Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août 2006 et 6 octobre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel, présentés pour la société par actions simplifiée X FINANCE, dont le siège est 36 rue Brunel à Paris (75017), par Me Lefevre ; la société X FINANCE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0404731 du 12 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur les salaires qui lui ont été réclamés au titre des années 1999 et 2000 ;
2°) de prononcer la décharge demandée et, à titre subsidiaire, la réduction des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que l'article 231 du code général des impôts instituant la taxe sur les salaires est incompatible avec les dispositions de l'article 33 de la 6e directive TVA dès lors que cette taxe est un substitut à la TVA, qu'elle emprunte à son régime et qu'elle porte atteinte au principe de neutralité qui caractérise cet impôt ; que la taxe sur les salaires porte atteinte au principe de la libre concurrence et à la liberté de prestation de services ; qu'elle porte atteinte à l'objectif de neutralité fixé par la première directive TVA du 11 avril 1967 ; que les modalités de calcul du rapport d'assujettissement sont incompatibles avec l'article 19 de la 6e directive en matière d'assiette ; que les produits financiers accessoires sont sans incidence sur le calcul du prorata ; que l'instruction 3 A-1-06 du 10 janvier 2006 doit être appliquée dès lors que la perception des dividendes n'a impliqué des biens et des services que dans une proportion inférieure à 10 % ; que, pour l'application de l'instruction du 10 mars 1995, il peut exister un secteur distinct sans salarié ; que la documentation administrative n° 3 D-1722 § n° 1 du 2 novembre 1996 permet la sectorisation ; qu'eu égard aux travaux nécessités par la perception des dividendes en litige, l'intégralité des salaires des deux cogérants de l'entreprise ne pouvait pas être taxés forfaitairement ; qu'à titre subsidiaire, il n'y aurait lieu de ne taxer que le temps passé par Mme X, ce qui conduirait à des redressements de 218 et 219 euros pour les années vérifiées au lieu de 44 079 et 43 753 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 7 septembre 2006 à la SCP Dutat-Lefevre et associés, en application de l'article R. 612-5 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que la taxe sur les salaires n'emprunte pas aux caractéristiques d'une taxe sur le chiffre d'affaires ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompatibilité de la législation nationale avec l'article 33 de la 6e directive ne peut qu'être écarté ; qu'il en va de même pour l'incompatibilité avec l'article 19 de cette directive, inopérante pour le même motif ; qu'en incluant au dénominateur du rapport le montant des dividendes, le vérificateur a fait une exacte application de l'article 231-1 du code général des impôts ; qu'en l'absence de secteurs distincts créés par l'entreprise, le rapport d'assujettissement général pouvait être retenu pour l'appliquer aux rémunérations versées ; que la circonstance que Mme X a une compétence particulière dans le domaine financier est indifférent ; qu'elle cogérait la société avec son mari moyennant une rémunération que le vérificateur pouvait prendre en compte ; que la clef de répartition proposée par la société pour calculer l'assiette de la taxe sur les salaires, seule en litige, est inopérante dès lors qu'elle s'inspire de la réglementation propre à la TVA ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 26 janvier 2007 et confirmé par la production de l'original le 30 janvier 2007, présenté pour la société X FINANCE ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 février 2007, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant l'Union européenne ;
Vu la directive n° 67/227/CEE du Conseil du 11 avril 1967 modifiée ;
Vu la directive n° 77/383/CEE du Conseil du 17 mai 1977 modifiée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur la compatibilité de la loi fiscale avec le droit communautaire :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 33 de la sixième directive n° 77/383/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - système commun de TVA : assiette uniforme : « 1. Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, notamment de celles prévues par les dispositions communautaires en vigueur relatives au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accises, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un État membre des taxes sur les contrats d'assurances, sur les jeux et paris, d'accises, de droits d'enregistrement et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires (…) » ; qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts : « 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant (…) à la charge des personnes ou organismes (…) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par le rapport existant, au titre de la même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 % au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaire total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. (…) » ;
Considérant que la taxe sur les salaires prévue par l'article 231 du code général des impôts est assise sur les rémunérations versées par le contribuable et ne s'applique pas de manière générale aux transactions ayant pour objet des biens ou des services ; que son montant, qui est calculé par l'application d'un taux sur le montant des rémunérations formant son assiette, n'est pas proportionnel au prix perçu par l'assujetti en contrepartie de biens et de services ; que la taxe sur les salaires, qui est perçue une seule fois et non pas à chaque stade du processus de production et de distribution, ne peut faire l'objet d'aucune déduction par le redevable ; que la circonstance que la taxe sur les salaires est due par les personnes ou organismes qui ne sont pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires ne lui confère pas le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires dès lors qu'elle n'en revêt pas les caractéristiques essentielles en ce qui concerne la détermination de son assiette et de son montant ainsi que les modalités de sa liquidation ; que, contrairement à ce que soutient la société X FINANCE, l'institution de la taxe sur les salaires n'est pas prohibée par les dispositions précitées de l'article 33 de la sixième directive relative à la taxe sur la valeur ajoutée alors même que son régime a pu être défini par référence à celui de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la contribuable ne peut en outre utilement se prévaloir de ce que par ses effets, la taxe sur les salaires porterait atteinte au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée prévu par la sixième directive dès lors qu'en raison de ses caractéristiques propres, cet impôt direct n'entre pas dans le champ d'application de ces textes communautaires ; que, pour le même motif, n'est pas davantage opérant le moyen tiré de l'incompatibilité de l'article 231 du code général des impôts à l'objectif de la première directive n° 67/227/CEE du Conseil du 11 avril 1967 visant à la mise en place d'un système commun de taxe sur la valeur ajoutée tendant à faire supporter aux marchandises semblables la même charge fiscale ; qu'enfin, la société requérante ne peut, pour les mêmes motifs, utilement soutenir que les modalités du calcul du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires sont incompatibles avec les dispositions de l'article 19 de la sixième directive relatives au calcul du prorata de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant, en second lieu, qu'en se bornant à soutenir, sans précision, que l'institution de la taxe sur les salaires représente un coût devant être répercuté par les opérateurs et que le choix d'une implantation en France dépend de ce coût, la société requérante n'établit pas que la loi nationale a instauré une restriction à la liberté de prestation de services prohibée par l'article 49 du traité instituant l'Union européenne ; que la circonstance que la taxe sur les salaires constituerait un coût supplémentaire et pénalisant pour les entreprises situées en France exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée n'est, en l'absence de précision, pas de nature à écarter l'application de l'article 231 du code général des impôts comme constituant une entrave à la liberté de la concurrence garantie par le même traité ;
Sur la loi fiscale :
Considérant, en premier lieu, que la simple détention de parts sociales n'est pas une activité économique conférant à l'actionnaire la qualité d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et que les dividendes servis à une société par ses filiales du seul fait de sa qualité d'actionnaire n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il résulte cependant des dispositions à caractère interprétatif précitées de l'article 231 du code général des impôts que les produits et recettes n'entrant pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, tels que les dividendes, doivent figurer aussi bien au numérateur qu'au dénominateur du rapport servant à déterminer la qualité de redevable de la taxe sur les salaires et la base d'assujettissement à cette taxe ; que, par suite c'est à bon droit que l'administration, pour assujettir la société X FINANCE à la taxe sur les salaires et calculer le rapport d'assujettissement qui lui était applicable, a inclus dans le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires les produits qu'elle retire, en sa qualité de holding de participations, des titres détenus dans le capital de ses filiales ;
Considérant, en second lieu, que, lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts, au sens de l'article 213 de l'annexe II au code général des impôts, les dispositions précitées de l'article 231 de ce code doivent recevoir application à l'intérieur de chacun de ces secteurs, en sorte que l'assiette de la taxe sur les salaires soit, pour chacun d'eux, déterminée en appliquant au montant des rémunérations versées au personnel qui lui est spécialement affecté, le rapport qui lui est propre entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ; que la taxe sur les salaires afférente aux rémunérations des personnels qui ne seraient pas exclusivement affectés à l'un des secteurs ne peut, toutefois, qu'être établie en appliquant à ces rémunérations le rapport existant, pour l'entreprise dans son ensemble, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ; que si la société X FINANCE soutient qu'elle est une holding mixte dont les activités de prestataire de services à ses filiales et de gérant de titres de participation devraient être érigées en secteurs distincts, elle a toutefois versé à ses cogérants des rémunérations pour leur intervention concurrente dans les deux domaines d'activité de l'entreprise ; que si la contribuable soutient, à titre subsidiaire, que seule Mme X, eu égard à ses compétences propres en matière financière, a en réalité été affectée à la gestion de ses participations dans les filiales, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle a été exclusivement affectée à ce secteur ; qu'ainsi, et à supposer qu'une répartition différente des secteurs d'activités au regard de la taxe sur la valeur ajoutée fût envisageable compte tenu du caractère accessoire de la perception de produits financiers au regard de l'activité principale de l'entreprise, l'administration était en droit de déterminer l'assiette de la taxe sur les salaires en appliquant aux rémunérations de son personnel le rapport défini par le 1 de l'article 231 du code général des impôts, tel qu'il s'établissait pour l'entreprise dans son ensemble ;
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
Considérant, en premier lieu, qu'en énonçant que le régime des secteurs d'activités distincts déroge au principe d'application du pourcentage de déduction et évite les inconvénients liés au caractère forfaitaire de ce prorata, le premier paragraphe de la documentation administrative publiée sous le n° 3 D-1722 à jour au 2 novembre 1996 ne s'écarte pas de la loi fiscale et n'est dès lors pas invocable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'instruction n° 5 L-4-95 du 10 mars 1995, reprise à la documentation administrative publiée sous le n° 5 L-1421 à jour au 1er juin 1995 énonce dans son paragraphe n° 20 que, pour le calcul de la taxe sur les salaires, lorsque les produits financiers accessoires exonérés et hors champ de la taxe sur la valeur ajoutée perçus par les entreprises autres que les établissements de crédit excèdent la limite de 5 % du total des recettes et produits du redevable, les rémunérations des personnels affectés exclusivement et de manière permanente au « secteur financier » (produits financiers exonérés et/ou hors champ) sont intégralement soumises à la taxe sur les salaires, les rémunérations des personnels affectés de manière permanente et exclusive aux activités imposées à la TVA sont exonérées ou sont, le cas échéant, soumises à la taxe sur les salaires à raison du rapport d'assujettissement propre au secteur d'activité concerné et les rémunérations versées au personnel commun sont passibles de la taxe sur les salaires à raison du rapport général d'assujettissement qui comprend l'ensemble des recettes financières ; que, toutefois, ainsi qu'il est dit ci-dessus, aucun personnel n'est affecté de manière permanente et exclusive à l'un ou l'autre des secteurs d'activités de la société X FINANCE qui dispose d'un personnel commun à l'ensemble de ces secteurs ; que, faute pour elle de remplir les conditions de l'instruction du 10 mars 1995 qu'elle invoque, la contribuable n'est pas fondée à soutenir qu'elle était en droit, sur le fondement de ladite instruction, de constituer un secteur distinct consacré à la perception de ses produits financiers pour le calcul de la taxe sur les salaires ;
Considérant, enfin, que l'instruction du 10 janvier 2006 publiée sous le n° 3 A-1-06 relative à la détermination du caractère accessoire des produits financiers et à la possibilité de constituer un secteur distinct d'activité regroupant l'ensemble des opérations financières n'est édictée que pour le calcul du rapport de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et non pour le calcul du rapport applicable aux rémunérations entrant dans l'assiette de la taxe sur les salaires ; que, par suite, la société X FINANCE ne peut utilement se prévaloir de cette instruction ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société X FINANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société X FINANCE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société par actions simplifiée X FINANCE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée X FINANCE et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°06DA01201