Vu la requête, enregistrée le 1er août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE L'EURE, qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0801244, en date du 17 juillet 2008, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. Yasar X, annulé la décision du 1er avril 2008 refusant d'admettre ce dernier au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;
Il soutient que si la Cour de céans lui a imposé, après l'annulation d'une précédente décision d'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. X, de procéder à une nouvelle instruction de la demande de l'intéressé, il n'avait pas à convoquer à nouveau M. X en préfecture afin de lui permettre de faire valoir tous éléments relatifs à sa situation ; que le jugement querellé a ainsi méconnu le principe au terme duquel, après annulation, il se trouvait de nouveau saisi de la demande initiale de titre de séjour présentée par M. X et ce, sans être tenu de permettre à l'étranger de produire de nouveaux éléments nécessaires à l'examen de sa situation au regard de son droit au séjour ; qu'en outre, à la date de la décision annulée, aucune circonstance nouvelle de droit ou de fait n'était intervenue ; que, par ailleurs, sa décision du 1er avril 2008 ne saurait être considérée comme irrégulière au seul motif qu'elle est identique à la première décision annulée ; que M. X ne s'étant jamais présenté en préfecture en vue d'obtenir l'autorisation provisoire de séjour à laquelle il pouvait prétendre, il n'était pas tenu de procéder à cette délivrance avant de statuer à nouveau sur sa demande de titre de séjour ; que la convocation du 2 avril 2008 visait à notifier la décision prise à l'encontre de M. X et non, comme indiqué en première instance, à lui permettre de présenter des observations ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2009, présenté pour M. Yasar X, demeurant ..., par Me Madeline, avocat ; il demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'enjoindre au PREFET DE L'EURE de lui délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ;
3°) de condamner l'Etat à verser à son avocat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647, modifiée, du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique ;
Il fait valoir que le PREFET DE L'EURE a violé l'autorité de la chose jugée en ne lui délivrant pas d'autorisation provisoire de séjour et en ne réexaminant pas sa situation au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de l'arrêté du 1er avril 2008 ; que l'édiction de ce nouvel arrêté, qui fait suite au refus de séjour qui lui a été opposé le 15 mars 2007 et qui n'a été précédé ni de la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, ni d'une nouvelle consultation du médecin inspecteur de la santé publique, est entachée, de par la précipitation ayant présidé à son adoption, d'un détournement de procédure ; qu'en outre, le PREFET DE L'EURE a méconnu tant les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que celles de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, en ne lui permettant pas de présenter des observations écrites ou orales avant l'adoption de l'arrêté querellé ; qu'en outre, son état de santé s'est dégradé entre le 15 mars 2007 et le 1er avril 2008 ; que, par ailleurs, la décision de refus de séjour est entachée, en l'absence de saisine du médecin inspecteur de la santé publique, d'un vice de procédure ; qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ne pourra qu'être annulée ; que cette décision est nécessairement empreinte d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que M. X fait l'objet d'un placement sous contrôle judiciaire lui interdisant de quitter le territoire français ;
Vu la décision du 16 mars 2009 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Xavier Larue, conseiller, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Mahieu, substituant Me Madeline, pour M. X ;
Considérant qu'il est constant que, le 17 mars 2007, le PREFET DE L'EURE a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. X et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que cette dernière décision a été annulée par la Cour de céans par un arrêt, devenu définitif, du 13 mars 2008 ; qu'en conséquence de cette annulation, la Cour a enjoint au PREFET DE L'EURE de munir M. X d'une autorisation provisoire de séjour et de statuer à nouveau sur le droit au séjour de l'intéressé ; que, par un arrêté du 1er avril 2008, le PREFET DE L'EURE a refusé de délivrer à M. X un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que le PREFET DE L'EURE relève appel du jugement n° 0801244, en date du 17 juillet 2008, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. X, annulé la décision susmentionnée du 1er avril 2008 ;
Sur l'appel du PREFET DE L'EURE :
Considérant que l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé pour la durée qu'il précise (...) ; qu'aux termes de l'article R. 311-5 du même code : La durée de validité du récépissé mentionné à l'article R. 311-4 ne peut être inférieure à un mois ; que l'article R. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : Pour l'application des articles L. 313-11 (...), l'étranger présente à l'appui de sa demande de délivrance de la carte temporaire de séjour : / 1° Les pièces justifiant qu'il entre dans l'un des cas prévus pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire (...) ;
Considérant que, pour annuler l'arrêté du PREFET DE L'EURE du 1er avril 2008 refusant à M. X la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que l'injonction prononcée par la Cour de céans, dans son arrêt du 13 mars, notifié le 18, n'a pas été respectée au double motif que M. X n'a pas été muni d'une autorisation provisoire de séjour et qu'il n'a pas été procédé à un réexamen de sa situation dès lors qu'il n'a pas été convoqué en préfecture ; que, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartenait à M. X, après l'annulation prononcée, d'apporter les justifications nécessaires au réexamen de sa demande de titre de séjour sans que le PREFET DE L'EURE ne soit tenu de le convoquer en préfecture ; que, néanmoins, il appartenait au PREFET DE L'EURE saisi, après l'annulation prononcée, de la demande initiale de titre de séjour de M. X, de munir l'intéressé, en application de l'article R. 311-4 précité, d'une autorisation provisoire de séjour dont la validité, à compter de la notification de l'arrêt de la Cour de céans, ne pouvait être inférieure à un mois, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 311-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le respect de l'injonction prononcée par la Cour impliquait que M. X, afin de produire les éléments de fait nouveaux existants à la date du réexamen de sa demande, soit muni d'une autorisation provisoire de séjour valable au moins jusqu'au 18 avril 2008 ; qu'en l'espèce, il est constant que le PREFET DE L'EURE ne lui a pas délivré d'autorisation provisoire de séjour et a statué sur la demande de M. X le 1er avril 2008 ; qu'il a donc méconnu l'injonction prononcée par la Cour et privé l'intéressé de la possibilité d'un réexamen effectif de sa demande ; qu'il suit de là que le PREFET DE L'EURE a méconnu l'autorité de la chose jugée par la Cour ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. X, annulé la décision du 1er avril 2008 refusant d'admettre ce dernier au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé et qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;
Considérant que M. X demande à la Cour, à titre principal, d'enjoindre au PREFET DE L'EURE de lui délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, un titre de séjour vie privée et familiale ;
Considérant, en premier lieu, que le présent arrêt, qui confirme l'annulation d'un refus de titre de séjour adopté à la suite de l'annulation d'une décision d'obligation de quitter le territoire français, n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour ; que, dès lors, les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE L'EURE de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée vie familiale ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant, en second lieu, qu'à la suite de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, il incombe au PREFET DE L'EURE, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour, sans que celui ait à effectuer de démarches en ce sens, mais aussi de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un refus de titre de séjour édicté suite à l'annulation d'une obligation de quitter le territoire français, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ; que l'injonction déjà prononcée en ce sens par le tribunal administratif a rempli de ses droits l'intéressé ; qu'il n'y a pas lieu de compléter ou modifier le dispositif adopté par les premiers juges sur ce point ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre (...) ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à Me Madeline, avocat de M. X, sous réserve de renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du PREFET DE L'EURE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE L'EURE de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera à Me Madeline, avocat de M. X, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Yasar X.
Copie sera transmise au PREFET DE L'EURE.
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N°08DA01227 2