Vu la requête, enregistrée par télécopie le 22 janvier 2010 et régularisée par la production de l'original le 25 janvier 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Abdelkrim A, demeurant ..., par Me M'Barga ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0906075 du 15 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 août 2009 du préfet du Nord en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
2°) d'annuler ledit arrêté du 17 août 2009 dans cette mesure ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que les premiers juges n'ont pas examiné le bien-fondé de son argumentation relative à son intégration professionnelle en statuant sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et alors qu'il avait invoqué également l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de cette intégration ;
- que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'avait pas créé une société ; qu'il exerce une activité professionnelle ; qu'il produit un contrat de travail à temps complet à durée indéterminée et non une simple promesse d'embauche ; que le préfet du Nord a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser sa situation alors qu'il justifie d'une volonté particulière d'intégration en France ; qu'il a suivi des cours de français et a créé une société spécialisée dans la vente de produits de l'artisanat marocain, de bazar et de produits alimentaires à Liévin ; qu'il exerce un emploi salarié dans cette société ; que la décision de refus de séjour en litige porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu la décision du 15 février 2010 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. A ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 février 2010, présenté par le préfet du Nord ; il conclut au rejet de la requête ; il fait valoir :
- s'agissant de la décision de refus de séjour, que la situation de M. A a été examinée au regard des éléments de droit et de fait relatifs à sa situation personnelle ; que l'intéressé ne justifie pas de sa date d'entrée en France, ni de son séjour continu sur le territoire français ; qu'il n'a jamais, avant son recours, fait état d'une quelconque vie maritale avec Mme Hanane B, supposée de nationalité française, depuis quatre ans ; que l'intéressé est domicilié boulevard de Strasbourg à Lille alors que Mme B demeure à Sallaumines ; que M. A n'est pas isolé au Maroc où demeure l'intégralité de sa famille ; que la décision de refus de séjour en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; que M. A a demandé la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale et non pas en qualité de salarié ; qu'ainsi, l'administration n'était pas tenue de rechercher si l'intéressé pouvait prétendre à un titre de séjour sur un autre fondement ; que M. A ne remplit aucune des conditions réglementaires pour obtenir la délivrance d'une carte de séjour en qualité de commerçant en application de l'article L. 313-10 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il est démuni du visa de long séjour requis par les dispositions de l'article L. 311-7 dudit code ; que, contrairement aux allégations de M. A, l'extrait K Bis de la société spécialisée dans la vente de produits marocains dont il prétend être le créateur n'est pas à son nom mais à celui de Mme C épouse B ; qu'étant en situation de séjour irrégulier, il n'était pas autorisé à exercer une activité commerciale en France ;
- s'agissant de la décision d'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination, que M. A n'entrant dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'accord franco-marocain modifié, il peut faire l'objet de cette mesure ; que l'intéressé ne justifie pas se trouver dans l'un des cas dans lesquels un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. A est détenteur d'un passeport marocain et ne conteste pas être de nationalité marocaine ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'accord du 9 octobre 1987 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;
Considérant que M. A, de nationalité marocaine, a déclaré être entré en France le 11 octobre 2006 et a fait l'objet d'un refus de séjour, par un arrêté du 6 août 2007 du préfet du Pas-de-Calais ; que l'intéressé a demandé, le 16 septembre 2008, la délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale au préfet du Nord qui, par un arrêté du 17 août 2009, a refusé de l'admettre au séjour, a prononcé à son encontre une mesure d'obligation de quitter le territoire français et a fixé le Maroc, pays dont il a la nationalité, comme pays de destination de cette mesure ; que M. A relève appel du jugement du 15 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 août 2009 du préfet du Nord en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que la demande introductive d'instance présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lille ne comporte que des conclusions dirigées contre le refus de séjour qui lui a été opposé par le préfet du Nord ; qu'ainsi, il doit être regardé comme ayant entendu demander l'annulation de cette seule décision ; qu'il résulte également de l'examen des pièces du dossier de première instance que M. A avait invoqué devant le Tribunal administratif de Lille le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet du Nord en refusant de lui délivrer le titre de séjour demandé ; qu'il ressort de l'examen du jugement dont M. A relève appel que les premiers juges n'ont pas examiné ce moyen qui n'était pas inopérant à l'encontre de la décision de refus de séjour en litige ; que, dès lors, M. A est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier comme entaché d'omission à statuer et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lille et dirigées contre la décision de refus de séjour ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que si M. A soutient qu'il justifie d'une volonté particulière d'intégration en France dans la mesure où il a suivi des cours de français et a créé une société spécialisée dans la vente de produits de l'artisanat marocain au sein de laquelle il exerce un emploi salarié, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et sans enfant, n'est entré en France qu'en 2006 à l'âge de 27 ans après avoir toujours vécu dans son pays d'origine où résident ses parents, deux frères et sept soeurs ; que si M. A déclare vivre en concubinage avec une ressortissante française depuis plus de quatre ans, il ne produit aucun élément de nature à l'établir ; que, par suite, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de M. A, la décision de refus de séjour en litige n'a, malgré son insertion sociale et professionnelle, pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si M. A soutient également qu'il démontre sa volonté d'intégration en produisant un contrat de travail à temps complet à durée indéterminée et non une simple promesse d'embauche, cette seule circonstance ne permet pas d'établir que le préfet du Nord a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de refus de séjour du 17 août 2009 du préfet du Nord ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0906075 du 15 décembre 2009 du Tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lille et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abdelkrim A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Copie sera transmise au préfet du Nord.
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N°10DA00108 2