Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
21 mars 2004, présentée pour M. Mamadou X, demeurant ..., par Me Pereira, et la requête modificative enregistrée le 1er avril 2007 par télécopie et confirmée par l'original le 4 avril 2007, par Me Dosé ; M. X demande au président de la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700408, en date du 26 février 2007, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du
12 février 2007 du préfet de la Somme décidant sa reconduite à la frontière et désignant le Mali comme pays de destination ;
2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée ;
M. X soutient qu'il avait été mis en possession le 15 novembre 2006 d'une convocation émise par la préfecture de police de Paris pour le 1er mars 2007 afin que sa demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français soit examinée et qu'il y soit statué au regard de l'article L. 313-11-6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en situation régulière, il n'entrait ainsi pas dans la catégorie des étrangers susceptibles de faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, ni, d'ailleurs, dans le champ d'application du 2° de l'article L. 511-1-II du même code ; qu'au surplus, l'exposant s'est vu délivrer le 1er mars 2007 par la préfecture de police de Paris un récépissé de demande de carte de séjour temporaire, qui a eu pour effet d'abroger implicitement l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué ; que, dès lors, cet arrêté, qui est dépourvu de base légale, et le jugement attaqués doivent être annulés ; que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été pris en méconnaissance de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en effet, alors que l'exposant s'était vu délivrer plusieurs autorisations provisoires de séjour en raison de son état de santé et que celui-ci ne s'est pas amélioré, le médecin-chef de la préfecture de police de Paris a émis, le 12 janvier 2006, dans le cadre de l'instruction de la dernière demande de renouvellement de cette autorisation qu'il avait présentée, un avis défavorable ; que sa situation n'a toutefois pas été examinée au regard des éléments nouveaux qu'il a été en mesure d'apporter depuis lors dans le cadre de la procédure contradictoire engagée avec l'administration ; que, cependant, son état de santé aurait dû faire l'objet d'un nouvel examen dans les conditions prévues à l'article L. 313-11-11° du même code ; que ce même arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du même code ; qu'en effet, l'exposant est le père d'une fille de nationalité française, née le 8 janvier 1990, à l'égard de laquelle il exerce, conjointement avec la mère de celle-ci, l'autorité parentale ; que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, l'exposant a toujours entretenu des liens forts avec sa fille, bien que n'habitant pas avec elle ; qu'il en est justifié par les témoignages versés au dossier ; que l'exposant, qui est entré en France le 8 septembre 1986, compte à présent plus de vingt années de présence sur le territoire français ; que les documents produits au dossier prouvent la réalité de cette présence depuis au moins dix ans ; que, dans ces conditions et alors au surplus que l'exposant est parent d'un enfant français, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a également été pris en méconnaissance tant des dispositions de l'article L. 313-11-7° du même code que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu la décision en date du 3 avril 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à M. X l'aide juridictionnelle totale pour la présente procédure ;
Vu l'ordonnance en date du 4 mai 2007 par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 4 juin 2007 ;
Vu les pièces du dossier établissant que le préfet de la Somme a régulièrement reçu notification de la requête susvisée mais n'a pas produit de mémoire ;
Vu l'ordonnance en date du 14 juin 2007 par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique, et notamment son article 37 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la désignation du président de la Cour en date du 30 mai 2007 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2007 :
- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par l'arrêté attaqué en date du 12 février 2007, le préfet de la Somme a prononcé la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant malien, et a décidé que l'intéressé devait être reconduit vers le pays dont il a la nationalité ou vers tout pays dans lequel il serait légalement admissible, en se fondant sur les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui visent le cas de l'étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; que si M. X est entré en France dépourvu de visa et n'était titulaire d'aucun titre de séjour en cours de validité à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, il est cependant apparu en cours d'instruction devant le tribunal administratif, que l'intéressé était entré en France muni d'un passeport en cours de validité, à une date à laquelle aucune obligation de visa ne pesait sur les ressortissants maliens ; que, dans ces conditions, le Tribunal administratif d'Amiens a estimé, pour rejeter la demande de M. X, que l'arrêté attaqué pouvait être légalement fondé sur les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du même code qui visent le cas de l'étranger qui s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; que M. X forme appel de ce jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. X, qui est entré en France le 6 septembre 1986 sans être soumis à l'obligation de visa, s'est maintenu sur le territoire français durant plus de trois mois sans être titulaire d'un premier titre de séjour ; qu'il entrait, ainsi, dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui autorisait le préfet de la Somme à prononcer sa reconduite à la frontière ;
Considérant, toutefois, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; qu'aux termes de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « La détention d'un récépissé d'une demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour (…) ou d'une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l'étranger en France sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui avait fait l'objet, le 9 août 1996, d'une condamnation par jugement du Tribunal correctionnel de Paris assortie d'une mesure d'interdiction du territoire national pour une durée de dix ans et qui avait été assigné à résidence depuis le 24 février 2000 en raison de son état de santé, cette mesure ayant été levée le 14 septembre 2006, s'est vu remettre par les services de la préfecture de police de Paris, le 15 novembre 2006, une convocation pour le 1er mars 2007 dans le but de fournir les éléments utiles à l'examen de sa situation au regard de son droit au séjour en sa qualité de parent d'enfant français ; que la délivrance par le préfet de police de Paris, à une date antérieure à celle à laquelle l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été pris, d'une telle convocation valant autorisation provisoire de séjour, qui permettait à M. X de se maintenir régulièrement sur le territoire français durant le temps nécessaire à l'examen de sa demande, faisait obstacle, en application des dispositions précitées de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et quelles que soient les suites susceptibles d'être données à cette demande, à ce que le préfet de la Somme prenne à son égard une mesure de reconduite à la frontière ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 février 2007 décidant sa reconduite à la frontière et fixant le Mali comme pays de destination ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dosé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que Me Dosé demande à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0700408, en date du 26 février 2007, du Tribunal administratif d'Amiens et l'arrêté, en date du 12 février 2007, du préfet de la Somme décidant la reconduite à la frontière de M. X et désignant le Mali comme pays de destination de cette mesure, sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Dosé, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de
1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Mamadou X, au préfet de la Somme et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
N°07DA00428 2