Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNE DE LA GORGUE, représentée par son maire, par la
SCP Savoye et Associés ; la COMMUNE DE LA GORGUE demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0203373 du 19 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 9 juillet 2002 du maire de LA GORGUE mettant fin aux fonctions de M. Eric X et a condamné la COMMUNE DE LA GORGUE à verser à ce dernier une somme de 27 500 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette décision ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lille ;
3°) de condamner M. X à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, M. X n'a pas été recruté pour une durée indéterminée, l'acte par lequel il a été engagé mentionnant expressément le caractère précaire et révocable de l'emploi occupé ; que la situation de M. X correspondait à celle d'un auxiliaire collaborant temporairement contre rémunération à la gestion d'un service public ; qu'ainsi, le maire pouvait légalement mettre fin aux fonctions précaires occupées par M. X sans le faire bénéficier de l'indemnité de licenciement dont le décret du 15 février 1988 ne prévoit le versement qu'aux seuls agents recrutés pour une durée indéterminée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 27 janvier 2006, portant clôture de l'instruction au 7 mars 2006 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2006, présenté pour M. X, par
Me Brelivet ; M. X conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la COMMUNE DE LA GORGUE à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il demande en outre à la Cour, par la voie du recours incident, de porter le montant de la réparation due par la COMMUNE DE LA GORGUE à la somme de 68 787,84 euros au titre du préjudice financier et à celle de 6 000 euros pour le préjudice moral, ces sommes devant être assorties des intérêts et de la capitalisation de ces intérêts ; il soutient que la décision du 9 juillet 2002 mettant un terme à son contrat a été prise illégalement par le maire ; qu'à l'issue de la période d'essai de trois mois, son contrat, qui ne mentionne ni la date d'effet, ni celle de fin de contrat, est devenu un contrat à durée indéterminée auquel il ne pouvait être mis fin par la commune que par un licenciement ; que la manière dont il a exercé ses fonctions pendant plus de neuf ans sans interruption au service de la commune exclut qu'il puisse être qualifié d'auxiliaire de la fonction publique ; que l'illégalité fautive commise par la COMMUNE DE LA GORGUE lui a causé un préjudice économique et financier important justifiant le montant de l'indemnité, correspondant à quarante-huit mois de rémunération brute mensuelle, qu'il réclame, ainsi qu'un préjudice moral tenant au harcèlement moral constant dont il a fait l'objet de la part de la commune et qui a eu des répercussions sur son état de santé ;
Vu l'ordonnance du 9 mars 2006, reportant la clôture de l'instruction au 14 avril 2006 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2006 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et
M. Alain de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de M. Alain Dupouy, président-assesseur,
- les observations de Me Delgorgue pour la COMMUNE DE LA GORGUE, et de
Me Brélivet pour M. X,
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la COMMUNE DE LA GORGUE relève appel du jugement du 19 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 9 juillet 2002 du maire de cette commune mettant fin aux fonctions de M. Eric X, agent contractuel responsable du service des espaces verts, et a condamné la commune à verser à ce dernier une somme de
27 500 euros ; que, par la voie de l'appel incident, M. X demande que l'indemnité due par la commune soit portée à un montant total de 74 787,84 euros ;
Sur les conclusions de la COMMUNE DE LA GORGUE :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : « Les collectivités (…) ne peuvent recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que pour assurer le remplacement momentané de titulaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé de maladie, d'un congé de maternité ou d'un congé parental, ou de l'accomplissement du service national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux, ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d'un an à la vacance d'un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par la présente loi. Ces collectivités (…) peuvent, en outre, recruter des agents non titulaires pour exercer des fonctions correspondant à un besoin saisonnier pour une durée maximale de six mois pendant une même période de douze mois et conclure pour une durée maximale de trois mois renouvelable une seule fois à titre exceptionnel, des contrats pour faire face à un besoin occasionnel. Des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les mêmes cas et selon les mêmes conditions de durée que ceux applicables aux agents de l'Etat (...) » ; qu'aux termes des dispositions de l'article 4 de la loi du
11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, rendues applicables aux agents territoriaux par l'article 3 précité de la loi du 26 janvier 1984 : « (…) Les agents ainsi recrutés sont engagés par des contrats d'une durée maximale de trois ans qui ne peuvent être renouvelés que par reconduction expresse » ; et qu'aux termes de l'article 3 du décret susvisé du 15 février 1988 : « L'agent non titulaire est recruté, soit par contrat, soit par décision administrative. L'acte d'engagement est écrit. Il précise l'article et, éventuellement, l'alinéa de l'article de la loi du
26 janvier 1984 précitée en vertu duquel il est établi » ;
Considérant qu'il résulte des dispositions législatives précitées que les contrats passés par les collectivités territoriales en vue de recruter des agents non titulaires doivent, sauf disposition législative spéciale contraire, être conclus pour une durée déterminée et ne peuvent être renouvelés que par reconduction expresse ; que la circonstance qu'un contrat à durée déterminée a été reconduit tacitement ne peut avoir pour effet de lui conférer une durée indéterminée ; que le maintien en fonctions de l'agent à l'issue de son contrat initial, s'il traduit la commune intention des parties de poursuivre leur collaboration, a seulement pour effet de donner naissance à un nouveau contrat, conclu lui aussi pour une période déterminée et dont la durée est celle du contrat initial ; qu'ainsi, sauf circonstance particulière, la décision par laquelle l'autorité administrative compétente met fin aux relations contractuelles doit être regardée comme un refus de renouvellement du contrat si elle intervient à l'échéance du nouveau contrat, et comme un licenciement si elle intervient au cours de ce nouveau contrat ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a été engagé par la COMMUNE DE LA GORGUE en qualité de responsable des services « espaces verts » par un contrat du 11 février 1993 conclu en application du 3ème alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 ; qu'il a exercé ces fonctions, dans les mêmes conditions, sans interruption du 15 février 1993 au 30 septembre 2002, date d'effet de la décision litigieuse du 9 juillet 2002 ; qu'ainsi, et nonobstant les termes de l'arrêté du 15 mars 1993 du maire de LA GORGUE concernant le « caractère précaire et révocable » de l'emploi dans lequel il était nommé, M. X occupait, non un poste d'auxiliaire ou de vacataire, mais un emploi permanent ; qu'en application des dispositions précitées excluant le recrutement d'agents territoriaux par contrat à durée indéterminée, M. X doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, notamment eu égard à la nature de l'emploi occupé, comme ayant bénéficié d'un contrat initial de la durée maximale de trois ans prévue à l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 et été maintenu en fonctions à compter du 15 février 1996 en vertu de nouveaux contrats à durée déterminée identiques au premier contrat et conclus pour la même durée ; qu'ainsi, à la date du
30 septembre 2002, le contrat en cours de M. X n'était pas arrivé à son terme et la décision d'y mettre fin constitue non un refus de renouvellement dudit contrat mais un licenciement ; que, par suite, en application de l'article 43 du décret du 15 février 1988, M. X pouvait prétendre au versement d'une indemnité de licenciement calculée selon les modalités prévues aux articles 45 et 46 de ce décret ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE LA GORGUE n'est pas fondée, par les moyens qu'elle invoque, à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Sur les conclusions de M. X :
Considérant que M. X ne fournit aucun élément de nature à démontrer qu'en fixant à la somme de 27 500 euros le montant de la réparation mise à la charge de la COMMUNE DE LA GORGUE, les premiers juges auraient fait une insuffisante évaluation de son préjudice ;
Considérant que M. X a demandé, le 7 mars 2006, que les intérêts de la somme de 27 500 euros, qui ne lui a pas été versée par la commune, produisent eux-mêmes intérêts ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande de capitalisation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, le paiement de la somme que demande la COMMUNE DE LA GORGUE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la COMMUNE DE LA GORGUE le paiement à M. X d'une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE LA GORGUE est rejetée.
Article 2 : Les intérêts, échus à la date du 7 mars 2006, de la somme de 27 500 euros que la COMMUNE DE LA GORGUE a été condamnée à verser à M. X par le jugement n° 0203373 du 19 janvier 2005 du Tribunal administratif de Lille seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La COMMUNE DE LA GORGUE versera à M. X une somme de
1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE LA GORGUE et à M. Eric X.
Copie sera transmise au préfet du Nord.
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N°05DA00348