Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SELARL SOINNE, mandataire judiciaire de M. Henri A, dont le siège est 40-42 rue de l'Ecusserie à Saint-Omer (62502), par Me Delerue, avocat ; elle demande à la Cour :
1°) de réformer l'ordonnance n° 0708514 du 21 février 2008, par laquelle le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ont été assujettis les époux A au titre des années 1999, 2000 et 2001 ;
2°) de prononcer ladite décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le président de la 4ème chambre n'était pas compétent pour statuer sur une partie seulement de la requête qu'elle avait présentée collectivement avec M. et Mme A ; que l'ordonnance est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne précise pas pourquoi elle n'aurait ni qualité, ni intérêt à agir en sa qualité de mandataire à la liquidation personnelle de M. A ; qu'en outre, l'ordonnance est entachée d'une erreur de droit puisqu'elle avait intérêt et qualité à agir ; qu'en contrariété avec les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, elle n'a été destinataire d'aucun des actes de la procédure de redressement conduite à l'encontre des époux A ; que, par suite, la procédure d'imposition suivie est irrégulière ; qu'à titre subsidiaire, les sommes que M. A a été condamné, en sa qualité de président du conseil d'administration, à verser pour combler le passif de la société Belleteste, à raison de fautes de gestion imputables à la seule Sarl Challenger Holding, pouvaient être déduites de son revenu ; que M. A ayant toujours agi dans l'intérêt de son entreprise, l'administration fiscale ne pouvait pas procéder aux rehaussements querellés ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 juillet 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui demande à la Cour de rejeter la requête ; il fait valoir que la requérante ne justifie ni de son intérêt, ni de sa qualité à agir ; qu'en outre, elle n'a pas présenté de réclamation préalable et est, par suite, irrecevable à solliciter la décharge des impositions en litige ; que les notifications de redressement ne doivent être adressées à peine de nullité au mandataire d'un redevable, personne physique, mis en liquidation judiciaire qu'à la condition que celui-ci exerce une activité commerciale, artisanale, agricole ou libérale et que la liquidation ait été prononcée dans le cadre de cette activité ; qu'il n'est, au cas d'espèce, justifié ni de la procédure de liquidation judiciaire dont aurait fait l'objet M. A, ni du fondement juridique d'une telle procédure, ni même de la désignation de la SELARL SOINNE en qualité de mandataire liquidateur de l'intéressé ; qu'il suit de là que la procédure d'imposition est régulière ; qu'il ressort, en outre, de l'arrêt prononçant la condamnation de M. A à combler le passif de la société Belleteste, que l'intéressé n'a été sanctionné qu'à raison du comportement qu'il a adopté, qui était contraire à l'intérêt de cette entreprise et visait à la satisfaction de ses fins personnelles ; qu'ainsi, les dépenses déduites à raison de cette condamnation n'ont pas été effectuées en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu s'attachant aux fonctions de M. A ; qu'au demeurant, aucune justification n'est apportée sur les paiements correspondant à la déduction revendiquée qui ne peut être opérée qu'au titre de l'année de versement ;
Vu les mémoires, enregistrés les 1er septembre 2008 et 24 février 2009, présentés la SELARL SOINNE, qui concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 octobre 2009, après clôture de l'instruction, présenté pour la SELARL SOINNE ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Xavier Larue, conseiller, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Delerue, pour la SELARL SOINNE ;
Considérant que M. et Mme A ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle en novembre 2002 ; que l'administration fiscale a entendu remettre en cause les déductions opérées par M. et Mme A sur les revenus qu'ils ont déclarés au titre des années 1999, 2000 et 2001 à raison des sommes qu'ils ont versées suite à la condamnation de M. A à combler le passif de la société Belleteste ; que les rappels d'impôts correspondants ont été mis en recouvrement le 28 février 2005 ; que par lettre en date du 9 janvier 2007, l'administration fiscale a rejeté la demande de décharge présentée par M. et Mme A, le 15 mars 2006 ; que la SELARL SOINNE relève appel, en sa qualité de mandataire liquidateur de M. Henri A, de l'ordonnance n° 0708514 du 21 février 2008, par laquelle le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Lille a rejeté, pour irrecevabilité manifeste, sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles M. et Mme A ont été assujettis au titre des années 1999, 2000 et 2001 ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant qu'à compter de la nomination de la SELARL SOINNE, en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation personnelle de M. Henri A, ce dernier s'est trouvé dessaisi, au profit de la requérante, de l'administration et de la disposition de tous ces biens, y compris ceux détenus en commun avec son épouse ; qu'il suit de là que la SELARL SOINNE disposait de la qualité pour agir et d'un intérêt à agir contre les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, et les pénalités y afférentes, mises à la charge des époux A ; que, par suite, la SELARL SOINNE est fondée à solliciter l'annulation de l'ordonnance du 21 février 2008 par laquelle le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Lille a, sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté, pour défaut d'intérêt et de qualité à agir de la requérante, sa demande à fin de décharge desdites impositions ;
Considérant qu'il y a lieu, pour la Cour, de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de la SELARL SOINNE ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique :
Considérant que l'article R* 190-1 du livre des procédures fiscales dispose que : Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition. (...) ;
Considérant que le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique fait valoir que la SELARL SOINNE n'a adressé aucune demande préalable visant à contester les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge des époux A ; que, toutefois, dans le cas d'une liquidation judiciaire, il suffit que soit le mandataire liquidateur, soit le contribuable mis en liquidation, dont les contestations visent à sauvegarder un seul et même patrimoine, présente la réclamation, prévue à l'article R* 190-1 du livre des procédures fiscales, pour que tous deux soient habilités à contester les impositions mises à la charge du contribuable ; qu'il est constant, qu'en l'espèce, les époux A ont effectué, le 15 mars 2006, une réclamation visant à contester les cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1999, 2000 et 2001 ; que, par suite, la fin de non-recevoir soulevée par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique doit être rejetée ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations (...). / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée. ; que l'article L. 76 du même livre dispose que : Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination (...) ; qu'aux termes de l'article L. 622-9 du code de commerce, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 641-9 du même code : Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que les droits et actions du débiteur qu'elles visent, incluent ceux qui se rapportent, le cas échéant, aux dettes fiscales de celui-ci, et, par suite, aux actes de la procédure d'imposition le concernant, tels que les notifications de redressements, qui sont susceptibles d'avoir une incidence sur son patrimoine ; qu'il en va de même dans le cas de la liquidation judiciaire d'une personne physique exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole ou libérale, auquel ces dispositions sont également applicables ; que, dès lors, la notification des redressements envisagés par l'administration des bases d'imposition d'un contribuable qui se trouve dans ce cas doit être adressée au liquidateur judiciaire ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Henri A a été déclaré en liquidation judiciaire personnelle à compter du 25 septembre 1997 ; qu'il n'est pas contesté que les notifications de redressement des 21 décembre 2002 et 29 décembre 2003 n'ont pas été adressées à la SELARL SOINNE, liquidateur judiciaire de M. A, alors que la liquidation personnelle de ce dernier n'a pu prendre fin avant le 12 novembre 2004, date de lecture de l'ordonnance du Tribunal de commerce de Saint-Omer ; qu'il n'est pas contesté que cette situation, dont le juge administratif ne saurait apprécier le bien-fondé, était, au demeurant, connue de l'administration fiscale ; qu'il suit de là que la procédure d'imposition suivie par l'administration est, en l'espèce, irrégulière ; que, par suite, la SELARL SOINNE est fondée à solliciter la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ont été assujettis les époux A au titre des années 1999, 2000 et 2001 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros au titre des frais exposés par la SELARL SOINNE et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 0708514 du 21 février 2008 du président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Lille est annulée.
Article 2 : M. et Mme A, représentés par la SELARL SOINNE, sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1999, 2000 et 2001.
Article 3 : L'Etat versera à la SELARL SOINNE une somme de 750 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL SOINNE ainsi qu'au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°08DA00538