Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
7 janvier 2008 par télécopie et confirmée le 8 janvier 2008 par courrier original, présentée par le PREFET DE L'OISE ; le préfet demande au président de la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0703089, en date du 4 décembre 2007, par lequel le
vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du
29 novembre 2007 décidant de reconduire M. Albino X, ressortissant capverdien, à la frontière et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif de Rouen ;
Le préfet soutient que le premier juge a estimé à tort que l'arrêté attaqué était, compte tenu notamment de la durée et des conditions du séjour de M. X en France, entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ; qu'en effet, en retenant l'hypothèse, non justifiée par l'intéressé, d'une entrée sur le territoire français à la fin de l'année 2002 comme il le déclare, la durée de son séjour ne serait que de cinq ans ; qu'en outre, ce séjour a été entièrement effectué en situation irrégulière, M. X n'ayant d'ailleurs entrepris aucune démarche dans le but d'obtenir une régularisation administrative de celle-ci ; que l'intéressé travaille clandestinement depuis plusieurs années, sous couvert d'une identité usurpée ; que les circonstances que M. X serait entré régulièrement au Portugal en 1999 et qu'il y aurait séjourné régulièrement en occupant un emploi salarié, qui ne sont au surplus pas établies, étaient sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; que, par ailleurs, la compagne de l'intéressé, qui est inconnue du fichier national des étrangers, est elle-même en situation irrégulière de séjour ; que M. X ne fait état d'aucune circonstance qui ferait obstacle à ce qu'il emmène avec lui sa compagne et leur enfant mineur ; que l'intéressé n'est pas isolé dans son pays d'origine, où demeurent ses parents et ses onze frères et soeurs ; qu'aucun élément de sa situation ne lui permettait d'obtenir une admission exceptionnelle au séjour ; que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été pris par une autorité régulièrement habilitée et s'avère suffisamment motivé ; que M. X, qui n'a pu justifier d'une entrée régulière sur le territoire français, se trouvait dans la situation prévue au 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de décider qu'il serait reconduit à la
frontière ; qu'à supposer que l'intéressé puisse être regardé comme justifiant être entré régulièrement en France, l'arrêté attaqué se trouverait légalement fondé sur le 2° du même article ; qu'une telle substitution de base légale ne priverait l'intéressé d'aucune garantie de procédure ; qu'enfin, la décision désignant le pays de renvoi a pu être légalement prise et n'a, en particulier, méconnu ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 14 janvier 2008 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 29 février 2008 ;
Vu les pièces du dossier desquelles il ressort que M. X a reçu communication de la requête susvisée et n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article
R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2008 :
- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour annuler, par jugement en date du 4 décembre 2007, l'arrêté en date du
29 novembre 2007 du PREFET DE L'OISE décidant de reconduire M. X, ressortissant capverdien, né le 23 mai 1970, à la frontière, le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé qu'eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour de M. X, qui a fondé une famille dont il assure l'entretien et a fait montre d'une réelle volonté d'intégration à la société française, bénéficiant, en outre, de perspectives d'insertion professionnelle, cet arrêté était entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier et notamment des éléments d'information fournis par le PREFET DE L'OISE, qui forme appel de ce jugement, que M. X, qui a déclaré être entré en France à la fin de l'année 2002, n'a pas été en mesure de l'établir, ni de justifier de la durée effective de son séjour ; qu'en outre, il est constant que l'intéressé, qui a fait usage d'une identité usurpée dans le but notamment d'obtenir un emploi, n'a jamais sollicité la régularisation de sa situation administrative et réside en France en situation irrégulière ; que si M. X a invoqué sa vie commune avec une compatriote et a fait valoir qu'un enfant est né de cette union le 2 juin 2004, il ressort des pièces du dossier que la compagne de l'intéressé est elle-même en situation de séjour irrégulier en France et que M. X n'a fait état d'aucune circonstance s'opposant à ce qu'il l'emmène, le cas échéant, ainsi que leur enfant, nonobstant la scolarité de celui-ci en maternelle, afin de reconstituer leur vie familiale au Cap Vert, où demeurent ses parents et ses onze frères et soeurs ; qu'eu égard à l'ensemble de ces circonstances et malgré les efforts d'intégration dont M. X aurait fait preuve et les perspectives d'insertion professionnelle qui seraient les siennes, le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen s'est fondé à tort, pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, sur le motif tiré de ce que cet arrêté aurait été entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant qu'il appartient toutefois au juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X devant le président du Tribunal administratif de Rouen ;
Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière :
Considérant, au préalable, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ; que M. X, qui a déclaré être arrivé en France via le Portugal à la fin de l'année 2002, n'a pas été en mesure de justifier d'une entrée régulière et n'était titulaire d'aucun titre de séjour ; qu'il entrait ainsi dans le cas visé par les dispositions précitées autorisant le PREFET DE L'OISE à décider qu'il serait reconduit à la frontière ;
Considérant, en premier lieu, que si l'obligation de motiver les mesures portant reconduite à la frontière d'un étranger, qui résulte notamment du II précité de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, implique que ces décisions comportent l'énoncé des éléments de droit et de fait qui fondent la mise en oeuvre de la procédure d'éloignement, l'autorité administrative n'est pas tenue de préciser en quoi la situation particulière de l'intéressé ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de cette procédure ; qu'il ressort, en l'espèce, de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué que ceux-ci mentionnent, sous le visa du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. X ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a entrepris aucune démarche dans le but d'obtenir une régularisation de sa situation ; que ces motifs comportent ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la mesure de reconduite à la frontière prise à l'égard de M. X ; que, par suite, et alors même que ceux-ci ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la vie privée et familiale de l'intéressé, en particulier, sa relation avec une compatriote et la naissance de leur enfant, et ne font, par ailleurs, pas mention des efforts d'intégration dont il aurait fait preuve, ledit arrêté répond aux exigences de motivation posées tant par les dispositions de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par celles de la loi susvisée du 11 juillet 1979, modifiée ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article
L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) » ; que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, s'agissant de la durée et des conditions du séjour de M. X et de sa situation personnelle et familiale, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, malgré la volonté d'intégration dont il aurait fait montre et les capacités d'insertion professionnelle qui seraient les siennes, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que cet arrêté n'a, dès lors, méconnu ni les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la désignation du pays de destination de cette mesure :
Considérant, en premier lieu, que les motifs de l'arrêté attaqué mentionnent que M. X est de nationalité capverdienne et qu'il n'établit pas que sa vie ou sa liberté serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine, ni qu'il y serait exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, en tant qu'il désigne le Cap Vert ou tout autre pays dans lequel il établirait être légalement admissible, comme pays de destination de la mesure d'éloignement prise à l'égard de l'intéressé, ledit arrêté répond aux exigences de motivation posées par les dispositions susmentionnées de la loi susvisée du 11 juillet 1979, modifiée ;
Considérant, en second lieu, que si M. X soutient qu'en tant qu'il désigne le Cap Vert comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise à son égard, l'arrêté attaqué serait entaché d'une illégalité interne, il n'assortit son moyen d'aucune précision de nature à permettre au juge d'appel d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté, en date du 29 novembre 2007, décidant de reconduire
M. X à la frontière et que la demande présentée par l'intéressé devant le président du Tribunal administratif de Rouen, tendant à l'annulation dudit arrêté et de la décision désignant le pays de renvoi, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au PREFET DE L'OISE de lui délivrer une carte de séjour temporaire et à ce qu'il soit fait application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0703089 du vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, en date du 4 décembre 2007, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Albino X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Copie sera adressée au PREFET DE L'OISE.
N°08DA00018 2