Vu la requête, enregistrée par télécopie le 19 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée par la production de l'original le 22 septembre de la même année, présentée pour M. et Mme Dominique A, demeurant ..., par Me Guilloux, avocat ; M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0401310 du 8 juillet 2008 en tant que le Tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1995 ;
2°) de prononcer ladite décharge ;
Ils soutiennent que, préalablement aux demandes de justifications et d'éclaircissements qui leur ont été adressées, ils n'ont pas bénéficié du débat oral et contradictoire avec le vérificateur prévu par la charte du contribuable qui leur a été remise ; que, compte tenu de la discordance des montants globaux de redressements mentionnés, d'une part, dans les lettres d'éclaircissements et, d'autre part, dans la notification de redressements qui s'y réfère, la motivation de cette notification est insuffisante et méconnaît les dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ; que, concernant le bien-fondé des impositions en litige, ils ont produit l'ensemble des justificatifs nécessaires pour établir l'origine des revenus servant de base à ces rehaussements ; que dès lors que leur volonté d'éluder l'impôt n'est pas établie, l'administration fiscale ne pouvait pas leur appliquer la majoration de mauvaise foi ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 janvier 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement intervenu, au rejet du surplus des conclusions de la requête ainsi qu'à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé la décharge partielle des impositions en litige et à ce que lesdites impositions soient remises à la charge de M. et Mme A ; il fait valoir qu'il n'y a plus lieu de statuer à concurrence du dégrèvement intervenu après admission de la réclamation de M. et Mme A en matière de pénalités de mauvaise foi ; que, préalablement aux demandes d'éclaircissements et de justifications qui leur ont été adressées, les requérants ont, à plusieurs reprises, rencontré le vérificateur et ont pu avoir avec lui un débat oral et contradictoire ; que la notification de redressements adressée à M. et Mme A, qui se réfère aux montants globaux mentionnés dans les demandes d'éclaircissements et de justifications, tout en précisant l'ensemble des sommes considérées comme justifiées, est suffisamment motivée ; que, pour établir, comme il leur incombe, l'origine des revenus servant de base aux rehaussements en litige, M. et Mme A n'ont pas fourni de justifications suffisantes ; qu'en ce qui concerne les sommes en provenance de la société Alma Gestion, s'ils justifient qu'il s'agit de revenus locatifs, M. et Mme A n'établissent pas à quel titre ces sommes, qui auraient dû être versées au frère gérant l'indivision successorale du père du requérant, ont pu leur être remises ; qu'il s'agit donc bien de revenus d'origine indéterminée dont les premiers juges ne pouvaient pas prononcer la décharge partielle ; que si ces revenus devaient ne pas être considérés comme d'origine indéterminée, ils devront être qualifiés de revenus fonciers et imposés en tant que tel entre les mains des requérants ; que compte tenu de l'insuffisance de déclaration de la plus-value immobilière réalisée par M. et Mme A, il y a lieu de substituer les pénalités de 10 % prévues à l'article 1728 à celles de 40 % initialement contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique le rapport de M. Xavier Larue, conseiller, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;
Considérant que M. et Mme Dominique A ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle diligenté par les services fiscaux de la Seine-Maritime au titre des années 1994 et 1995 ; qu'après avoir relevé des discordances entre les revenus déclarés des intéressés et les sommes inscrites au crédit de leurs comptes bancaires, l'administration fiscale leur a adressé des demandes d'éclaircissements et de justifications par lettres des 21 janvier et 10 février 1997 ; qu'estimant insuffisants les éléments fournis en réponse, le service a réitéré ses demandes par des lettres datées des 12 et 13 mai 1997 valant mise en demeure préalable à une taxation d'office ; que l'administration fiscale, qui a jugé insuffisantes les nouvelles pièces produites, a adressé à M. et Mme A une notification de redressement, datée du 28 juin 1997, les informant, notamment, de la mise en oeuvre d'une procédure de taxation d'office en application des articles L. 16, L. 16 A et L. 69 du livre des procédures fiscales à raison de crédits bancaires injustifiés pour des montants de 120 729,41 euros (791 933 francs) au titre de l'année 1994 et de 71 376,63 euros (468 200 francs) au titre de l'année 1995 ; qu'était également notifié à M. et Mme A un rehaussement concernant une plus-value immobilière, pour un montant déclaré minoré, qui a été assorti d'une majoration de 40 % ; que les observations des intéressés ont été rejetées par lettre en réponse datée du 12 septembre 1997 et que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, réunie à leur demande le 6 mai 1999, a émis un avis favorable au maintien de ces impositions ; qu'après leur avoir adressé le décompte définitif des conséquences financières des redressements, le 14 avril 2000, le service a mis en recouvrement les impositions correspondantes le 31 décembre 2000 ; que la réclamation contentieuse, présentée par M. et Mme A le 4 juillet 2002, a été partiellement admise le 14 avril 2004 à hauteur de 6 694,75 euros ; que M. et Mme A relèvent appel du jugement n° 0401310 du 8 juillet 2008 en tant que le Tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1995 ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique relève par la voie incidente appel du même jugement en tant qu'il a prononcé la décharge de deux versements opérés par la SARL Alma gestion, d'un montant total de 1 020,61 euros (6 694,75 francs), qu'il a jugé ne pas constituer des revenus d'origine indéterminée ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 30 janvier 2009, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de la Seine-Maritime a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 2 492 euros, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle M. et Mme A ont été assujettis au titre de l'année 1994 et le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 3 112 euros, de la cotisation de même nature à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1995 ; que les conclusions de la requête de M. et Mme A relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur les conclusions d'appel principal à fin de décharge des impositions en litige et les conclusions incidentes tendant au rétablissement des impositions dont le Tribunal a prononcé la décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
S'agissant de l'absence de débat contradictoire :
Considérant que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu, en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales, interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressement qui, selon l'article L. 48, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir, au préalable, engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir ; qu'en outre, dans sa version remise à M. et Mme A, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié , rendue opposable à l'administration en vertu des dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, exige que le vérificateur ait recherché un tel dialogue avant même d'avoir recours à la procédure écrite et contraignante de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; que la méconnaissance de cette exigence a le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte du contribuable vérifié ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A ont reçu des demandes de justifications concernant leurs revenus des années 1994 et 1995 par lettres n° 2172 datées des 21 janvier et 10 février 1997 ; que préalablement à l'envoi de ces courriers, M. et Mme A, qui se bornent à affirmer qu'ils n'auraient pas donné suite à la convocation pour l'entretien du 12 décembre 1996, n'établissent pas qu'ils n'auraient pas eu un rendez-vous avec le vérificateur, à cette date, ainsi que l'affirme l'administration fiscale ; qu'il est constant qu'ils ont eu un rendez-vous avec le vérificateur le 6 janvier 1997 ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la teneur de l'entrevue du 13 janvier 1997, M. et Mme A, qui ne démontrent pas qu'en ces différentes occasions, le vérificateur se serait refusé à tout débat avec eux, ne sauraient être regardés comme établissant qu'ils ont été privés de la garantie d'un débat contradictoire avec le service avant l'envoi des demandes de justifications ;
S'agissant de l'insuffisance de motivation de la notification de redressements :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination ... ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressements adressée à M. et Mme A le 28 juin 1997, qui mentionne des sommes globales restées injustifiées pour le service, fait référence aux demandes de justifications et d'éclaircissements des 27 janvier et 17 février 1997 ainsi qu'aux mises en demeure des 12 et 13 mai 1997 d'avoir à compléter les premières réponses apportées ; que ces demandes et mises en demeure comportent la liste des crédits bancaires à justifier par compte bancaire, date, nature et montant ; que si M. et Mme A se prévalent de la discordance des montants globaux de redressements mentionnés, d'une part, dans les lettres d'éclaircissements et, d'autre part, dans la notification de redressements qui s'y réfère, il résulte toutefois de l'instruction que ladite notification comporte la liste détaillée des sommes admises en déduction des revenus d'origine indéterminée au regard des réponses apportées aux demandes de justifications et mises en demeure qui leur ont été adressées par l'administration ; qu'il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la notification de redressements en litige est insuffisamment motivée ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la SARL de gestion immobilière Alma Gestion, chargée notamment de la gestion d'un immeuble sis 44 rue de la Bruyères à Poissy appartenant à l'indivision successorale du père de M. Dominique A, a opéré, au titre des années 1994 et 1995, sept versements au profit de M. Dominique A correspondants aux recettes locatives nettes de cet immeuble, pour un montant total de 3 675,79 euros (24 111,62 francs) ; qu'il suit de là que ces revenus, qui constituent des revenus fonciers de l'indivision successorale du père de M. Dominique A, ne sauraient être qualifiés de revenus d'origine indéterminée ; que, toutefois, en sa qualité de propriétaire indivis, M. Dominique A est personnellement imposable pour la part des revenus fonciers correspondant à ses droits dans l'indivision ; que, par suite et alors que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive les contribuables d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi, l'administration fiscale est fondée à solliciter qu'à la qualification primitive de revenus d'origine indéterminée soit substituée celle de revenus fonciers, pour la seule part de ces revenus correspondant aux droits de M. Dominique A dans l'indivision successorale ;
Considérant, d'autre part, que M. et Mme A n'avancent aucune explication pour les autres sommes encore en litige ou produisent des justificatifs insuffisants pour établir l'origine et la cause des crédits bancaires restant à justifier ; qu'ils ne peuvent, en conséquence, être regardés comme rapportant la preuve, qui leur incombe, de l'exagération des bases d'imposition retenues par le service ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont fondés qu'à solliciter la décharge des redressements relatifs aux sommes qui leur ont été versées par la SARL Alma Gestion, qualifiées à tort de revenus d'origine indéterminée, en tant que ces impositions excèdent celles assises sur la part de ces revenus fonciers correspondant aux droits de M. Dominique A dans l'indivision successorale de son père ;
Sur les conclusions à fin de décharge des pénalités de mauvaise foi :
Considérant que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat demande au juge de l'impôt de procéder à la substitution de la majoration de 10 % prévu au I. de l'article 1728 du code général des impôts à la majoration de 40 % de l'article 1729 du même code ;
Considérant que si l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en en modifiant le fondement juridique, c'est à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l'administration invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, des faits qu'elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée ; qu'il résulte des termes mêmes de la notification de redressements du 28 juin 1997 que, pour assujettir M. et Mme A à des pénalités de mauvaise foi, l'administration s'est notamment fondée sur la circonstance que la déclaration de la plus-value immobilière réalisée par les intéressés en 1995 n'a été souscrite qu'après l'envoi d'une mise en demeure de la déposer ; que cette déclaration tardive était de nature à justifier légalement l'application de la pénalité prévue à l'article 1728 du code général des impôts, qui est exclusive de toute appréciation de la bonne ou mauvaise foi du contribuable ; qu'il s'ensuit que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat est fondé à demander, sur le fondement des dispositions du I de l'article 1728 du code général des impôts, l'application d'une majoration de 10 %, par substitution à la majoration de 40 % de l'article 1729 du même code initialement appliquée ;
Considérant que si les requérants sollicitent la décharge de la majoration de 10 % prévue au I. de l'article 1728 du code général des impôts à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1995, ils ne sauraient utilement se prévaloir de ce que l'administration n'établit pas leur volonté d'éluder l'impôt ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à soutenir, que le jugement attaqué, en tant qu'il est contraire au présent arrêt, doit être réformé ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A à concurrence de la somme de 2 492 euros en ce qui concerne la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales relative à l'année 1994, et de la somme de 3 112 euros, en ce qui concerne la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales relative à l'année 1995.
Article 2 : L'administration fiscale procédera à la décharge des redressements relatifs aux sommes versées à M. et Mme A par la SARL Alma Gestion, qui constituent des revenus fonciers, en tant que ces impositions excèdent celles assises sur la part des revenus fonciers correspondant aux droits de M. Dominique A dans l'indivision successorale de son père.
Article 3 : Le jugement n° 0401310 du Tribunal administratif de Rouen du 8 juillet 2008 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Dominique A ainsi qu'au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°08DA01616