Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
10 août 2006, présentée par le PREFET DE LA CÔTE D'OR ; le PREFET DE LA CÔTE D'OR demande au président de la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0601518, en date du 22 juin 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de Mme Liudmila X, annulé son arrêté en date du 14 juin 2006 par lequel il a décidé la reconduite à la frontière de l'intéressée et fixé le pays de renvoi ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X ;
Il soutient que le jugement attaqué par lequel le Tribunal administratif a annulé sa mesure de reconduite est entaché d'une erreur de droit ainsi que d'une erreur de qualification juridique des faits ; qu'à aucun moment, Mme X n'établit la non-transmission de sa nationalité russe ou de celle de son époux à ses enfants, ainsi que l'exige la jurisprudence ; que la loi russe attribuant ladite nationalité à ses enfants, l'intéressée ne peut se prévaloir de l'article 19-1 du code civil ; que, dès lors, Mme X ne pouvant être regardée comme la mère d'un enfant français, ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle pouvait légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 16 août 2006 portant clôture de l'instruction au
30 septembre 2006 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2006, présenté pour Mme Luidmila X, épouse Y, demeurant ..., par la
SCP Jacoby ; Mme X demande au président de la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le document produit par le préfet pour établir qu'elle n'aurait pas prouvé la non-transmission de sa nationalité russe à ses enfants est dépourvu de valeur probante ; que le préfet a oublié qu'elle-même et son époux sont des demandeurs d'asile ; que la demande de réouverture pour fait nouveau formulé par son époux n'a pas encore été jugée par la Commission des recours de réfugiés ; que les démarches envisagées par le préfet tendant à l'obtention de la nationalité russe des deux enfants feraient définitivement perdre à leurs parents leur droit d'asile qu'ils entendent maintenir, compte tenu de la gravité de leur situation en cas de retour en Russie ;
Vu, enregistrée par télécopie le 28 novembre 2006 et confirmée par l'original le
29 novembre 2006, la note en délibéré, présentée par le PREFET DE LA CÔTE D'OR ;
Vu l'ordonnance en date du 16 novembre 2006 portant réouverture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la délégation du président de la Cour en date du 26 septembre 2006 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2006 :
- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat délégué ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, épouse Y, de nationalité russe, s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 24 février 2006, de la décision du 16 février 2006 par laquelle le PREFET DE LA CÔTE D'OR l'a invitée à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci, ou depuis au moins un an » ;
Considérant qu'aux termes de l'article 19-1 du code civil, dans sa rédaction en vigueur telle qu'elle résulte de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 art. 64 Journal Officiel du
27 novembre 2003 et de la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 art. 13 Journal Officiel du
17 mars 1998 en vigueur le 1er septembre 1998 : « Est français : 1° L'enfant né en France de parents apatrides ; 2° L'enfant né en France de parents étrangers pour lequel les lois étrangères de nationalité ne permettent en aucune façon qu'il se voit transmettre la nationalité de l'un ou l'autre de ses parents. Toutefois, il sera réputé n'avoir jamais été français si, au cours de sa minorité, la nationalité étrangère acquise ou possédée par l'un de ses parents vient à lui être transmise. » ;
Considérant qu'aux termes de l'ancien article 19-1 du code civil, dans sa rédaction en vigueur à la naissance du premier enfant de la requérante : « Est français : (…) / 2° L'enfant né en France de parents étrangers et à qui n'est attribuée par les lois étrangères la nationalité d'aucun des deux parents » ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme X fait valoir qu'elle est mère de deux enfants nés sur le territoire national, l'un le 27 décembre 2002 et l'autre le 12 avril 2005, et présumés, de ce fait, de nationalité française ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme X est, comme le père de ses enfants, de nationalité russe et que tous deux sont nés en Russie ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier, qu'en vertu de la loi fédérale russe, leurs enfants ne se seraient pas vu attribuer dès leur naissance la nationalité de leurs parents du seul fait qu'ils soient nés en France ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait les dispositions précitées de l'article L. 511-4-6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 19-1 du code civil ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le Tribunal administratif de Rouen ;
Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière en date du 14 juin 2006 a été signé par M. Xavier Z, secrétaire général de la préfecture de la Côte d'Or, qui a reçu délégation de signature pour ce faire par un arrêté préfectoral du 29 août 2005, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Côte d'Or du 29 août 2005 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;
Considérant que la décision attaquée énonce les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;
Considérant que, si Mme X fait valoir qu'elle vit avec son époux, ressortissant russe, lui-même en situation irrégulière, et ses deux enfants nés sur le territoire, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France ainsi qu'aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, que l'arrêté du PREFET DE LA CÔTE D'OR décidant la reconduite à la frontière de Mme X ait porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant que, si Mme X soutient qu'elle a reconstitué un réseau relationnel et affectif en France et que ses enfants sont nés sur le territoire, ces circonstances ne sauraient établir que l'arrêté pris à son encontre aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ; qu'en conséquence, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressée ; que, pour les mêmes motifs ci-dessus mentionnés, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
Considérant que, si Mme X, dont les demandes d'admission au statut de réfugié ont, d'ailleurs, été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par la Commission des recours des réfugiés, soutient qu'elle craint des poursuites et des traitements dégradants en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son engagement politique, les éléments qu'elle présente ne permettent pas d'établir la réalité de ses allégations ; que, par suite, et nonobstant la circonstance que son époux ait saisi, pour la troisième fois consécutive, la Commission des recours des réfugiés d'une décision de rejet de réexamen du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du
23 mai 2006, en fixant la Russie comme pays de destination, le PREFET DE LA CÔTE D'OR n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA CÔTE D'OR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen, a annulé son arrêté en date du 14 juin 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X et fixant la Russie comme pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme X au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0601518 en date du 22 juin 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Rouen et les conclusions présentées par Mme X devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA CÔTE D'OR, à
Mme Liudmila X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
N°06DA01103 2