Vu la requête, enregistrée le 4 août 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 6 août 2008 par courrier original, présentée pour M. Issa X, sans domicile fixe, par Me Hanchard ; M. X demande au président de la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0802105, en date du 21 juillet 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2008 du préfet de l'Oise prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière et à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Oise de procéder à un nouvel examen de sa situation après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté et la désignation du pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
M. X soutient :
- que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, qui ne comporte aucune précision quant à la situation personnelle de l'exposant et qui emploie une formulation laconique et stéréotypée, est, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, insuffisamment motivé au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979 et alors qu'une circulaire du 25 janvier 1990 rappelait aux préfets le caractère essentiel de cette obligation de motivation ;
- que ledit arrêté ne lui a pas été notifié dans une langue qu'il maîtrise ; que l'exposant avait pourtant précisé qu'il ne savait ni lire, ni écrire ; que cette irrégularité de procédure entache la légalité dudit arrêté ;
- qu'au fond, il vit en France depuis plus de sept ans et a, depuis lors, toujours travaillé, bien qu'irrégulièrement, en utilisant la carte de séjour de l'un de ses frères ; que ses deux frères vivent, en effet, en France et sont tous deux titulaires d'une carte de résident ; qu'il est parfaitement intégré à la société française, dans le respect des principes de la République ; qu'il n'a plus de famille au Mali, ses parents étant décédés ; que les déclarations qu'il aurait tenues à ce sujet à la suite de son interpellation ne sauraient lui être opposées, dès lors qu'il n'a pas été en mesure, ne maîtrisant pas suffisamment la langue française, de s'expliquer clairement sur sa situation lors de cette audition ; qu'il produit un acte de décès de sa mère ; que, ses attaches familiales et amicales étant aujourd'hui exclusivement situées en France, l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu tant les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce même arrêté est, en outre, entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 11 août 2008 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 30 septembre 2008 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2008, présenté par le préfet de l'Oise ; le préfet conclut au rejet de la requête ; le préfet soutient :
- que l'arrêté de reconduite à la frontière contesté a été pris par une autorité régulièrement habilitée et s'avère suffisamment motivé tant en droit qu'en fait ;
- que les irrégularités qui entacheraient la notification dudit arrêté seraient sans incidence sur sa légalité ; qu'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose d'ailleurs qu'un arrêté de reconduite à la frontière soit notifié à un ressortissant étranger dans une langue qu'il maîtrise ;
- qu'au fond, les allégations de M. X, qui a souvent eu recours à de fausses déclarations, à de faux documents, ainsi qu'à de fausses identités, doivent être appréhendées avec précaution ; qu'il lui appartient de les étayer au moyen de documents probants ; qu'il est constant que l'intéressé, qui est célibataire et sans enfant, n'a constitué aucune famille familiale sur le territoire français ; qu'il n'établit pas que sa présence serait indispensable auprès d'un membre de sa famille régulièrement établi en France, ni qu'il serait isolé dans son pays d'origine ; que l'arrêté attaqué n'a donc pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels et n'a, dès lors, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- que M. X, qui s'est fait défavorablement remarquer depuis son entrée en France, ne saurait se prévaloir ni de sa bonne intégration, ni de l'emploi qu'il a obtenu frauduleusement, ni de la durée de son séjour en France, les années durant lesquelles il a eu recours à une fausse identité ne pouvant créer de droit à son profit ; que l'arrêté attaqué n'est ainsi, et compte tenu de ce qui précède, pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;
- que la désignation du pays de renvoi est légalement fondée et n'a méconnu ni l'article
L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que M. X n'établit pas qu'il courrait un risque en cas de retour au Mali, qui figure au demeurant sur la liste des pays d'origine sûrs publiée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 2 juillet 2005 ;
Vu l'ordonnance en date du 30 septembre 2008 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;
Vu la décision en date du 6 octobre 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai rejetant la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. X ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 octobre 2008, présenté par le préfet de l'Oise, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; le préfet soutient, en outre, que les pièces dernièrement produites par M. X pour tenter de démontrer la réalité du lien qui l'unirait aux deux compatriotes qu'il présente comme ses frères ne sont pas probantes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 décembre 2008 :
- le rapport de M. André Schilte, président de la Cour ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par arrêté en date du 17 juillet 2008, le préfet de l'Oise a décidé de reconduire M. X, ressortissant malien, né le 24 juillet 1972, et entré en France, selon ses déclarations, le 15 août 2003, à la frontière, en se fondant sur les dispositions du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a désigné le Mali comme pays de destination de cette mesure ; que M. X forme appel du jugement en date du 21 juillet 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant que l'obligation de motiver les mesures portant reconduite à la frontière d'un étranger, qui résulte tant du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que des articles 1er et 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979, modifiée, implique que ces décisions comportent l'énoncé des éléments de droit et de fait qui fondent la mise en oeuvre de la procédure d'éloignement ; qu'il ressort, en l'espèce, de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué que si ceux-ci comportent le visa des articles L. 511-1-II-1° et 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ils ne contiennent l'énoncé d'aucune circonstance de fait permettant de déterminer les raisons pour lesquelles l'autorité préfectorale a estimé que M. X entrait dans l'un ou dans l'autre des cas visés par ces dispositions, ni le fondement légal retenu, en l'espèce, pour fonder la mesure d'éloignement prise à l'égard de l'intéressé ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué ne répond pas aux exigences de motivation posées tant par les dispositions susmentionnées de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par celles de la loi du 11 juillet 1979 ; que, dès lors, ledit arrêté doit être annulé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Oise en date du 17 juillet 2008 prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière et désignant le Mali comme pays de destination de cette mesure ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;
Considérant que la présente décision, qui annule l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet de l'Oise à l'égard de M. X, au motif que cet arrêté est insuffisamment motivé, implique nécessairement, dès lors qu'il n'est pas allégué et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un changement de droit ou de fait y fasse obstacle, qu'une autorisation provisoire de séjour valable le temps nécessaire au réexamen de sa situation soit délivrée par le préfet de l'Oise à M. X dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision et qu'il soit procédé à ce réexamen ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée :
Considérant que M. X, qui n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, ne peut invoquer l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il peut, en revanche, demander qu'il soit fait application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en application des dispositions de cet article et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0802105 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en date du 21 juillet 2008 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Oise en date du 17 juillet 2008 prononçant la reconduite à la frontière de M. X et désignant le Mali comme pays de renvoi est annulé.
Article 3 : Il est prescrit au préfet de l'Oise de délivrer à M. X, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de la présente décision, une autorisation provisoire de séjour valable le temps nécessaire au réexamen de sa situation et de procéder à ce réexamen.
Article 4 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Issa X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Copie sera transmise au préfet de l'Oise.
N°08DA01243 2