Vu la requête, enregistrée par télécopie le 21 février 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par la production de l'original le 22 février 2006, présentée pour M. et Mme Bernard X, demeurant ..., par Me Roumazeille ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0303754 du 1er décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restant à leur charge au titre des années 1995 à 1997 ainsi que des pénalités y afférentes et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent :
- que la procédure d'imposition n'a pas été régulière dès lors qu'il n'y a pas eu débat oral et contradictoire avec le contribuable, la procédure ayant été menée avec son mari qui n'a pas la qualité de commerçant et n'était pas mandaté pour la représenter ; que le débat a été insuffisant sur des éléments essentiels de la reconstitution à savoir le relevé des prix de vente et le relevé des prix d'achats, recherchés par le vérificateur seul ;
- que la notification de redressement, qui comporte un relevé des prix d'achats ne mentionnant pas le nom des fournisseurs et les dates d'achats alors que les constatations ont été réalisées par le vérificateur seul, n'est pas suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et de la doctrine Doc adm13 L 1513 n° 73 du
1er avril 1995 ; que la communication entre les deux réunions de la commission départementale des impôts d'un document peu lisible ne régularise pas ce vice ;
- que la méthode de reconstitution est erronée et sommaire dans la mesure où la vérification a été effectuée en période d'activité normale et n'a pas tenu compte des caractéristiques de l'activité vérifiée ; que l'administration n'a pas mentionné les termes de comparaison utilisés n'assurant pas ainsi le caractère contradictoire de la procédure ; que, lors d'une procédure portant sur les années ultérieures, il est apparu que les termes de comparaison avec d'autres entreprises n'étaient pas probants dans la mesure où la société a été comparée avec des sociétés vendant des fleurs qu'elles produisaient ou qu'elles achetaient en Hollande ; que l'analyse comparée des marges de produits réalisée n'est pas opérante dès lors qu'elle a été réalisée par catégorie d'article alors qu'il aurait fallu la réaliser par groupes d'articles afin de prendre en compte des ventes combinées d'articles ; que la reconstitution présente un caractère excessivement sommaire dès lors que la prise en compte du caractère saisonnier de l'activité qui provoque des variations de la marge en fonction de l'évolution des prix n'a pas été prise en compte ; que le vérificateur n'a pas tenu compte des variations d'achat au niveau de chaque produit ; que la part de pertes a été sous-estimée et doit être fixée à 19,66 %, ce qui est conforme aux monographies de la profession ; qu'un taux de 3 % doit être retenu pour les vols ; que les éléments de comptabilisés établis à partir d'une caisse enregistreuse à compter de 1999 apportent la preuve des éléments avancés par les requérants ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2006, présenté pour l'Etat par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient :
- que le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire n'est pas fondé ; que les investigations ont été menées en présence de la requérante, de son mari et du comptable ; qu'elle n'apporte pas la preuve de l'absence d'un tel débat, la vérification s'étant déroulée dans les locaux de la société ; que la circonstance qu'elle n'aurait pas signé le relevé des prix constatés n'établit pas que la procédure aurait été menée sans elle ;
- que la notification de redressement qui reprend les motifs de fait et de droit le fondant ainsi que le détail des calculs qui permettent de reconstituer les recettes est suffisamment motivée ; que le relevé des prix d'achat a été effectué à partir des factures fournies par le contribuable ; que le nom des fournisseurs et la date des factures figurent sur le document ; qu'elle n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas eu les éléments pour répondre aux redressements ;
- que la charge de la preuve de l'exagération des impositions pèse sur le contribuable lorsque la comptabilité est irrégulière et les redressements conformes à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- que le chiffre d'affaires a été établi à partir des éléments propres à l'entreprise, les termes de comparaison ne venant que pour conforter les résultats obtenus ; que Mme X elle-même déterminait son chiffre d'affaires à partir des catégories retenues par l'administration ; qu'il n'est pas démontré en quoi le fait de retenir une autre classification aboutirait à un chiffre d'affaires inférieur ; que les lacunes de la comptabilité imposaient une comptabilisation des achats à partir des constatations réalisées sur place ; que Mme X n'a pu présenter aucun justificatif des prix de vente pratiqués au cours de la période vérifiée ; que la commission a estimé qu'elle n'apportait pas d'éléments justifiant de retenir un taux de pertes supérieur à celui de 15 % retenu par l'administration et qui correspond à un taux médian constaté dans la profession ; que, par ailleurs, les produits vendus sont moins sensibles aux pertes ; qu'elle ne justifie pas un taux de vol plus élevé ; que par ailleurs une réduction de 5 % a été pratiquée pour tenir compte des cartes de fidélité alors même que cette réduction ne concerne pas les clients occasionnels ; qu'il n'est pas démontré que la reconstitution serait erronée ;
- que le remboursement des frais irrépétibles n'est pas justifié ;
Vu le mémoire en réplique, parvenu par télécopie le 1er décembre 2006 et régularisé par la production de l'original le 4 décembre 2006, présenté pour M. et Mme X, tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et en outre par les motifs :
- que la composition de la formation de jugement méconnaît le principe d'impartialité posé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article R. 200-1 du livre des procédures fiscales dès lors que son président a également présidé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui a examiné le redressement portant sur les années immédiatement postérieures à celles en litige et qui reposait sur la critique de la comptabilité pour les mêmes motifs que ceux concernant les années en cause ;
- que l'administration n'est pas fondée à écarter l'élément de preuve résultant de la comptabilité des années postérieures alors que l'une de ces années est celle au cours de laquelle elle a procédé à un relevé des prix pour le redressement en cause et que cette comptabilité a été estimée probante par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires saisie des redressements également opérés au titre de ces années ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 mai 2007, présenté par l'Etat, tendant au rejet de la requête par les mêmes motifs et en outre par le motif que le fait que l'un des membres du Tribunal ayant rendu le jugement a présidé la commission départementale des impôts pour des années ultérieures est sans incidence sur la régularité du jugement ; qu'à défaut de contestation de la mention de la notification de redressement indiquant que les informations sur les marges ont été acquises lors des interventions sur place précisées dans cette notification, ce point doit être tenu pour acquis ; que sa contestation tardive ne permet pas d'établir que le contribuable n'aurait pas disposé des informations lui permettant de formuler des observations ou de demander des précisions ;
Vu le mémoire, parvenu par télécopie le 30 mai 2007 et régularisé par la production de l'original le 5 juin 2007, présenté pour M. et Mme X tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et, en outre, par les motifs que la notification de redressement et elle seule doit permettre au contribuable de se défendre sans que l'administration puisse se référer à des accords oraux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;
- les observations de Me Roumazeille pour M. et Mme X ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le président de la formation du Tribunal administratif de Lille qui a rendu le jugement attaqué a également présidé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lors de sa séance du 4 juin 2003, antérieure audit jugement, au cours de laquelle la situation fiscale de Mme X, pour son activité de fleuriste, au titre des années 1998 à 2000, a été examinée ; que si la présidence, antérieurement au jugement, d'une commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires au cours d'une séance ayant procédé à l'examen de la situation d'un contribuable au titre d'années postérieures à celles soumises au Tribunal, ne fait pas, en principe, obstacle à ce que le magistrat participe à la formation de jugement, il résulte des circonstances de l'espèce que la commission avait lors de ladite séance examiné la situation de Mme X en particulier au titre de l'année 1998, année au cours de laquelle l'administration avait effectué la vérification de comptabilité ayant conduit à écarter la comptabilité de Mme X pour les exercices 1995 à 1997 et à procéder à une reconstitution du chiffre d'affaires réalisé du 1er janvier 1995 au
31 décembre 1997 et des résultats à comprendre dans les bénéfices industriels et commerciaux soumis à l'impôt sur le revenu des années 1995, 1996 et 1997 ; qu'il est constant que la comptabilité présentait en 1998 les mêmes caractéristiques qui ont conduit l'administration à estimer que celle tenue pour les années 1995 à 1997 n'était pas probante et que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans sa séance du 4 juin 2003 s'est prononcée sur les irrégularités ainsi constatées ; que, par ailleurs, il est également constant que la reconstitution du chiffre d'affaires de Mme X pour les années 1995 à 1997 a été opérée sur la base de relevés de prix d'achat et de vente réalisés en 1998 ; que, compte tenu de l'identité des questions posées, alors même que l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'était pas applicable à un litige relatif exclusivement à l'assiette de l'impôt et que l'article R. 200-1 du livre des procédures fiscales n'était pas méconnu, le principe d'impartialité, applicable à toutes les juridictions, faisait obstacle à ce que le même magistrat présidât la formation de jugement lorsque celle-ci a statué sur la demande dont Mme X l'avait saisie ; que par suite, M. et Mme X sont fondés à soutenir que le jugement attaqué a été irrégulièrement rendu ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme X sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer le jugement de la demande devant le Tribunal administratif de Lille ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme X et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0303754 susvisé du Tribunal administratif de Lille en date du 1er décembre 2005 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le Tribunal administratif de Lille.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme Bernard X une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Bernard X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°06DA00288