Vu la requête, enregistrée par télécopie le 27 septembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée par la production de l'original le 5 octobre 2007, présentée pour M. Petar X, demeurant ..., par Me Berthe ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0703384 du 23 août 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 avril 2007 par lequel le préfet du Nord ne lui a pas renouvelé son récépissé de demandeur d'asile valant autorisation provisoire de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et lui a assigné un pays de destination ;
2°) d'annuler ledit arrêté du 24 avril 2007 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour « vie privée et familiale » dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ou, à défaut, de l'admettre provisoirement au séjour et de procéder au réexamen de sa situation sous la même astreinte ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le préfet a fait une inexacte application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'obligeant à quitter le territoire en l'absence de demande de titre de séjour de sa part, ou en raison de l'échec de sa demande d'asile ; qu'il ne peut davantage être regardé comme ayant refusé de renouveler le récépissé de demande de carte de séjour 14 mois après l'expiration de ce dernier ; que la mesure d'éloignement est dépourvue de motivation ; qu'elle a été prise sans examen sérieux de sa situation ; que la décision lui assignant un pays de destination méconnaît les recommandations du Conseil de l'Europe sur le traitement des Roms et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il est, avec toute sa famille, établi en France depuis 2004 ; qu'en l'absence de la nationalité déterminée, il ne peut reconstituer sa cellule familiale dans un autre pays ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu l'ordonnance du 11 octobre 2007 portant clôture de l'instruction au
11 décembre 2007 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2007, présenté par le préfet du Nord, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que sa demande d'asile sous le nom d'Y a été rejetée par la Commission des recours des réfugiés ; que, sous le nom de X, il a de nouveau sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 8 juin 2006 à Évreux ; qu'il n'établit pas avoir formé à la préfecture du Nord le 26 mars 2007 un recours tendant au réexamen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'il était compétent pour prendre une décision de refus de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 511-1-1 ; que cette décision est motivée; qu'elle ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'intéressé n'est pas isolé dans les républiques de l'ex-Yougoslavie ; qu'il a déclaré à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides posséder la nationalité du Monténégro ; que le requérant n'établit pas être empêché de s'installer avec sa famille dans ce pays ; qu'il était compétent pour prendre une décision obligeant M. X à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette décision est motivée ;
Vu la lettre du 1er avril 2008, informant les parties, en application de l'article de l'article R 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 avril 2008, présenté par le préfet du Nord ;
Vu l'ordonnance du 11 avril 2008 portant réouverture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 ;
Vu le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2008 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur et M. Jean-Eric Soyez, premier conseiller :
- le rapport de M. Jean-Eric Soyez, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Sur la décision par laquelle le récépissé de demandeur d'asile de M. X n'a pas été renouvelé :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Commission des recours des réfugiés » ; qu'aux termes de l'article R. 742-2 du même code : « Le demandeur d'asile auquel une autorisation provisoire de séjour a été délivrée en application de l'article
R. 742-1 est mis en possession d'un récépissé de la demande d'asile valant autorisation provisoire de séjour dans un délai maximal de trois jours à compter de l'expiration de la validité de l'autorisation provisoire de séjour mentionnée à l'article R. 742-1, sur présentation de la lettre de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides l'informant de l'enregistrement de sa demande d'asile ou de la décision de procéder à un nouvel examen de cette demande. Ce récépissé porte la mention « récépissé constatant le dépôt d'une demande d'asile » et a une durée de validité de trois mois renouvelable jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides » ; et qu'aux termes de l'article R. 742-3 de ce code : « Sur présentation de l'accusé de réception d'un recours devant la Commission des recours des réfugiés contre une décision négative de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou du reçu de l'enregistrement du recours délivré par la Commission des recours des réfugiés, le demandeur d'asile obtient le renouvellement du récépissé de la demande d'asile visé à l'article R. 742-2 d'une durée de validité de trois mois renouvelable jusqu'à la notification de la décision de la commission. (...) » ;
Considérant que si M. X soutient ne pas avoir eu communication de la décision de la Commission des recours des réfugiés du 8 février 2005, il ressort des pièces du dossier que cette décision lui a été notifiée le 15 avril 2005 ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le 24 avril 2007, date de l'arrêté attaqué, le préfet du Nord a refusé de renouveler le récépissé de demandeur d'asile valant autorisation provisoire de séjour du requérant ; que, dès lors, le moyen tiré de l'illégalité de ce non-renouvellement ne peut qu'être écarté ;
Sur la décision faisant obligation à M. X de quitter le territoire :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de l'article 52 de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'intégration et à l'immigration : « I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. / (...) / L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration (...) » ;
Considérant que seules les décisions expressément énumérées par les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peuvent être assorties de l'obligation de quitter le territoire français qu'institue ce même article ; que, par suite, un préfet méconnaît le champ d'application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant une mesure d'éloignement, après avoir refusé de renouveler le récépissé, mentionné à l'article R. 742-2 susrappelé de ce code, sans se prononcer sur la demande de titre de séjour fondée sur l'article L. 314-11-8° du même code dont il doit être regardé comme saisi ;
Considérant que, par suite, le préfet du Nord ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faire obligation à M. X de quitter le territoire dans l'arrêté du 24 avril 2007 par lequel il ne lui a pas renouvelé son récépissé de demandeur d'asile ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des dispositions de l'arrêté du 24 avril 2007 qui lui font obligation de quitter le territoire et lui assignent un pays de destination ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;
Considérant que, le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions mentionnées ci-dessus ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille du 23 août 2007 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X tendant à l'annulation des dispositions de l'arrêté du 24 avril 2007 qui lui font obligation de quitter le territoire et lui assignent un pays de destination.
Article 2 : L'arrêté du 24 avril 2007 du préfet du Nord est annulé en tant qu'il fait obligation à M. X de quitter le territoire et lui assigne un pays de destination.
Article 3 : L'Etat versera à M. X, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Petar X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Copie sera transmise au préfet du Nord.
N°07DA01529 2