Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Abdoulaye X, demeurant ..., par Me Clément ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700543 en date du 31 janvier 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 janvier 2007 par lequel le préfet du Nord a prononcé sa reconduite à la frontière et de l'arrêté préfectoral du même jour fixant la Guinée comme pays de destination de la reconduite ;
2°) d'annuler les deux arrêtés du 27 janvier 2007 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard en application des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative ;
Il soutient que le préfet n'a pas examiné sa situation privée et familiale ; que la circonstance qu'il établit résider régulièrement en France depuis près de 10 ans n'a pas été prise en considération par le préfet du Nord ; que l'arrêté contesté est entaché d'un défaut de motivation ; que le préfet du Nord a commis une erreur de droit ; qu'il établit être entré régulièrement en France le 18 août 1998, sous couvert d'un visa Schengen ; que le préfet du Nord ne pouvait ainsi se fonder, pour prendre son arrêté, sur l'article L. 511-1 II 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle ; qu'il justifie de sa présence en France depuis près de 10 ans, que les liens tissés avec des associations, et notamment le collectif de soutien des sans-papiers, et les déclarations de revenus déposées en 2003 et 2005, établissent qu'il a fixé sa vie en France et que son éloignement aurait des conséquences considérables ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu la décision en date du 22 février 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à M. X l'aide juridictionnelle totale ;
Vu l'ordonnance en date du 13 mars 2007 portant clôture de l'instruction au
13 avril 2007 à 16 h 30 ;
Vu la lettre en date du 18 avril 2007 par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la délégation du président de la Cour en date du 26 septembre 2006 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2007 :
- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions relatives à l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « / (…) / II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (…) » ;
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté litigieux qui énonce les textes applicables et les considérations de fait qui justifient la mesure prise à l'encontre de M. X est suffisamment motivé ; que la circonstance qu'elle ne reprend pas le fait qu'il réside depuis près de dix ans en France n'est pas de nature à faire regarder ladite décision comme entachée d'une insuffisance de motivation ; que le moyen tiré de ce que le préfet du Nord n'aurait pas examiné la situation privée et familiale de l'intéressé manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant guinéen, né le 13 mars 1974, est entré en France le 18 août 1998 muni d'un passeport revêtu d'un visa Schengen d'une durée de 90 jours valable du 29 juillet 1998 au
28 octobre 1998 ; qu'il a été interpellé le 26 janvier 2007 ; que le préfet du Nord a décidé le
27 janvier 2007 que M. X serait reconduit à la frontière ;
Considérant que le préfet du Nord, qui avait retenu les propres déclarations de l'intéressé alléguant avoir perdu son passeport, s'est à tort fondé, pour prendre cet arrêté, sur les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'étaient pas applicables à M. X, lequel était en réalité entré régulièrement sur le territoire français ;
Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait du être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;
Considérant qu'il y avait lieu de substituer comme fondement légal de l'arrêté les dispositions du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'ayant été interpellé, le 26 janvier 2007, après que la validité de son visa était expirée, sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré,
M. X se trouvait dans la situation où, en application du 2° du II de l'article L. 511-1, le préfet pouvait légalement ordonner sa reconduite à la frontière ; que cette substitution de base légale n'avait pas pour effet de priver l'intéressé des garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi et que l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une et l'autre des deux dispositions sus-rappelées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli ;
Considérant, en dernier lieu, que M. X, entré en France à l'âge de 24 ans, et y résidant irrégulièrement depuis, célibataire et sans enfant, ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que si l'intéressé soutient qu'il demeure en France depuis près de dix ans, qu'il a tissé des liens avec des associations, qu'il a déposé des déclarations de revenus en 2003 et 2005, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur les conclusions relatives à l'arrêté distinct fixant la Guinée comme pays de destination :
Considérant que M. X ne soulève en appel aucun moyen propre contre cette décision mais se borne à en demander l'annulation ; que les conclusions devront, dès lors, être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux arrêtés par lesquels le préfet a, d'une part, prononcé sa reconduite à la frontière et, d'autre part, fixé la Guinée comme pays de destination ; que les conclusions à fin d'injonction, présentées par l'intéressé, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Abdoulaye X, au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et au préfet du Nord.
N°07DA00342 2