Vu la requête, enregistrée le 22 février 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SOCIETE ANONYME BEAULIEU FRANCE, dont le siège est ZI Artois Flandres Secteur E à Douvrin (62138), représentée par son président-directeur général en exercice, par Me Legrand ; la SA BEAULIEU FRANCE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0301059 du 1er décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998 et 1999 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
Elle soutient :
- que pour contester les déficits et amortissements réputés différés imputés sur les résultats 1998 et 1999, l'administration a raisonné de manière théorique sans tenir compte de la réalité de l'entreprise sanctionnant ainsi l'entreprise du seul fait qu'elle a enregistré des pertes de 1990 à 1992 et des bénéfices ensuite ;
- que de 1990 à 1992, la SA BEAULIEU FRANCE est intervenue en son nom et pour le compte de la société belge Beaulieu Wielsbeke souscrivant les contrats, facturant les livraisons, recevant les règlements, prenant en charge les frais de publicité, les frais administratifs et les impayés ; qu'elle a enregistré ces opérations dans sa comptabilité et que sa rémunération correspondait à la marge réalisée ; qu'au contraire pour la période 1993-1994 elle a agi en tant que commissionnaire transparent de la société Beaulieu Wielsbeke et que sa rémunération était une commission de 5 % sur les ventes, seule enregistrée en comptabilité ; que cette modification fondamentale d'activité s'explique par l'historique de la société et l'évolution du marché du tapis moquette ; que le Tribunal aurait dû la prendre en compte ;
- que la marge brute de la SA BEAULIEU FRANCE est comparable à celle réalisée par des entreprises exerçant la même activité sur le marché concurrentiel ; qu'elle a réalisé, contrairement à ce qu'a affirmé le Tribunal des marges de 10 à 14 % ;
- que compte tenu du changement d'activité, toute comparaison intrinsèque est inopérante ;
- qu'en se contentant d'affirmer que la convention était déséquilibrée et qu'il n'existait pas de contrepartie pour la SA BEAULIEU FRANCE, le Tribunal a occulté la réalité des chiffres ; qu'il a repris l'argumentation de l'administration sans véritable motivation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 août 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête ; il soutient :
- que le service vérificateur a mis en évidence, sans être contredit, la dépendance juridique et de fait de la requérante vis-à-vis du groupe belge Beaulieu et en particulier les sociétés Beaulieu Wielsbeke et Beaulieu management ; qu'il a également établi l'insuffisance du taux de rémunération et l'importance des charges financières supportées en exécution d'un contrat non conforme à ses intérêts ; qu'en conséquence, les conditions de mise en oeuvre de l'article 57 étaient réunies et que l'entreprise supporte la charge de la preuve de l'absence de transfert de bénéfices vers la société belge ;
- que la société n'établit pas que la dégradation de sa situation financière au cours des années durant lesquelles elle a appliqué la convention déséquilibrée conclue en 1990 avec la société belge serait due à une dégradation du marché des produits vendus alors que les profits de la société belge ont au cours de cette période été multipliés par sept ;
- qu'en soutenant qu'il ne peut y avoir de comparaison intrinsèque entre 1992 et 1993 du fait du passage de l'état de commissionnaire opaque à celui de commissionnaire transparent, la requérante ne conteste pas utilement le caractère déséquilibré de la convention initiale ; qu'elle ne justifie pas la baisse des taux de sa rémunération brute au cours des exercices 1990 à 1992, taux au demeurant sans signification dès lors qu'il est démontré que les commissions nettes ne permettaient pas de couvrir les charges imposées par les conditions contractuelles ; que cette rémunération ne correspond pas au prix de pleine concurrence dès lors que ce dernier doit représenter au minimum le coût de revient des frais engagés auquel s'ajoute une rémunération minimum ;
- que ce contrat déséquilibré a par ailleurs obligé la requérante à contracter un emprunt générateur de charges supplémentaires auprès d'une société du même groupe et supporter des frais sur les variations de soldes créditeurs constatés au bénéfice de cette dernière ; que ces intérêts étant la conséquence de la convention déséquilibrée, et ayant été versés à la société Beaulieu Management, ils pouvaient être réintégrés dans les résultats de l'exercice ; que les motifs figurant dans le contrat de prêt pour en expliquer la cause ne correspondent pas à la réalité ; que la requérante n'apporte ainsi pas la preuve de la conformité du prêt avec ses intérêts ;
- que ces redressements conduisent à remettre en cause des amortissements réputés différés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts alors applicable : « I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. » et qu'aux termes de l'article 57 du même code alors applicable : « Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. » ; que ces dispositions, sous réserve que l'administration ait établi l'existence d'un lien de dépendance entre l'entreprise située en France et l'entreprise située hors de France ainsi que des majorations ou minorations du prix ou des moyens analogues de transfert de bénéfices, instituent une présomption pesant sur l'entreprise passible de l'impôt sur les sociétés, laquelle ne peut obtenir, par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction de l'imposition établie en conséquence qu'en apportant la preuve des faits dont elle se prévaut pour démontrer qu'il n'y a pas eu transfert de bénéfices ;
Considérant que la SA BEAULIEU FRANCE exerce une activité de négoce en tapis et moquette et fait partie du groupe BEAULIEU dont une grande partie de l'activité est située en Belgique ; que la SA BEAULIEU FRANCE est devenue, par une convention conclue le 15 juillet 1990, commissionnaire agissant en son nom propre pour le compte de la société belge Beaulieu Tufting NV; que dans le cadre de ce contrat, alors qu'elle n'était rémunérée que par une commission brute de 5 % du prix de vente hors taxes des ventes apportées à la société Beaulieu Tufting NV réalisées sans marge, elle était chargée de la facturation aux acheteurs, de l'encaissement du prix, de la publicité, des formalités administratives et supportait les impayés ; qu'au titre des exercices 1990, 1991 et 1992, elle a accusé d'importants déficits comptables et des résultats d'exploitation déficitaires ; que sa situation financière l'a contrainte à conclure un emprunt de 7 000 0000 francs, le 25 mai 1991, générant des charges supplémentaires ; que cet emprunt a été contracté auprès d'une autre société belge du groupe Beaulieu, la société Beaulieu Management ; que l'administration, en relevant ces différents éléments, a établi que les conditions de rémunération de l'activité de la SA BEAULIEU FRANCE, comparée à l'étendue de ses missions, ne lui permettait pas d'équilibrer ses comptes et était à l'origine des déficits constatés alors que dans le même temps, les bénéfices de son commettant ont été multipliés par sept et que les résultats de la SA BEAULIEU FRANCE n'ont été rendus bénéficiaires qu'à la suite des modifications successives de la convention du 15 juillet 1990 ; qu'eu égard à ces circonstances, l'administration doit être regardée comme établissant une présomption de transfert de bénéfices de la SA BEAULIEU FRANCE dont le lien de dépendance envers la société belge Beaulieu Tufting NV, devenue société Beaulieu Wielsbeke, et la société Beaulieu Management n'est pas contesté au profit de ces dernières ;
Considérant que la SA BEAULIEU FRANCE se borne à reprocher à l'administration d'avoir raisonné de manière théorique et à réfuter toute comparaison entre les périodes où elle était déficitaire et celle où, après les modifications du contrat du 15 juillet 1990 rééquilibrant les charges pesant sur elle et la rémunération perçue, elle est redevenue bénéficiaire en soutenant que pour la première période, elle est intervenue en son nom et pour le compte de la société Beaulieu Tufting NV, devenue Beaulieu Wielsbeke alors qu'au contraire pour la période 1993-1994 elle a agi en tant que commissionnaire transparent de ladite société et qu'en réalité elle était rémunérée sur sa marge ; qu'elle n'apporte pas ce faisant d'éléments de nature à établir que ladite convention reposait sur des conditions lui permettant de couvrir les frais liés à son activité ni que l'évolution du marché du tapis et de la moquette serait à l'origine de ses difficultés alors qu'il est constant qu'au cours de la même période, les bénéfices de son commettant ont fortement augmenté ; que par ailleurs, si elle soutient que l'emprunt contracté le 25 mai 1991 serait lié aux besoins de trésorerie tirés de son activité en 1988, elle n'en justifie pas alors qu'elle n'établit pas avoir réalisé des investissements importants ni avoir eu besoin d'un important fonds de roulement ;
Considérant ainsi que l'administration qui a établi tant le lien de dépendance que le transfert de bénéfices au profit de la société belge Beaulieu Tufting NV, devenue société Beaulieu Wielsbeke, et de la société Beaulieu Management, était en droit de mettre en oeuvre l'article 57 précité du code général des impôts et à réintégrer dans les résultats de la SOCIETE BEAULIEU FRANCE la quote-part de marge minorée et les intérêts de l'emprunt contracté le 25 mai 1991 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SA BEAULIEU FRANCE la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE ANONYME BEAULIEU FRANCE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE ANONYME BEAULIEU FRANCE et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°06DA00301