Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
1er février 2008 par télécopie et confirmée par courrier original le 4 février 2008, présentée par le PREFET DES YVELINES ; le préfet demande au président de la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0800009, en date du 8 janvier 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du
3 janvier 2008 décidant la reconduite à la frontière de M. Godfred Sunday X ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif de Rouen ;
Le préfet soutient que les seules allégations de M. X étaient insuffisantes, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, à établir le caractère habituel de sa présence en France, notamment durant la période couvrant les années 1998 à 2006 ; que, de même, les seules déclarations du frère et de la soeur de la personne que M. X présente comme sa compagne ne sont assorties d'aucun élément de preuve permettant d'établir la réalité même de cette relation ni, à la supposer même établie, son ancienneté ; que l'effectivité des liens amicaux et affectifs que M. X a allégué avoir tissés en France n'est pas davantage établie par ces seuls témoignages ; que si M. X est entré régulièrement sur le territoire français le 14 juillet 1989, il s'y est maintenu au-delà de la période de validité de son visa et entrait, par suite, dans le champ du 2° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel a été pris l'arrêté attaqué ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 11 février 2008 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 25 mars 2008 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2008 :
- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour annuler, par le jugement attaqué, en date du 8 janvier 2008, l'arrêté du 3 janvier 2008 par lequel le PREFET DES YVELINES a décidé de reconduire M. X, ressortissant nigerian, né le 22 avril 1961, à la frontière, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé qu'eu égard notamment à la durée du séjour de l'intéressé, à l'ancienneté de sa vie commune avec une ressortissante sénégalaise, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2013, et aux liens affectifs noués par lui en France, ledit arrêté avait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il avait été pris et méconnaissait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, ainsi que le relève le PREFET DES YVELINES, qui forme appel de ce jugement, les pièces versées au dossier par M. X devant le premier juge étaient insuffisantes à elles seules à permettre de justifier d'un séjour continu de l'intéressé en France depuis juillet 1989 ; qu'en particulier, M. X n'a fourni aucune pièce pour justifier de sa présence au cours des années 1992 et 1994 et que les documents produits au titre des années 1991 et 1993 ne présentent pas de garanties suffisantes d'authenticité, tandis qu'une seule pièce est versée au dossier pour justifier de sa présence au cours de chacune des années 1996, 2002, 2004 et 2005 ; que ce séjour a, au demeurant, été effectué en majeure partie par l'intéressé en situation administrative irrégulière ; qu'en outre, les attestations émanant de la personne que M. X présente comme sa compagne, ainsi que du frère et de la soeur de celle-ci, ne sont pas à elles seules de nature à établir l'ancienneté alléguée, ni même la réalité de la vie maritale dont se prévaut l'intéressé ; que, par ailleurs, M. X, qui est célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et malgré les liens amicaux que M. X aurait tissés sur le territoire français, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, le PREFET DES YVELINES est fondé à soutenir que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a accueilli à tort le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler ledit arrêté ;
Considérant qu'il appartient toutefois au juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X devant le président du Tribunal administratif de Rouen ;
Considérant, au préalable, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) » ; qu'il n'est pas contesté que
M. X est entré en France le 14 juillet 1989 sous couvert d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa et s'est maintenu sur le territoire national au-delà de la durée de validité de ce visa ; qu'il entrait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées et permettant au PREFET DES YVELINES de décider, par l'arrêté attaqué, sa reconduite à la frontière ;
Considérant, en premier lieu, que si l'obligation de motiver les mesures portant reconduite à la frontière d'un étranger, qui résulte notamment du II précité de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, implique que ces décisions comportent l'énoncé des éléments de droit et de fait qui fondent la mise en oeuvre de la procédure d'éloignement, l'autorité administrative n'est pas tenue de préciser en quoi la situation particulière de l'intéressé ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de cette procédure ; qu'il ressort, en l'espèce, de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué que ceux-ci mentionnent, sous le visa du 2° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. X s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; que ces motifs comportent ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la mesure de reconduite à la frontière prise à l'égard de M. X ; que, par suite, ledit arrêté répond aux exigences de motivation posées tant par les dispositions précitées de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par celles de l'article 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979, modifiée ; que, dans ces conditions, ni la circonstance que ledit arrêté a été signé le jour même de l'interpellation de l'intéressé et à l'issue d'une courte garde à vue, ni celle que les écritures contentieuses présentées par le préfet devant le premier juge comportent une erreur matérielle sur son nom, ni aucun autre élément du dossier ne sont de nature à établir que le PREFET DES YVELINES ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. X avant de prendre ledit arrêté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article
L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...)» ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que cet arrêté n'a, dès lors, pas méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : « La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. La Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour exprime un avis sur les critères d'admission exceptionnelle au séjour mentionnés au premier alinéa. (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans.(...) » ; que, compte tenu de ce qui a été dit quant à la vie privée et familiale de M. X et eu égard à la durée et aux conditions de son séjour, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en ne procédant pas à titre exceptionnel à la régularisation de la situation administrative de l'intéressé et en ne saisissant pas du cas de celui-ci la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour, le PREFET DES YVELINES aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'est pas entaché, malgré les liens affectifs que l'intéressé aurait tissés sur le territoire français, d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa situation personnelle ;
Considérant, enfin, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions des articles L. 511-1-II, et
L. 512-1-1 à L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, lesquelles ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ledit recours et fixent les délais dans lesquels ces recours doivent être présentés et jugés, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions pouvant faire l'objet de ces recours et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 selon lesquelles les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales ; que, dès lors, M. X ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté attaqué, desdites dispositions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à la substitution de base légale sollicitée, que le PREFET DES YVELINES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté, en date du 3 janvier 2008, décidant de reconduire M. X à la frontière et que la demande présentée par l'intéressé devant le président du Tribunal administratif de Rouen, tendant à l'annulation dudit arrêté et à ce qu'il soit fait application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0800009 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en date du 8 janvier 2008 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Godfred Sunday X.
Copie sera transmise au PREFET DES YVELINES.
N°08DA00194 2