Vu la requête, enregistrée le 13 septembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Denis X, demeurant ..., par l'association d'avocats Pillon-Valery ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0302603 du 16 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de l'Eure à lui verser la somme de 305 000 euros, à parfaire après l'expertise médicale sollicitée, en réparation du préjudice que lui a causé l'accident de la circulation dont il a été victime le
25 octobre 1993 alors qu'il circulait sur la route départementale n° 145 au lieu-dit
« La Thiboutière » et de mettre à la charge du département de l'Eure une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à titre principal, de condamner le département de l'Eure à lui verser la somme de
305 000 euros, à parfaire après l'expertise médicale sollicitée, d'ordonner avant dire-droit une nouvelle expertise médicale pour évaluer l'aggravation de son état de santé aux fins de se faire communiquer l'entier dossier médical de M. X, de l'examiner, de déterminer l'invalidité permanente partielle résultant de l'accident, de donner son avis sur les conséquences professionnelles en résultant et de les décrire et de décrire le pretium doloris subi ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise aux fins de dire si la faillite de l'EURL Confort Plus a été causée par l'accident subi par M. X le 25 octobre 1993 et de chiffrer le préjudice résultant de cette faillite en particulier la perte de revenu et de patrimoine subie ;
4°) de mettre les dépens à la charge du département de l'Eure ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que la responsabilité du département de l'Eure est engagée pour défaut d'entretien normal du CD 145 en raison du défaut de signalisation d'une courbe aboutissant à un pont enjambant la voie ferrée alors qu'auparavant la voie était une ligne droite franchissant une voie ferrée par un passage à niveau ; que le nouveau tracé a été mis en service quelques jours avant l'accident qu'il a subi ; qu'il a été surpris par le tracé de la courbe insuffisamment signalé ; que les panneaux lumineux mis en place ne fonctionnaient pas et qu'aucun panneau n'indiquait l'existence d'un virage à droite ; que la signalisation en place était inefficace et inadaptée ce qui est établi par les attestations produites et a été améliorée par la suite ;
- que si M. X empruntait cette voie pour gagner sa résidence secondaire, il l'avait fait avant la mise en place du pont et empruntait le nouveau tracé pour la première fois ; que l'obstacle formé par le virage était invisible pour les conducteurs jusqu'au moment où ils commençaient le virage ;
- que M. X est fondé à demander 25 000 euros de préjudice moral pour la perte dans cet accident de la femme avec laquelle il vivait depuis de nombreuses années ce qui lui a causé une grave dépression ; que M. X a présenté un syndrome dépressif réactionnel et un syndrome subjectif des traumatisés crâniens totalement imputables à l'accident justifiant l'allocation d'une somme de 20 000 euros au titre du pretium doloris, de 15 750 euros au titre de l'incapacité permanente partielle évaluée à 7 % par l'expert ; qu'il n'a pu reprendre son travail qu'au terme de six années et a subi au cours de cette période des troubles dans la vie courante justifiant l'attribution d'une somme de 21 600 euros et une somme de 222 650 euros au titre du préjudice économique lié à la faillite de sa société ; qu'à titre subsidiaire, il sollicite une expertise si la Cour estimait que l'imputabilité de la faillite à l'accident n'est pas suffisamment établie ; qu'il justifie d'un préjudice d'agrément de 10 000 euros ;
- que, par décision du 4 mai 2006, il a été reconnu invalide de 2ème catégorie, ce qui démontre l'aggravation de son état de santé ; qu'il sollicite avant dire-droit une nouvelle expertise afin que son préjudice corporel soit réévalué ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai en date du 2 octobre 2006 fixant la clôture de l'instruction au 30 mars 2007 à 16h30 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2006, présenté pour le département de l'Eure, représenté par le président du conseil général, par la SCP Fouché, Brulard, Lafont, tendant à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire au rejet de la demande d'expertise complémentaire pour aggravation de l'état de santé, de toute demande de remboursement des frais de l'hospitalisation de janvier 1996, de la demande d'indemnisation de l'incapacité permanente partielle ou en tout état de cause à sa réduction, au rejet de la demande d'indemnisation du préjudice économique, à ce qu'il soit sursis sur les demandes d'indemnisation de la douleur et du préjudice moral jusqu'à ce que l'expert se prononce sur ce point, au rejet de la demande d'indemnisation du préjudice d'agrément, à ce que l'arrêt soit déclaré opposable aux Mutuelles du Mans Assurances et à la société Axa Assurances, à la condamnation de
M. X aux dépens et à ce que soit mise à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le département de l'Eure soutient :
- que c'est à juste titre que le Tribunal a exonéré le département de l'Eure de toute responsabilité estimant que la signalisation était suffisante et que l'accident était dû à la vitesse excessive du véhicule ; qu'il y avait en amont cinq panneaux annonçant la zone dangereuse et limitant la vitesse à 60 km/h ; que M. X qui connaissait les lieux et l'existence des travaux qui avaient débuté depuis six mois, n'a pas adapté sa vitesse à l'état de la chaussée ; que le témoignage de la passagère et les traces de freinage du véhicule le confirment ; qu'il ne semble pas avoir porté sa ceinture de sécurité ; que ces fautes sont à l'origine de l'accident ;
- subsidiairement, sur le quantum, que l'hospitalisation de 1996 n'est pas imputable à l'accident ; que l'incapacité temporaire de travail alléguée est excessive et n'a pas été évaluée par l'expert alors que telle était sa mission ; qu'aucun lien ne peut être établi entre la mise en liquidation judiciaire de la société et l'accident ; qu'il ne justifie pas d'une aggravation de son état de santé et qu'en conséquence, une expertise n'a pas à être ordonnée ; que l'incapacité permanente partielle est essentiellement due à l'état dépressif de M. X et que l'expert ne justifie pas le taux de 7 % qu'il retient ; que la somme réclamée à ce titre est excessive ; que le préjudice économique n'est établi par aucune pièce et qu'une expertise ne peut suppléer une partie dans l'administration de la preuve ; que la Cour devrait surseoir à statuer sur les préjudices soumis à recours dans la mesure où la créance de la caisse primaire d'assurance maladie n'est que provisoire ; que M. X ne saurait demander la liquidation de ses préjudices alors qu'il invoque une aggravation de son état ; que l'expertise n'a pas chiffré le pretium doloris ni le préjudice moral ; que les sommes demandées à ce dernier titre font double emploi avec celles réclamées au titre du premier ; que le préjudice d'agrément n'est ni décrit ni prouvé ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 12 février 2007, présenté pour M. X tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes motifs et en outre par le motif que la vitesse excessive du véhicule n'est pas établie et au demeurant ne peut être considérée comme la cause exclusive de l'accident ; que le pretium doloris qui répare une souffrance personnellement subie et le préjudice moral réparant la perte d'un être cher ne sont pas de même nature ; que l'aggravation de son état est établie par la reconnaissance de son invalidité et impose une nouvelle expertise ; que M. X justifie que le syndrome cervical et dorsolombaire et les troubles psychologiques ont justifié un arrêt de travail jusqu'au 28 novembre 1999 ; que la liquidation de la société qui a eu lieu quatre mois après l'accident alors qu'elle avait fonctionné pendant cinq ans a pour cause l'incapacité de M. X ; que le lien de causalité étant établi et le préjudice contesté, une expertise est nécessaire ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 1er mars 2007, présenté pour le département de l'Eure, tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes motifs ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2007, présenté pour la société AXA France IARD, par Me Martin-Menard, tendant au rejet des conclusions du département de l'Eure à l'encontre de la société AXA et de la requête et à la condamnation du département de l'Eure à lui verser 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les motifs que la demande en déclaration d'arrêt commun formulée par le département de l'Eure est irrecevable faute d'être suffisamment motivée ; que cette demande est par ailleurs portée devant une juridiction incompétente pour en connaître dès lors qu'il s'agit d'un litige à l'encontre de l'assureur ; qu'en tout état de cause, le contrat dont s'agit couvre la responsabilité de la direction départementale de l'équipement et non du département et que le sinistre était prescrit lorsqu'il a fait l'objet d'une déclaration de sinistre par le département de l'Eure ;
- que la responsabilité de la puissance publique ne peut pas être encourue lorsque l'ouvrage ne présente aucun danger anormal alors même qu'il n'existerait aucune signalisation ; que la requête prétend mettre en cause la responsabilité du département à raison de l'existence d'un virage qu'il n'a pas su négocier, constituant un aléa normal de la circulation routière ; que l'examen des circonstances précises de l'accident démontre que la signalisation mise en place était suffisante et que le préjudice subi par M. X est la conséquence exclusive de son imprudence caractérisée par une vitesse excessive et un défaut d'attention ; que la présence antérieure et connue de l'usager d'un passage à niveau et d'un cassis l'obligeait à aborder les lieux dans des conditions de circulation prudentes et à une vitesse limitée comparable à celle qui devait être la sienne pour emprunter le virage à droite qu'il n'a pas su négocier ; que la signalisation était suffisante ; qu'il circulait à une vitesse inadaptée ; que la mise en place après l'accident d'une signalisation définitive ne signifie pas l'insuffisance de celle existant lors de l'accident ;
- que M. X ne fournit aucune précision sur les suites réservées à la plainte pour homicide involontaire à l'initiative du fils de sa concubine ni sur le sort de la procédure d'indemnisation susceptible d'avoir été mise en oeuvre par le GAN en qualité d'assureur de la propriétaire du véhicule assuré alors qu'il n'est pas fondé à demander une double indemnisation ;
Vu l'ordonnance du président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai en date du 26 mars 2007 reportant la clôture de l'instruction au 30 avril 2007 à 16h30 ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 avril 2007, présenté pour le département de l'Eure se désistant de l'appel en déclaration de jugement commun à l'encontre des compagnies AXA et Mutuelles du Mans Assurances et tendant au rejet de la demande de la compagnie AXA fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative et pour le surplus aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes motifs ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 27 avril 2007 et confirmé par la production de l'original le 30 avril 2007, présenté pour M. X tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; que s'il a été reconnu coupable de défaut de maîtrise de son véhicule et d'homicide involontaire, cette décision ne le prive pas de la possibilité d'exercer un recours à l'encontre du département dès lors qu'il est démontré que le défaut d'entretien normal du chantier et de l'ouvrage ont directement causé le préjudice subi ; que d'ailleurs, le tribunal correctionnel a tenu compte des circonstances de l'accident non imputables à M. X pour limiter sa peine ; qu'il n'a perçu aucune indemnité de son assureur ;
Vu l'ordonnance du président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai en date du 29 mai 2007 reportant la clôture de l'instruction au 6 juillet 2007 à 16h30 ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 juin 2007, présenté pour le département de l'Eure tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes motifs et en outre par les motifs que le jugement du tribunal correctionnel confirme la faute de conduite commise par M. X et que la signalisation était suffisante ;
Vu le mémoire en duplique, parvenu par télécopie le 2 juillet 2007 et confirmé par la production de l'original le 5 juillet 2007, présenté pour M. X tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et en outre que si la Cour considérait que le défaut de maîtrise du véhicule a joué un rôle causal dans la survenance de l'accident, il y aurait lieu de juger que la cause principale est le défaut de signalisation et par conséquent de condamner le département à réparer l'essentiel du préjudice subi ;
Vu les pièces desquelles il résulte que le dossier a été communiqué à la compagnie les Mutuelles du Mans Assurances et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne qui n'ont pas produit d'observations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur le désistement des conclusions du département de l'Eure :
Considérant que, par mémoire en date du 5 avril 2007, le département de l'Eure s'est désisté de ses conclusions en déclaration de jugement commun à l'encontre de la compagnie les Mutuelles du Mans Assurances et de la SA AXA France IARD ; que ce désistement est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Sur la responsabilité :
Considérant que M. Denis X, qui circulait le 25 octobre 1993 vers 21 heures à bord de son véhicule tout terrain, sur la route départementale n° 145 en direction de Saint Germain la Campagne (Eure) a perdu le contrôle de sa voiture au lieu-dit « La Thiboutière » à l'approche d'un virage à droite nouvellement créé après le carrefour avec le chemin vicinal n° 8 lors des travaux de suppression d'un passage à niveau remplacé par un pont enjambant la voie ferrée ; que M. X recherche la responsabilité du département de l'Eure en raison de l'insuffisance de la signalisation qui révèlerait un défaut d'entretien normal de l'ouvrage ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du constat établi le jour même de l'accident par la gendarmerie, que le tronçon de la route franchissant la voie ferrée venait d'être ouvert à la circulation avant achèvement complet des travaux ; que le marquage au sol était réalisé mais qu'une signalisation provisoire restait en place aux abords du virage ; que cette signalisation comportait un panneau temporaire AK5 indiquant les travaux, deux panneaux permanents AB2 annonçant une intersection situés à 355 mètres et 100 mètres du centre du carrefour, un panneau temporaire AK14 signalant un danger et un panneau permanent B 14 limitant la vitesse à 60 km/h situé à 60 mètres du centre du carrefour ; que, par ailleurs, le virage était matérialisé par des balises à chevrons rouges et l'ancienne route masquée par un monticule de terre ; que cette signalisation était suffisante pour appeler l'attention des automobilistes sur l'existence de travaux et la présence d'une courbe située juste après le carrefour, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle présentait un danger particulier, ainsi que sur la nécessité d'aborder les lieux à une vitesse réduite permettant d'emprunter sans dommage le nouveau tracé de la voie ; que, dans ces conditions, même si l'existence d'un virage ne faisait l'objet, avant la mise en place de la signalisation définitive, d'aucun panneau spécifique et si l'éclairage des deux panneaux temporaires ne fonctionnait pas, ces circonstances ne sont pas de nature à révéler un défaut d'entretien normal de l'ouvrage compte tenu de l'ensemble des mesures existant lors de l'accident ; que, par suite, alors que M. X a heurté la barrière de sécurité dans ledit virage après avoir laissé sur la route des traces de freinage sur plus de 70 mètres, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que son manque de prudence et de vigilance était seul à l'origine de l'accident et ont rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Eure, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. X, la somme que le département de l'Eure demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, ni de mettre à la charge du département de l'Eure la somme que AXA France IARD demande au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions du département de l'Eure en déclaration de jugement commun à l'encontre de la compagnie les Mutuelles du Mans Assurances et de la SA AXA France IARD.
Article 2 : La requête de M. Denis X est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du département de l'Eure et de la compagnie AXA France IARD tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Denis X, au département de l'Eure, à la compagnie les Mutuelles du Mans Assurances, à la SA AXA France IARD et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne.
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N°06DA01280