Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Gérard X, demeurant ..., par Me Guillot ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0202610 du 4 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1995 ;
2°) de prononcer la décharge demandée et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 726,44 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que la notification de redressement du 13 avril 2001 a été faite en méconnaissance de l'article L. 54 du livre des procédures fiscales ; que les notifications de redressement adressées à M. X et à la société en nom collectif Pamplum sont insuffisamment motivées en droit et en fait ; que la notification de redressement du
28 décembre 1998 a méconnu l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ; que la prescription est acquise pour l'année 1995 ; que, sur le bien-fondé de l'imposition, le service n'indique pas le prix du marché de référence ; qu'il a omis une partie de la superficie de bananeraies acquises par la société Pamplum ; que le prix acquitté par cette société est justifié par le coût de la mise en valeur des plantations, par l'entremise de l'entreprise Groupe Bananier, et par le crédit consenti par cette entreprise ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; à cette fin, il fait valoir que M. X a reçu les notifications de redressement qui lui étaient destinées ; que les redressements étaient suffisamment motivés en fait et en droit pour permettre aux contribuables de les discuter utilement ; que la société Pamplum qui avait le même gérant que Groupe Bananier, ne pouvait ignorer la surévaluation du prix acquitté pour son investissement en Martinique en 1995 ; que les allégations des requérants concernant la superficie cédée à la société Pamplum sont sans fondement ; que l'entremise de Groupe Bananier est fictive ; que le coût de la mise en valeur des plantations a déjà été pris en compte par le service dans les notifications de redressement ; que la mise en relation de la société Pamplum avec ses locataires est imputable à la société Copribi ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 décembre 2006, présenté pour M. et
Mme X qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre que le service a soustrait au débat oral et contradictoire des éléments recueillis auprès de tiers et utilisés lors du redressement litigieux ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que ceux déjà soulevés ; à cette fin, il fait valoir que les impositions ne sont pas prescrites ; que la charge de la preuve n'a pas été inversée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 2008 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, Mme Monique Mehl-Schouder, président-assesseur et M. Jean-Eric Soyez, premier conseiller :
- le rapport de M. Jean-Eric Soyez, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société en nom collectif Pamplum a réalisé en 1995 en Martinique un investissement qu'elle a déduit de ses bénéfices, sur le fondement de l'article 238 bis HA du code général des impôts, alors en vigueur ; qu'à la suite d'un contrôle fiscal, le service a pour partie remis en cause le coût de cet investissement, limité à due concurrence sa déduction et, par suite, redressé l'impôt sur le revenu de M. et Mme X pour l'année 1995, à raison des parts détenues dans le capital de cette société par M. X ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le Tribunal administratif d'Amiens, d'écarter le moyen présenté en première instance et tiré de ce que la notification de redressement du 13 avril 2001 a été faite en méconnaissance de l'article
L. 54 du livre des procédures fiscales, moyen que les requérants reprennent sans changement en appel ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations et de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée » ;
Considérant que tant les notifications de redressement du 28 décembre 1998 et du
11 janvier 2001 à la société Pamplum que celle du 13 avril 2001 adressée à M. et Mme X indiquent que le redressement envisagé se fonde sur le prix exagéré consenti par cette société pour réaliser son investissement en Martinique ; que ces indications étaient suffisantes pour éclairer les contribuables sur la nature et les motifs du redressement envisagé et leur permettre d'en contester utilement le bien-fondé, ce qu'ils ont d'ailleurs fait en présentant des observations ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que ces notifications sont insuffisamment motivées en fait, ne peut être accueilli ;
Considérant, en troisième lieu, que si M. et Mme X soutiennent que la notification de redressement qui a été adressée à la société Pamplum le 28 décembre 1998 était irrégulière, car fondée sur un article abrogé du code général des impôts, il ressort des termes mêmes de cette notification qu'elle invoquait également, à l'appui du redressement envisagé, l'article 238 bis HA du code général des impôts, alors en vigueur, et qu'elle retraçait précisément les conditions fixées par la législation fiscale pour autoriser la déduction des bénéfices sociaux d'investissements effectués dans les départements d'outre-mer ; qu'ainsi, la mention erronée de l'article abrogé n'était pas de nature à induire en erreur les contribuables sur le fondement juridique sur lequel les résultats de la société en nom collectif ont été rehaussés, comme il ressort d'ailleurs des observations présentées au cours de la procédure d'imposition ;
Considérant, en quatrième lieu, que si, dans la notification de redressement à la société Pamplum du 11 janvier 2001, le service s'est fondé, pour préciser le montant du redressement projeté, sur des factures établies au nom de l'entreprise Groupe Bananier, dont il avait eu connaissance au cours de la vérification de comptabilité de cette entreprise, il a, dans cette même notification, informé la société Pamplum de l'origine et de la teneur de ces renseignements ; qu'ainsi, il a mis cette société en mesure de prendre connaissance, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, des documents qui contiennent ces renseignements ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que des documents recueillis auprès de tiers et utilisés au cours du redressement litigieux, ont été soustraits au débat oral et contradictoire, manque en fait ;
Considérant qu'il ne résulte pas de ce qui précède que l'imposition contestée a été établie au terme d'une procédure irrégulière ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : « En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société
elle-même » ; qu'aux termes de l'article L. 169 du même livre : « Pour l'impôt sur le revenu de l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce (...) jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due » ; qu'en vertu de l'article L. 189 du même livre, une notification de redressement interrompt la prescription ; et qu'en vertu de l'article 8 du code général des impôts, les associés d'une société de personnes sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société ; qu'il ressort de la combinaison de ces différentes dispositions que la notification régulière à une société de personnes de rehaussements apportés à ses bénéfices imposables à l'issue d'une vérification de ses déclarations, interrompt nécessairement la prescription à l'égard de ses associés, en tant que redevables, chacun à proportion de ses droits dans la société, de l'impôt assis sur ces bénéfices ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, une notification de redressement a été adressée le
28 décembre 1998 à la société Pamplum, portant sur ses bénéfices imposables de l'année 1995 ; qu'il résulte des mentions de cette notification qu'elle précisait, en termes de bénéfices industriels et commerciaux, le montant du redressement envisagé et annonçait la notification à ses associés des conséquences financières qui devaient résulter pour eux de ce rehaussement des résultats sociaux ; que, par suite, le service restait en droit de procéder, dans la limite du montant de ce redressement, à l'établissement de nouvelles impositions à l'endroit de ces associés jusqu'à l'expiration du délai de répétition qui avait recommencé à courir le 28 décembre 1998 ; que, par une notification de redressement du 13 avril 2001, faisant référence à la précédente et adressée à M. X, en sa qualité d'associé de la société, le service a, avant l'expiration du nouveau délai de reprise, informé les requérants du montant du supplément d'impôt sur le revenu, qui découlait pour l'année 1995 du rehaussement des résultats de la société Pamplum ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que, pour cette année, la prescription était acquise à M. et Mme X en ce qui concerne les revenus qu'ils retirent de cette société, doit être écarté ;
En ce qui concerne la remise en cause de la déduction de l'investissement réalisé en 1995 par la société Pamplum :
Considérant qu'aux termes de l'article 238 bis HA du code général des impôts, alors en vigueur : « Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant des investissements productifs, diminuée de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique, qu'elles réalisent dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, à l'occasion de la création ou l'extension d'exploitations appartenant aux secteurs d'activité de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, à l'exclusion de la navigation de croisière, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment, des travaux publics, des transports et de l'artisanat. La déduction s'applique également aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8. Dans ce cas, la déduction est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société (...) La déduction prévue au premier alinéa s'applique aux investissements productifs mis à disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location (...) » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'investissement effectué en Martinique par la société Pamplum a consisté en l'acquisition, pour un montant de 29 722 988 francs, de bananeraies, ainsi que des installations et matériels nécessaires à leur exploitation ; que, la même année, cette société a donné à bail ces plantations à différentes sociétés d'exploitation locales ; qu'il est constant que ces biens, à l'exception du réseau de pompage et du groupe électrogène, avaient été acquis peu avant, voire le jour même, par l'entreprise Groupe Bananier, auprès de ces mêmes sociétés d'exploitation ; qu'au vu des données recueillies lors de la vérification de comptabilité de cette entreprise, le prix de revient de ces biens pour cet intermédiaire s'élevait à 13 160 232 francs ; que le service a remis en cause le prix consenti par la société Pamplum à hauteur de 16 542 754 francs ;
Considérant qu'eu égard à l'importante variation de prix des mêmes actifs sur une très courte période sans qu'il soit fait état d'une valorisation de ces actifs liée à l'évolution du marché, et à la circonstance que les actifs achetés ont été revendus en l'état et sans modification, l'administration doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme établissant le caractère anormal du montant de l'investissement réalisé par la société Pamplum ;
Considérant que si, pour justifier le prix consenti par cette société, M. et Mme X font valoir que, par son investissement, cette société est devenue propriétaire d'une superficie de 70,17 hectares, qui n'était pas comprise dans les achats de plantations de l'entreprise Groupe Bananier auprès des sociétés d'exploitation locales, ils ne fournissent pas à l'appui de cette allégation de documents probants ; que, par ailleurs, les requérants ne sauraient se prévaloir du coût, pour le fournisseur, de la mise en valeur des bananeraies, dès lors que les factures produites à cet effet, portant sur la fourniture de plants, l'exécution de travaux de fumures et la construction de locaux agricoles, ont été, au cours du redressement, intégrées par le service au prix d'achat acquitté par la société Pamplum ; que s'ils exposent que la différence de prix relevée rémunère l'entremise de cette dernière entreprise, l'examen des contrats passés entre la société Pamplum et les sociétés locataires révèle qu'ils ont été passés directement entre ces parties, et que la mise en relation de ces partenaires doit être attribuée à la société Copribi, dont la prestation a été rémunérée sous forme de contrats d'ingénierie par un pourcentage variant entre 3 et 14 % du prix des matériels ; qu'enfin, le crédit consenti par le fournisseur, le « taux préférentiel » de 1 % et la garantie apportée en cas de défaillance des sociétés locataires ne suffisent pas à conférer un caractère équilibré à la transaction, dès lors qu'au cours des années en litige, la société Pamplum a enregistré des déficits considérables ; qu'ainsi, l'opération litigieuse ne peut être regardée comme relevant d'une gestion commerciale normale et conforme à l'intérêt de la société Pamplum ; que, par suite, le service était fondé à limiter la déduction instituée par les dispositions précitées du code général des impôts à 13 160 232 francs pour l'investissement dont s'agit, et à rectifier, à concurrence des parts de M. X dans le capital de cette société, le revenu des requérants au titre de l'année 1995 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1995 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Gérard X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Copie sera transmise au directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
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N°06DA00842