Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société à responsabilité limitée LA HALLE DE LA GARE, dont le siège est 10 avenue Levallois-Perret à Crépy-en-Valois (60800) et pour la société civile professionnelle PERNEY-ANGEL, dont le siège est 7 rue Carnot à Senlis (60300), en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société LA HALLE DE LA GARE, par la SCP Frison, Decramer, Guéroult et associés ; la société LA HALLE DE LA GARE et la société PERNEY-ANGEL demandent à la Cour :
11) de réformer le jugement n° 0300877 du 17 mai 2005 du Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a limité à 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2003, la somme qu'il a condamné la Société Nationale des Chemins de Fer français (SNCF), l'établissement public Réseau Ferré de France, la commune de Crépy-en-Valois et le département de l'Oise à verser conjointement et solidairement à la société PERNEY-ANGEL en réparation des préjudices qu'elle a subis en conséquence de l'aménagement d'un pont rail à proximité du fonds de commerce qu'elle exploite à Crépy-en-Valois ;
2°) de condamner solidairement la SNCF, la commune de Crépy-en-Valois et le département de l'Oise à leur verser la somme de 585 394 euros en réparation du préjudice principal qu'elles ont subi et la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice complémentaire ;
3°) de condamner solidairement la SNCF, la commune de Crépy-en-Valois et le département de l'Oise à leur verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société LA HALLE DE LA GARE et la société PERNEY-ANGEL soutiennent :
- que le Tribunal administratif d'Amiens s'est livré à une insuffisante appréciation du préjudice que la société LA HALLE DE LA GARE a subi durant une période s'étendant du mois de septembre 2001 au mois de septembre 2002, l'accès au commerce de vente de détail de fruits et légumes qu'elle exploite à Crépy-en-Valois ayant été rendu extrêmement difficile pour la clientèle et ces difficultés trouvant leur cause directe dans la réalisation, en face du magasin, des travaux d'implantation d'un passage souterrain routier sous la voie ferrée et dans les restrictions de circulation décidées, pour des raisons de sécurité, par le maire durant cette période ;
- que le Tribunal administratif d'Amiens a, en outre, insuffisamment pris en compte le préjudice que continue de subir la société LA HALLE DE LA GARE après l'achèvement desdits travaux, la nouvelle configuration de la voie publique, depuis l'implantation du nouvel ouvrage en face dudit commerce, étant à l'origine d'une perte de clientèle dont les exposantes sont fondées à demander réparation ;
- que la société LA HALLE DE LA GARE s'est trouvée, compte tenu des pertes de recettes qu'elle a subies, confrontée à des difficultés financières importantes, qui ont conduit à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 9 août 2005 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 30 novembre 2005 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2005, présenté pour la commune de Crépy-en-Valois (60803), représentée par son maire en exercice, par la SCP Lebègue, Pauwels, Derbise ; la commune de Crépy-en-Valois conclut, à titre principal et par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande présentée par la société LA HALLE DE LA GARE et la société PERNEY-ANGEL devant le Tribunal administratif d'Amiens, à titre subsidiaire, au rejet de la requête ;
La commune de Crépy-en-Valois soutient :
- à titre principal, que l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice allégué et les travaux et l'ouvrage publics en cause n'est pas démontrée, alors que l'expert indique que le préjudice subi par la société LA HALLE DE LA GARE trouve son origine dans de multiples causes, ce que la Cour a d'ailleurs retenu pour rejeter la requête en référé précédemment introduite par cette société ;
- qu'en outre, ainsi que l'a d'ailleurs également retenu la Cour à l'occasion de l'instance susmentionnée, le gérant de la société LA HALLE DE LA GARE, qui a acquis le fonds de commerce au début du mois d'octobre 2000 ne pouvait ignorer, en sa qualité de conseiller municipal de Crépy-en-Valois, les projets de travaux arrêtés en septembre 1999 et dont l'exécution a débuté dès le mois d'août 2000 ;
- que, par ailleurs, le tribunal administratif a estimé à tort que la nouvelle configuration des lieux depuis l'achèvement des travaux était à l'origine d'un préjudice commercial pour la société LA HALLE DE LA GARE, alors que l'accessibilité au magasin s'est, au contraire, notablement améliorée depuis l'implantation de l'ouvrage public et que la visibilité de l'enseigne depuis la voie est satisfaisante ;
- qu'au surplus, le préjudice dont la société LA HALLE DE LA GARE fait état ne présente pas les caractères d'anormalité et de spécialité requis pour ouvrir droit à indemnisation ;
- à titre subsidiaire, que la Cour ne saurait évaluer l'indemnité à laquelle aurait droit la société LA HALLE DE LA GARE à une somme supérieure à celle retenue par les premiers juges ;
Vu l'ordonnance en date du 14 novembre 2005 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2005, présenté pour la Société Nationale des Chemins de Fer français (SNCF), dont le siège est 34 rue du Commandant Mouchotte à Paris (75014), et pour l'établissement public Réseau Ferré de France (RFF), dont le siège est 92 avenue de France à Paris (75648) Cedex 13, par Me Lepoutre ; la SNCF et RFF concluent, à titre principal et par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué, au rejet de la demande présentée par la société LA HALLE DE LA GARE devant le Tribunal administratif d'Amiens et à la condamnation de ladite société à leur verser la somme de 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à titre subsidiaire, au rejet de la requête ;
La SNCF et RFF soutiennent :
- à titre principal, que l'expert a rendu ses conclusions dans des conditions irrégulières ;
- que le gérant de la société requérante avait, en sa qualité de conseiller municipal de Crépy-en-Valois, une parfaite connaissance des travaux projetés à la date à laquelle il a acquis ses parts sociales ;
- que l'existence d'un lien de causalité entre la perte de chiffre d'affaires dont il est fait état et les travaux publics en cause n'est pas démontrée, l'expert ayant mis en évidence que cette perte avait des causes multiples ;
- qu'au surplus, alors que, si la circulation routière a été interrompue durant une brève période, du 1er au 4 novembre 2001, l'accès des piétons au magasin a toujours été assuré, l'anormalité du trouble d'exploitation subi n'est pas davantage établie ;
- que la société requérante ne peut soutenir que la présence du nouvel ouvrage public lui causerait un trouble permanent puisque cet aménagement procure à sa clientèle un accès continu, tandis qu'auparavant, la mise en oeuvre des barrières de l'ancien passage à niveau bloquait la circulation pendant trois heures et demie sur vingt-quatre ;
- à titre subsidiaire, que les prétentions indemnitaires de la société requérante ne sauraient être raisonnablement retenues, alors d'ailleurs que les exposants ne sont pas à l'initiative des travaux en litige et n'en ont réalisé qu'une partie ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 février 2006, présenté pour le département de l'Oise, représenté par le président du conseil général en exercice, par Me Dutat ; le département conclut, à titre principal et par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande présentée par la société LA HALLE DE LA GARE devant le Tribunal administratif d'Amiens, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et à la condamnation de la société LA HALLE DE LA GARE à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le département de l'Oise soutient :
- à titre principal, que la preuve de l'existence d'une quelconque relation de causalité entre les travaux en cause et les difficultés financières rencontrées par la société requérante n'est nullement rapportée ;
- que les gênes supportées par la requérante durant la période des travaux n'excédaient pas les inconvénients auxquels doivent normalement s'attendre les commerçants en leur qualité de riverains de la voie publique, le commerce étant demeuré accessible durant toute l'année au cours de laquelle les travaux ont été exécutés ;
- que les simples modifications apportées à la configuration de la voie publique sont, en principe et en l'absence de toute difficulté sérieuse, insusceptibles d'ouvrir droit à indemnisation ;
- que le gérant de la société requérante avait, en sa qualité de conseiller municipal, parfaitement connaissance, à la date d'acquisition de ses parts sociales, de l'ampleur et de la durée des travaux projetés ;
- à titre subsidiaire, que les condamnations que la Cour envisagerait de prononcer au profit de la société LA HALLE DE LA GARE ne sauraient porter sur une somme supérieure à celle accordée par les premiers juges ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 février 2006, présenté pour la commune de Crépy-en-Valois ; la commune conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire et, en outre, à la condamnation de la société LA HALLE DE LA GARE à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 octobre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Manuel Delamarre, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur,
- les observations de Me Moulin, pour la Société Nationale des Chemins de Fer français et pour Réseau Ferré de France et de Me Dutat, pour le département de l'Oise ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la commune de Crépy-en-Valois (Oise) a décidé, au cours de l'année 1999, d'engager des travaux dans le but de supprimer le passage à niveau situé dans l'avenue Levallois-Perret et de remplacer cet équipement par un pont-rail, permettant le passage sous la voie ferrée des véhicules empruntant ladite route ; que la société à responsabilité limitée LA HALLE DE LA GARE, qui exploitait un fonds de commerce de fruits et légumes, vin et fleurs avenue Levallois-Perret, à proximité de l'ancien passage à niveau, estime avoir subi un préjudice commercial durant la période d'exécution de ces travaux, soit du 3 avril 2001 au 29 novembre 2002, de même qu'après l'achèvement de ceux-ci, la nouvelle configuration de la voie publique lui apparaissant avoir rendu plus difficile l'accès à son fonds par la clientèle ; que la société LA HALLE DE LA GARE et la société civile professionnelle PERNEY-ANGEL, en sa qualité de liquidateur judiciaire de ladite société, forment appel du jugement en date du 17 mai 2005 du Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a condamné la Société Nationale des Chemins de Fer français (SNCF), l'établissement public Réseau Ferré de France (RFF), la commune de Crépy-en-Valois et le département de l'Oise, maîtres d'ouvrage des travaux en cause, à indemniser le préjudice commercial subi à concurrence de la somme de 15 000 euros, qu'elles estiment insuffisante ; que la commune de Crépy-en-Valois, le département de l'Oise, la SNCF et RFF demandent, par la voie de l'appel incident, l'annulation de ce même jugement et leur mise hors de cause ;
Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la partie de l'avenue Levallois-Perret sur laquelle était situé le fonds de commerce exploité par la société LA HALLE DE LA GARE a été, après l'achèvement des travaux publics susmentionnés et en raison, en particulier, de la fermeture définitive du passage à niveau, transformée en impasse ; que, toutefois, de telles modifications affectant la circulation générale et résultant des changements effectués dans l'assiette ou la direction des voies publiques ne sont, en principe, pas de nature à donner droit au versement d'une indemnité, sauf s'il est porté atteinte aux accès d'un immeuble ; qu'il résulte de l'instruction que les travaux effectués en l'espèce n'ont pas eu pour effet, après leur achèvement, de compromettre l'accès au commerce exploité par la société LA HALLE DE LA GARE, vers lequel les automobilistes peuvent désormais se diriger facilement depuis le rond point implanté à l'une des extrémités du passage souterrain et auprès duquel ils disposent de plusieurs places de stationnement ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le 9 octobre 2000 le capital de la société LA HALLE DE LA GARE a été renouvelé et M. Arnaud X, nouvellement détenteur de parts, a été désigné gérant de la société ; que M. X qui était conseiller municipal de Crépy-en-Valois et avait, compte tenu en particulier de sa participation aux délibérations antérieures du conseil municipal portant sur le projet, dont l'engagement avait été décidé dès 1999, connaissance de l'ampleur desdits travaux et des gênes susceptibles d'en résulter pour le fonds de commerce exploité par ladite société qui doit, dans sa nouvelle composition, être considérée comme s'y étant exposée en toute connaissance de cause ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les premiers juges ont à tort estimé que la société pouvait prétendre à une indemnité au titre des travaux en cause ; que, par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander la majoration de l'indemnité qui leur a été accordée par le jugement attaqué, du Tribunal administratif d'Amiens ; qu'en revanche, la commune de Crépy-en-Valois, le département de l'Oise, la SNCF et RFF sont fondés à demander, par la voie de l'appel incident, l'annulation de ce même jugement et le rejet de la demande présentée par lesdites sociétés devant le Tribunal administratif d'Amiens ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Crépy-en-Valois, du département de l'Oise et de la SNCF la somme que la société LA HALLE DE LA GARE et la société PERNEY-ANGEL demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, par application de ces mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société LA HALLE DE LA GARE les sommes de 700 euros, 1 500 euros et 1 500 euros au titre des frais exposés respectivement par la SNCF et RFF, par le département de l'Oise et par la commune de Crépy-en-Valois et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0300877 du Tribunal administratif d'Amiens en date du 17 mai 2005 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société à responsabilité limitée LA HALLE DE LA GARE et la société civile professionnelle PERNEY-ANGEL devant le Tribunal administratif d'Amiens est rejetée.
Article 3 : La société à responsabilité limitée LA HALLE DE LA GARE versera à la Société Nationale des Chemins de Fer français et à l'établissement public Réseau Ferré de France, ensemble, la somme de 700 euros, ainsi qu'au département de l'Oise et à la commune de Crépy-en-Valois, chacun, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée LA HALLE DE LA GARE, à la société civile professionnelle PERNEY-ANGEL en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société LA HALLE DE LA GARE, à la commune de Crépy-en-Valois, au département de l'Oise, à la Société Nationale des Chemins de Fer français, ainsi qu'à Réseau Ferré de France.
Délibéré après l'audience du 31 octobre 2006, à laquelle siégeaient :
- Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre,
- Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur,
- M. Manuel Delamarre, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 novembre 2006.
Le rapporteur,
Signé : B. PHEMOLANT
Le président de chambre,
Signé : C.V. HELMHOLTZ
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
M.T. LEVEQUE
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N°05DA00929