'AISNE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0400345 en date du 29 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté son déféré tendant à l'annulation du marché conclu le 8 décembre 2003 entre le syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Vermand et la SNC SOGEA pour l'exécution de travaux de réhabilitation des réseaux et la pose de réseaux neufs sur le territoire des communes membres dudit syndicat ;
2°) d'annuler ledit marché ;
Le PRÉFET DE L'AISNE soutient que la violation des dispositions de l'article 76 du code des marchés publics qui imposent à la personne responsable du marché, dès qu'elle a fait son choix, d'aviser tous les candidats du rejet de leurs offres, est manifeste et entache d'illégalité le marché passé entre le syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Vermand et la
SNC SOGEA ; que le courrier en date du 27 novembre 2003 constitue une preuve indéniable de la volonté de la personne responsable du marché de ne pas attribuer le marché à l'entreprise SADE privant ainsi la commission de sa liberté de choix quant à l'attribution du marché ; que le jugement attaqué élude la directive européenne et la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes qui sont de nature à démontrer l'irrégularité de la procédure suivie en l'espèce, le candidat évincé étant privé de la possibilité d'exercer un référé pré-contractuel ; que la procédure suivie est donc irrégulière au regard du code des marchés publics et du droit communautaire ;
Vu le jugement et le marché attaqués ;
Vu le mémoire en intervention, enregistré le 3 septembre 2004, présenté par la société SADE qui s'associe aux conclusions et moyens présentés par le PRÉFET DE L'AISNE, conclut à l'annulation du jugement et du marché attaqués et demande en outre à la Cour de condamner le syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Vermand à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient, en outre, que le marché contesté aurait dû lui être attribué si le syndicat avait suivi régulièrement la procédure de publicité et de mise en concurrence lancée le 4 juin 2003 ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 septembre 2004, présenté pour le syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Vermand, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation du PRÉFET DE L'AISNE à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que le décret du 7 janvier 2004 modifiant le code des marchés publics prévoyant un nouvel article 76 n'était pas applicable au marché contesté, pas plus que l'instruction du 28 août 2001 qui n'a pas de force contraignante ; que par la lettre du 27 novembre 2003, son conseil n'a fait que dire quel était le droit applicable à l'époque ; que le moyen tiré du droit communautaire n'est pas de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée compte tenu de la portée juridique d'une directive européenne en droit interne ainsi que de la jurisprudence communautaire citée par le préfet ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 septembre 2004, présenté par le PRÉFET DE L'AISNE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 25 octobre 2004 et régularisé par la production de l'original le 29 octobre 2004, présenté pour la SNC SOGEA, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation du PRÉFET DE L'AISNE à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la légalité d'un marché doit s'apprécier au moment de sa conclusion qui résulte de la signature de l'acte d'engagement par la personne responsable du marché intervenue le 8 décembre 2003 ; que le caractère prétendument tardif de l'avis adressé à la société SADE ne peut fonder l'illégalité du marché conclu le 8 décembre 2003 ; que le préfet demande, à tort, au Tribunal de faire une application rétroactive de l'article 76 du code des marchés publics issu du décret du 7 janvier 2004 ; que sous l'emprise des dispositions de l'ancien code des marchés publics, applicables en l'espèce, le pouvoir conservatoire conféré au président du tribunal administratif ne peut s'exercer qu'entre l'avis émis par la commission d'appel d'offres et le choix de la personne responsable du marché qui se manifeste par la signature de l'acte d'engagement de l'entreprise retenu conformément à l'article 60-II du même code ; que compte tenu de la protection du secret professionnel qui protège la correspondance échangée entre un avocat et son client, la Cour ne pourra qu'écarter des débats le courrier du 27 novembre 2003 ; que cette correspondance a pour seul objet l'analyse faite par l'avocat du syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Vermand de la situation particulière créée par l'ordonnance du 25 septembre 2003 enjoignant à son président de reprendre la procédure de dévolution du marché ; qu'il est manifeste que l'avis collégial émis par la commission d'appel d'offres le 2 décembre 2003 procède des conclusions du rapport d'analyse des offres du maître d'oeuvre de décembre 2003 que la commission a fait siennes ; que c'est dans le strict respect des critères de jugement des offres définis par l'article 4.2 du règlement de la consultation que le président du syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Vermand a fait le choix de l'offre initiale de la société SOGEA techniquement équivalente et moins-disante par rapport à l'offre de la société SADE ; que l'offre initiale de la société SOGEA était conforme au règlement de consultation des entreprises ;
Vu les mémoires, enregistrés les 26 octobre et 1er décembre 2004, présentés par le PRÉFET DE L'AISNE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 5 janvier 2005 et régularisé par la production de l'original le 7 janvier 2005, présenté pour la SNC SOGEA, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que tant la directive 89/665/CE du Conseil des communautés européennes du 21 décembre 1989 que l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 28 octobre 1999 présentent un caractère inopérant dans la présente espèce ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 janvier 2005, présenté pour le syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Vermand, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 11 janvier 2005 et régularisé par la production de l'original le 13 janvier 2005, présenté pour la SNC SOGEA, qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 janvier 2005, présenté par le PRÉFET DE L'AISNE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 avril 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et Mme Agnès Eliot, conseiller
- le rapport de Mme Agnès Eliot, conseiller ;
- les observations de Me X..., pour la SNC SOGEA ;
- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :
Considérant, qu'aux termes de l'article 76 du code des marchés publics, en vigueur au moment de la signature du marché contesté : « Dès qu'elle a fait son choix sur les candidatures ou sur les offres, la personne responsable du marché avise tous les autres candidats du rejet de leurs candidatures ou de leur offre » ; et qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (…) Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement (…) Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat (…) Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour la durée maximum de vingt jours (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que la personne responsable d'un marché qui avise les candidats non retenus du rejet de leur offre après la signature du contrat les prive de la garantie essentielle constituée par la possibilité d'exercer le recours prévu par l'article L. 551-1 du code de justice administrative précité, méconnaît ainsi les obligations de publicité et de concurrence auxquelles sont soumises les passations de conventions et des marchés publics et doit être regardée en conséquence comme ayant contrevenu aux dispositions de l'article 76 précité ;
Considérant qu'il est constant que la société SADE a été informée, par une lettre en date du 15 décembre 2003 reçue par l'intéressée le 16 décembre 2003, que son offre n'était pas retenue alors que le marché attribué à l'entreprise SOGEA par le président du syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Vermand a été signé le 8 décembre 2003 et notifié à l'entreprise concernée qui en a accusé réception le 11 décembre 2003 ; que le syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Vermand a ainsi méconnu les dispositions susrappelées de l'article 76 du code des marchés publics ; que, dès lors, la procédure de passation du marché doit être regardée comme entachée d'irrégularité ; que, par suite, le PRÉFET DE L'AISNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a refusé d'annuler le marché par lequel le syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Vermand a confié à la SNC SOGEA l'exécution de travaux de réhabilitation des réseaux et la pose de réseaux neufs sur le territoire des communes membres dudit syndicat ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser au syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Vermand et à la SNC SOGEA, la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que la société SADE, qui n'a été appelée à la cause que pour produire des observations, ne peut se prévaloir des dispositions susvisées et ne saurait, dès lors, demander que le syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Vermand soit condamné à lui verser la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0400345 du Tribunal administratif d'Amiens en date du 29 juin 2004 et le marché conclu le 8 décembre 2003 entre le syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Vermand et la SNC SOGEA sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par le syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Vermand, la SNC SOGEA et la société SADE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PRÉFET DE L'AISNE, au syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Vermand, à la SNC SOGEA, à la société SADE et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
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N°04DA00699