Vu l'arrêt, lu le 11 octobre 2005, rendu sur la requête n° 04DA00195, enregistrée les 2 mars et 20 avril 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Pierre X et M. Aurélien X, par Me Planque, par lequel la Cour a, avant de statuer sur ladite requête, décidé qu'il sera procédé à une expertise aux fins de se prononcer sur le lien de causalité entre le retard de diagnostic et de soins subi par M. Aurélien X et les séquelles gardées par celui-ci, de déterminer la part respective de chacune des causes à l'origine de l'état de santé de M. X et de dire si le cas échéant, le retard de diagnostic et de soins a fait perdre à l'intéressé des chances d'un meilleur rétablissement de son état de santé ;
Vu, enregistré le 28 juin 2006, le rapport de l'expert précité ;
Vu l'ordonnance en date du 3 juillet 2006 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai a fixé la clôture de l'instruction au 30 septembre 2006 ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 27 septembre 2006 et régularisé par la production de l'original le 29 septembre 2006, présenté pour le centre hospitalier de Creil, par Me Le Prado, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le rapport d'expertise est insuffisant ; qu'il n'apporte pas la preuve de l'imputabilité des séquelles retenues au retard de diagnostic et de soins ; que le rapport n'emporte pas la conviction lorsqu'il relève un retard de prise en charge du diagnostic de quelques heures ; que l'expert s'abstient de préciser les résultats qui auraient pu être escomptés d'une opération réalisée dans des délais plus rapprochés ; que s'agissant des céphalées, les critiques qu'appelle le rapport d'expertise sont du même ordre ; que par suite, l'indemnisation des préjudices invoqués par les époux X manque de fondement certain ; qu'en tout état de cause, la nature des préjudices invoqués par les époux X n'est pas précisée ; que s'agissant des différents chefs de préjudice invoqués au nom de leur fils, ce dernier ne peut faire état d'une perte de revenus ; que l'indemnisation au titre des frais médicaux et d'appareillage de lunettes n'est pas justifiée ; que les autres chefs de préjudice invoqués, pretium doloris et dommage esthétique, doivent être minorés ; que l'incapacité partielle permanente fixée à 9 % n'est pas justifiée ;
Vu l'ordonnance en date du 28 septembre 2006 par laquelle le président la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai a reporté la clôture de l'instruction au 10 novembre 2006 ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 septembre 2006, présenté pour M. Aurélien X et M. et Mme Pierre X, qui concluent à la condamnation du centre hospitalier de Creil à verser d'une part, à titre personnel, à chacun des deux époux, la somme de 4 000 euros et à M. Aurélien X la somme de 46 343,40 euros, d'autre part, aux époux X, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens ; ils soutiennent que les termes du rapport d'expertise sont clairs ; qu'il convient dès lors d'évaluer les préjudices subis à 800 euros s'agissant des frais médicaux et d'appareillage, à 43,40 euros au titre de l'indemnisation des frais de repas, à 500 euros concernant les troubles dans les conditions d'existence, à 30 000 euros au titre de l'incapacité permanente partielle dont est atteint M. Aurélien X et fixée à 9 % par l'expert, à 4 000 euros au titre de son pretium doloris de 2/7 et à 6 000 euros au titre du préjudice esthétique fixé à 2,5/7 ; que M. et Mme X ont subi un préjudice moral qu'il convient de réparer en leur allouant une indemnité de 4 000 euros chacun ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à la caisse nationale militaire de sécurité sociale qui n'a pas produit d'observation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et Mme Agnès Eliot, premier conseiller :
- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller ;
- les observations de Me Covain, pour M. Aurélien X et pour M. et Mme X ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, que M. Aurélien X, alors âgé de huit ans, victime d'une chute à l'origine de douleurs en région temporale droite et de vomissements, s'est rendu, accompagné de ses parents, au service des urgences du centre hospitalier de Creil ; que le médecin de garde qui a réalisé l'examen clinique du patient et qui a constaté l'existence d'un intervalle libre entre le traumatisme initial et la survenue des vomissements, n'a toutefois pas maintenu le jeune Aurélien en observation au centre hospitalier ; que pendant la nuit, l'état de santé de l'enfant s'étant aggravé, celui-ci a de nouveau été conduit au service des urgences du centre hospitalier de Creil qui a constaté que l'intéressé présentait un coma réactif avec score de Glasgow chiffré à 10 et une mydriase droite réactive et a transféré M. X au centre hospitalier universitaire d'Amiens où il a subi une intervention chirurgicale pour un hématome extra-dural temporal droit ;
Considérant que M. et Mme X ont fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur requête tendant à la condamnation du centre hospitalier de Creil à réparer les préjudices subis à la suite des soins reçus par leur fils Aurélien, au motif que la créance alléguée était prescrite ; que, par son arrêt en date 11 octobre 2005, la Cour de céans, après avoir annulé le motif retenu par le Tribunal, a jugé que le centre hospitalier de Creil avait commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité du fait du retard dans le diagnostic et les soins administrés à M. Aurélien X ; que, par le même arrêt, la Cour a ordonné une expertise en vue de dire s'il existait un lien de causalité directe entre les séquelles gardées par la victime et la faute commise par le centre hospitalier de Creil ;
Sur le lien de causalité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que M. Aurélien X, actuellement âgé de 19 ans, et dont l'état de santé peut être regardé comme consolidé, ne conserve que des séquelles ophtalmologiques sous la forme d'une parésie extrinsèque de la troisième paire crânienne droite, responsable d'une diplopie verticale associée à des céphalées fluctuantes ; que l'expert indique que dans l'intervalle de huit heures qui s'est écoulé entre les deux examens cliniques de la victime, des signes évoquant une atteinte du nerf oculomoteur commun droit sont apparus et que dès lors on peut considérer qu'une compression s'est progressivement exercée sur ce nerf ; que par suite, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Creil, la parésie oculomotrice droite dont est atteint M. X est la conséquence directe de l'augmentation progressive du volume de l'hématome extra-dural qui n'a pu être constatée, compte tenu de l'absence de surveillance de l'enfant en milieu hospitalier, que le lendemain par ledit centre hospitalier ; que par ailleurs, si les céphalées subies par M. X étaient présentes avant l'accident, l'expert précise que leur fréquence ou leur intensité peut aussi résulter des troubles de l'oculomotricité ; que dans ces conditions, le lien de causalité entre le retard de diagnostic et de soins et les séquelles susdécrites gardées par M. X doit être regardé comme établi ; qu'il en résulte que l'incapacité partielle permanente dont est atteint M. X fixée à 9 % par l'expert et les souffrances physiques endurées évaluées à 2/7 sont directement imputables à la faute du centre hospitalier de Creil ; qu'il résulte en revanche de l'instruction, que si M. X est sujet à des difficultés de concentration et d'irritabilité, ainsi qu'à des tics palpébraux et à des malaises épisodiques, ces différents troubles ne sont pas la conséquence directe de la faute commise par le centre hospitalier de Creil ; que le préjudice esthétique évalué à 2/7 et résultant de l'opération chirurgicale, qui en tout état de cause aurait dû intervenir pour évacuer l'hématome, ne saurait davantage relever de la responsabilité du centre hospitalier ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant, d'une part, qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence subis par M. Aurélien X en fixant le montant de leur réparation à 10 000 euros, y compris le pretium doloris et les frais de restauration exposés par la victime à l'occasion de son déplacement pour se rendre sur le lieu de l'expertise ; qu'en revanche, si M. X fait état d'un préjudice d'un montant de 500 euros résultant d'une incapacité totale temporaire de 21 jours, il est constant que la victime au moment de l'accident n'était âgé que de huit ans et ne percevait pas de revenus ; qu'enfin l'indemnité réclamée de 16 000 euros au titre des frais exposés ou à engager pour le port de lunettes correctrices n'est justifiée par aucun document et ne peut être que rejetée ;
Considérant, d'autre part, qu'il est constant que dès le diagnostic posé, le jeune Aurélien a bénéficié de la célérité des différents services médicaux et n'a gardé aucune séquelle neurologique à la suite de la faute commise par le centre hospitalier de Creil ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, M. et Mme X ne sont pas fondés à demander une indemnité de 4 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral allégué ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts X sont fondés à demander la condamnation du centre hospitalier de Creil à verser à M. Aurélien X une indemnité de 10 000 euros et par suite, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté, en son article 1er, l'ensemble de leurs demandes indemnitaires ; qu'en conséquence, le jugement attaqué devra être annulé sur ce point ;
Sur les droits de la caisse nationale militaire de sécurité sociale :
Considérant que la caisse nationale militaire de sécurité sociale, qui avait demandé au Tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier de Creil à lui rembourser le montant des débours exposés à la suite de l'accident subi par M. Aurélien X, régulièrement mise en cause dans la présente instance, n'a présenté aucune observation devant la Cour administrative d'appel ; que par suite, en l'absence de toute conclusion tendant à ce que le centre hospitalier de Creil soit condamné à lui rembourser le montant des sommes exposées en faveur de M. Aurélien X, il n'y a pas lieu de réformer le jugement en tant qu'il a rejeté les demandes de ladite caisse ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant, d'une part, que le centre hospitalier de Creil succombe à l'instance engagée par les consorts X devant la Cour ; que dès lors, il y a lieu de mettre à la charge dudit centre hospitalier de Creil les frais de l'expertise ordonnée par le Tribunal administratif d'Amiens tels que taxés et liquidés, par ordonnance en date du 11 juillet 2002, à la somme globale de 712,16 euros et d'annuler l'article 3 du jugement attaqué statuant sur ce point ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Creil les frais de l'expertise ordonnée par la Cour tels que taxés et liquidés, par ordonnance en date du 5 juillet 2006, à la somme globale de 1 000 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 et de mettre à la charge du centre hospitalier de Creil la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consorts X et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 3 du jugement n° 0300296 du Tribunal administratif d'Amiens en date du 18 décembre 2003 sont annulés.
Article 2 : Le centre hospitalier de Creil est condamné à verser à M. Aurélien X la somme de 10 000 euros.
Article 3 : Le centre hospitalier de Creil est condamné à verser à M. et Mme Pierre X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par le Tribunal administratif d'Amiens tels que taxés et liquidés à la somme de 712,16 euros et les frais de l'expertise ordonnée par la Cour tels que taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros sont mis à la charge du centre hospitalier de Creil.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Aurélien X et de M. et Mme Pierre X est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Aurélien X, à M. et Mme Pierre X, à la caisse nationale militaire de sécurité sociale et au centre hospitalier de Creil.
Copie sera transmise à M. le Docteur François Y, expert.
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N°04DA00195