Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
28 juillet 2005, présentée pour Mme Christiane , veuve , demeurant ..., par la SCP Braut, Antonini, Hourdin, Hanser ; Mme demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0103732 en date du 7 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 20 février 2001 pour le recouvrement de la somme de 602 410,18 francs
(91 836,84 euros) ainsi que le commandement de payer du 27 juillet 2001 ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de condamner la trésorerie de Vermand, d'une part, et la commune de Gricourt, d'autre part, à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont écarté une partie de ses contestations au soutien de son recours qui ne portait pas uniquement sur la validité formelle du commandement de payer mais également sur le bien-fondé de la créance dont croit devoir exciper la trésorerie de Vermand pour justifier de ses poursuites ; que si le juge de l'exécution est compétent pour statuer sur la validité formelle du commandement, seule la juridiction administrative est compétente pour connaître des contestations portant sur l'existence même de la créance ; que la commune de Gricourt sollicite le remboursement de salaires sur une période allant du 1er avril 1971, date de son embauche, au 31 décembre 1989, sans démontrer qu'effectivement les salaires auraient été payés indûment pendant cette période et alors que les juges judiciaires de première instance et d'appel ont retenu comme point de départ des infractions commises l'année 1992 ; que le titre exécutoire et, par voie de conséquence, le commandement de payer sont dépourvus de cause licite ; qu'en tout état de cause, la créance dont excipe la trésorerie est prescrite, en application de l'article 2277 du code civil qui s'applique, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation, tant à l'action en paiement provenant du salarié que l'action en répétition émanant de l'employeur ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 septembre 2005, présenté par la trésorerie de Vermand, qui conclut à son incompétence à produire un mémoire en défense en vertu du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables publics dès lors que la requérante ne conteste pas le commandement de payer mais le bien-fondé du titre de recettes émis ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 octobre 2005, présenté pour la commune de Gricourt, représentée par son maire, par Me Prudhomme, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que le relevé, étayé par les fiches de paie de l'intéressée, des salaires nets de Mme , porte bien sur la somme de 602 410,18 francs ; que Mme a reconnu elle-même au cours de la procédure pénale n'avoir jamais exercé le moindre emploi salarié pour la commune de Gricourt et ne saurait revenir sur son aveu ; que les versements perçus par elle au titre de ses salaires fictifs sont dépourvus de la moindre cause ; que le prétendu revirement de jurisprudence de la Cour de cassation est sans incidence sur le bien-fondé de l'action de la commune dès lors que l'emploi de la requérante était fictif et qu'il s'agit d'une action en répétition de l'indu n'ayant aucun lien avec des salaires qui auraient pu être exigés ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 octobre 2005, présenté par la trésorerie générale de l'Aisne, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
Mme Agnès Eliot, premier conseiller :
- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller ;
- les observations de Me Stalin, pour la commune de Gricourt ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'à l'appui des conclusions présentées dans sa requête introductive d'instance devant le tribunal administratif et qui tendaient à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 20 février 2001 pour le recouvrement de la somme de 602 410,18 francs (91 836,84 euros) ainsi que du commandement de payer du 27 juillet 2001, Mme , veuve , avait notamment invoqué un moyen tiré de ce que la créance publique à l'origine des décisions contestées n'était pas certaine dès lors que la trésorerie de Vermand et la commune de Gricourt ne démontraient pas que les salaires versés entre le 1er avril 1971 et le 31 décembre 1989 lui auraient été indûment payés ; que la circonstance que Mme , veuve , n'a pas repris ce moyen dans le mémoire complémentaire qu'elle a ultérieurement déposé, ne permettait pas au Tribunal de regarder ce moyen comme abandonné ; qu'il suit de là que le jugement attaqué, qui s'abstient d'y répondre, est entaché d'irrégularité et doit, dès lors, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme , veuve , devant le Tribunal administratif d'Amiens ;
Sur la régularité des actes de poursuites :
Considérant que si Mme soutient que le commandement de payer en ce qu'il fait référence à un titre exécutoire ne respectant pas les exigences minimales de motivation prévues par l'article 81 alinéa 1 du décret du 29 décembre 1962 doit être déclaré nul, un tel moyen qui se rapporte à la régularité formelle des actes de poursuites ne peut être apprécié que par l'autorité judiciaire ;
Sur le bien-fondé des poursuites :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal d'audition établi par la police judiciaire en date du 11 juin 1996, que Mme , veuve , a été nommée en 1970 en qualité de secrétaire de la mairie de Gricourt mais qu'elle n'y a jamais exercé aucune fonction ; que dans le même procès-verbal, elle reconnaît avoir indûment perçu de la commune de Gricourt un salaire mensuel pendant la période allant de 1970 à 1995 ; que la commune produit au dossier les duplicatas des fiches de paie établies au nom de Mme , veuve , pendant cette période ; que, dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient l'intéressée qui n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, la somme réclamée par la commune de Gricourt au titre des salaires indûment versés à Mme , veuve , pendant la période du 1er avril 1971 au 31 décembre 1989 est justifiée par les pièces du dossier ; que la circonstance que la Cour d'appel d'Amiens, confirmée sur ce point par la Cour de cassation a condamné Mme , veuve , pour des faits similaires commis entre 1990 et 1995 à verser à la commune de Gricourt la somme de 350 000 francs (53 357,16 euros), à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier subi par la collectivité est sans influence sur l'obligation de payer régulièrement mise à la charge de Mme , veuve , pour la période de 1971 à 1989 qui n'a pas été examinée par le juge judiciaire ;
Sur la prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article 2227 du code civil : « L'Etat, les établissements publics et communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers et peuvent également les opposer » ; qu'aux termes de l'article 2262 du même code : « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre, ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de sa mauvaise foi » ; qu'aux termes de l'article 2277 dudit code : « Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : Des salaires (...) et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts » ;
Considérant que les dispositions relatives aux prescriptions abrégées sont d'interprétation stricte et ne peuvent être étendues à des cas qu'elles ne visent pas expressément ; que la prescription prévue à l'article 2277 du code civil ne saurait être étendue aux actions en répétition de l'indu exercées par les communes contre les agents publics à raison, de manière générale, d'un trop-perçu sur les traitements et rémunérations versés à ces agents et, en particulier, de sommes versées en l'absence de service fait, alors même qu'il s'agirait de la restitution de sommes qui ont été payées par année ou à des termes périodiques plus courts ; qu'à défaut de dispositions prévoyant une prescription plus courte pour cette catégorie de créances, le reversement des sommes dues à l'Etat par Mme , veuve , était soumis à la seule prescription trentenaire instituée à l'article 2272 du code civil ; que, dès lors, la créance de la commune de Gricourt dont s'agit n'était pas prescrite à la date de notification le 2 mars 2001 du titre de perception du 20 février 2001 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que Mme , veuve , n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 20 février 2001 pour le recouvrement de la somme de 602 410,18 francs (91 836,84 euros) ainsi que le commandement de payer du 27 juillet 2001 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la trésorerie de Vermand et la commune de Gricourt, qui ne sont pas, dans la présente espèce, les parties perdantes, versent à Mme , veuve la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de
Mme , veuve , au profit de la commune de Gricourt la somme de 1 500 euros qu'elle demande en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme , veuve , est rejetée.
Article 2 : Mme , veuve , versera à la commune de Gricourt la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Christiane , veuve , à la commune de Gricourt, et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Copie sera transmise au trésorier-payeur général de l'Aisne et au préfet de l'Aisne.
N°05DA00956 2