Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
22 février 2008 par télécopie et confirmée le 26 février 2008 par courrier original, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800084, en date du 18 janvier 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 14 janvier 2008 décidant de reconduire M. Ahmed X, ressortissant algérien, à la frontière, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif de Rouen ;
Le préfet soutient qu'à supposer même établi par les seules pièces produites par
M. X que celui-ci réside en France depuis 2006, ce séjour présenterait un caractère récent, puisque ne datant que d'à peine plus d'une année ; que si le premier juge a retenu que l'intéressé vivait avec sa petite soeur et leur père, qui a demandé à leur profit le regroupement familial, ladite demande étant en cours d'instruction, cette circonstance était sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, alors même qu'une telle demande n'aurait pu être déposée plus tôt ; que l'attestation établie par la mère de M. X selon laquelle elle aurait confié au père de l'intéressé, après leur divorce, la garde de ce dernier, a été regardée à tort par le premier juge comme revêtant un caractère probant, alors qu'elle est démentie par d'autres éléments du dossier ; que M. X a conservé des attaches en Algérie, où demeurent sa mère, un frère, une soeur et sa grand-mère et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 17 ans ; qu'alors que la scolarité de l'intéressé s'est déroulée jusqu'à cet âge en Algérie, une année et demie passée en France ne saurait remettre en cause son retour dans ce pays ; qu'en conséquence, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé à tort que l'arrêté attaqué portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. X ; que, saisie des autres moyens de l'intéressé par l'effet dévolutif de l'appel, la Cour ne pourra que les écarter ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué est suffisamment motivé tant en droit qu'en fait ; que, compte tenu de ce qui a été dit ci-avant, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation de l'intéressé ne pourra être accueilli ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 3 mars 2008 par laquelle le président de la 3ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 10 avril 2008 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2008 par télécopie et confirmé par courrier original le 14 avril 2008, présenté pour M. Ahmed X, demeurant ..., par la SELARL Eden Avocats ; M. X conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. X soutient que le premier juge a estimé à juste titre que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué avait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, l'exposant justifie de la présence régulière en France de son père et de sa soeur avec lesquels il vit ; que cette dernière, dont il est particulièrement proche, serait dans l'impossibilité de l'accompagner dans son pays d'origine, étant scolarisée en France depuis 2001 ; que, de même, le retour du père de l'exposant en Algérie n'est pas envisageable compte tenu de l'activité professionnelle qu'il exerce en France ; que le préfet, qui ne conteste pas ces éléments de fait, ne saurait se borner à évoquer l'existence d'attaches familiales dans le pays d'origine et celle d'une demande de regroupement familial ; que, s'agissant des attaches alléguées, qui doivent être appréciées in concreto, surtout lorsque la personne considérée est un jeune majeur de 18 ans qui ne peut être accueilli que chez l'un au moins de ses parents, il est établi, en l'espèce, que la mère de l'exposant ne peut l'accueillir à son foyer, dès lors que le second mari de celle-ci s'y oppose ; que l'autorisation de tutelle rédigée par sa mère et authentifiée par le président de l'assemblée populaire communale, qui est versée au dossier, s'avère suffisamment probante à cet égard ; que cette attestation est sans lien avec le divorce prononcé entre ses parents mais résulte d'une situation de fait ; que l'exposant n'a plus de contact avec son frère et sa soeur résidant en Algérie et qui n'auraient, en tout état de cause, pas la possibilité de l'accueillir au sein de leur propre foyer ; que, s'agissant de la procédure de regroupement familial en cours d'examen, ladite demande n'a pu être déposée plus tôt par son père, dès lors que celui-ci ne disposait jusqu'à une date récente pas de ressources suffisantes pour y prétendre ; que l'argument selon lequel l'exposant aurait dû demeurer en Algérie dans l'attente de l'issue de cette procédure ne tient pas compte des délais réels d'instruction de ce type de demande ; que, de même, il est extrêmement difficile d'obtenir dans un délai raisonnable un visa de long séjour auprès des autorités consulaires françaises en Algérie ; qu'en raison de l'ensemble de ces éléments, un retour dans son pays d'origine contraindrait l'exposant à vivre isolé pendant de très nombreux mois et interromprait de manière brutale une scolarité dont le préfet ne conteste pas la qualité ; que ce parcours scolaire assidu et sérieux, qui est salué par les enseignants de son lycée, révèle de réels efforts d'intégration à la société française, en particulier pour maîtriser la langue française ; qu'il lui serait extrêmement difficile de reprendre une formation équivalente en cas de retour dans son pays d'origine, en raison notamment de son isolement, alors que son père est en mesure de prendre en charge son entretien et ses frais de scolarité ; que l'exposant est, en outre, bénévole au sein d'une association participant aux activités de soutien scolaire et à des actions humanitaires ; que, pour les mêmes motifs et alors que l'exposant n'a jamais troublé l'ordre public, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué est, en outre, entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa situation personnelle ;
Vu l'ordonnance en date du 10 avril 2008 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 avril 2008 par télécopie, présenté par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME et par lequel le préfet informe le président de la Cour que la demande de regroupement familial présentée par le père de M. X a été rejetée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article
R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2008 :
- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour annuler, par le jugement attaqué, en date du 18 janvier 2008, l'arrêté du 14 janvier 2008 par lequel le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a décidé de reconduire
M. X, ressortissant algérien, né le 25 décembre 1989, à la frontière, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé, compte tenu notamment de la présence en France de son père et de sa plus jeune soeur mineure, ainsi que de nombreux membres de sa famille et eu égard à son absence de lien effectif avec sa mère et ses frères et soeurs restés en Algérie et à sa bonne intégration à la société française, que ledit arrêté avait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il avait été pris et méconnaissait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME forme appel de ce jugement ;
Considérant que si M. X est entré en France au cours du mois d'août 2006 à l'âge de 16 ans et y a rejoint son père, titulaire d'un certificat de résidence de dix ans valable jusqu'en 2013, et sa soeur, née en 1993, et si l'intéressé fait valoir que des oncles et tantes et des cousins, dont certains sont de nationalité française, demeurent également auprès de lui en France, il ressort des pièces du dossier que M. X, qui est célibataire, majeur à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, et sans enfant, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où demeurent sa mère, un frère et une soeur et où il a lui-même habituellement vécu jusqu'à son entrée en France ; que la déclaration sur l'honneur, au demeurant non datée, rédigée par la mère de M. X n'est pas à elle seule de nature à corroborer l'allégation de l'intéressé selon laquelle celle-ci, en raison de son remariage, ne serait pas en mesure de l'accueillir en cas de retour en Algérie ; que ce document fait d'ailleurs état de ce que M. X et sa soeur ont été placés après le divorce de leurs parents sous la protection de leur père, alors que le jugement de divorce, prononcé par le Tribunal de Gydel le 25 juillet 2007 aux torts de l'époux, avait confié la garde desdits enfants à leur mère, qui n'avait ensuite autorisé M. X à vivre avec son père qu'à titre provisoire ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, malgré la demande de regroupement familial déposée par son père, laquelle est en elle-même sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, et eu égard à la faible durée et aux conditions du séjour de M. X, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a accueilli à tort le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler ledit arrêté ;
Considérant qu'il appartient toutefois au juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X tant devant le président du Tribunal administratif de Rouen que devant le président de la Cour ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a suivi, dès son arrivée en France en 2006, les cours du pôle d'accueil et d'intégration des jeunes migrants au lycée Grieu de Rouen, alors qu'il avait un niveau très faible de compréhension de la langue française ; qu'il a néanmoins fourni des efforts conséquents et reconnus par ses professeurs, qui lui ont permis d'acquérir une bonne maîtrise de la langue française et, malgré l'avis défavorable qui avait été émis à l'issue d'une évaluation réalisée en septembre 2006, d'intégrer au titre de l'année scolaire 2007-2008 une classe de seconde de BEP plasturgie au lycée professionnel Colbert de Petit-Quevilly, au sein de laquelle il s'investit d'une manière sérieuse et assidue dans la poursuite de ses études ; que, dans ces conditions et eu égard notamment au jeune âge de l'intéressé, tout juste majeur à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, et au soutien dont il bénéficie en France notamment de la part de son père, qui est en mesure de le prendre en charge financièrement, et des nombreux autres membres de sa famille qui y sont intégrés, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de M. X ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés par M. X, que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 14 janvier 2008 décidant de reconduire M. X à la frontière ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application desdites dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. X en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Ahmed X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Copie sera adressée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.
N°08DA00330 2