Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Emmanuel A, demeurant ..., par la SCP Mougel, Brouwer ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0602317 du 26 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 8 décembre 2004 par laquelle le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation à titre disciplinaire ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) d'enjoindre à l'administration de le réintégrer et de reconstituer sa carrière ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la procédure devant le conseil de discipline de première instance n'a pas été régulière car son président n'a pas mis aux voix toutes les sanctions prévues par le statut général par ordre de sévérité décroissant ; que le rapport devant la commission de recours n'était pas objectif et que le rapporteur a pris part aux délibérations ; que la décision de la commission de recours est motivée par référence au jugement du 22 juillet 2004 du Tribunal correctionnel de Dunkerque sans que cette pièce soit jointe ; que l'administration ne rapporte pas la preuve que le vote de la commission de recours a eu lieu dans des conditions régulières ; que les délais n'ont pas été respectés entre la réunion de conseil de discipline de première instance et celle de la commission de recours ; que les premiers juges ont omis de prendre en compte le fait que le conseil de discipline de première instance n'a émis aucun avis sur la sanction retenue par le ministre en raison de l'égalité des votes ; que la sanction est entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de ses états de service et de son état psychologique à cette période ; que les faits incriminés se sont produits lors d'un contrôle d'identité qui constitue une mission délicate ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 janvier 2009 près le Tribunal de grande instance de Douai, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2009, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que ceux développés en première instance dans la mesure où le requérant ne fait valoir aucun moyen ou élément nouveau ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
Vu le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 ;
Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;
Considérant que M. Emmanuel A, ancien gardien de la paix, relève appel du jugement du 26 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 décembre 2004 par laquelle le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation ;
Sur les conclusions d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant qu'aux termes de l'article 10 du décret du 25 octobre 1984 susvisé : Lorsque l'autorité ayant pouvoir disciplinaire a prononcé une sanction de mise à la retraite d'office ou de révocation alors que celle-ci n'a pas été proposée par le conseil de discipline à la majorité des deux tiers de ses membres présents, l'intéressé peut saisir de la décision, dans le délai d'un mois à compter de la notification, la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat (...) ; que M. A a saisi la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat qui a émis l'avis qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à sa requête, et maintenu la sanction de révocation ; que cet avis étant nécessairement postérieur à la décision attaquée, dont la légalité s'apprécie au jour où elle a été prise, tous les moyens tirés par le requérant des irrégularités, au demeurant non établies par les pièces du dossier, dont serait entachée la procédure devant la commission de recours et l'avis émis par elle sont en tout état de cause inopérants ; que la seule circonstance que la commission de recours n'ait pas statué dans le délai de deux mois qui lui était imparti par l'article 15 du même décret n'est pas davantage de nature à entacher la décision de révocation d'illégalité ;
Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation ; qu'aux termes de l'article 8 du décret du 25 octobre 1984 susvisé : (...) le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l'accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée jusqu'à ce que l'une d'elles recueille un tel accord (...). Dans l'hypothèse où aucune des propositions soumises au conseil de discipline, y compris celle consistant à ne pas prononcer de sanction, n'obtient l'accord de la majorité des membres présents, le conseil est considéré comme ayant été consulté et ne s'étant prononcé en faveur d'aucune de ces propositions ; qu'il ressort du procès-verbal de la séance du conseil de discipline de première instance qui a eu lieu le 13 septembre 2004, que celui-ci s'est prononcé sur l'ensemble des sanctions prévues par les dispositions ci-dessus rappelées susceptibles d'être appliquées à M. A ; que celui-ci étant au premier grade de son corps et n'étant inscrit à aucun tableau d'avancement, il n'y avait pas lieu de mettre aux voix la sanction de rétrogradation, ni celle de radiation du tableau d'avancement ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la consultation du conseil de discipline de première instance serait irrégulière faute d'avoir porté sur la totalité des sanctions ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale : Le fonctionnaire de police (...) se départit de sa dignité en aucune circonstance. Placé au service du public, le fonctionnaire de police se comporte envers celui-ci d'une manière exemplaire. Il a le respect absolu des personnes quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale ou leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques ; qu'aux termes de l'article 6 du même décret : Tout manquement aux devoirs définis par le présent code expose son auteur à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ; qu'aux termes de l'article 29 du décret susvisé du 9 mai 1995 : Le fonctionnaire actif des services de la police nationale doit, en tout temps, qu'il soit ou non en service, s'abstenir en public de tout acte ou propos de nature à porter la déconsidération sur le corps auquel il appartient ou à troubler l'ordre public ;
Considérant qu'il est constant que M. A, alors gardien de la paix affecté au service de la police de l'air et des frontières de Dunkerque, a effectué le 1er février 2004 un contrôle d'identité sur une aire d'autoroute sans respecter aucune des règles de sécurité et des procédures applicables à ce type d'opération ; qu'au cours de celui-ci, il a tenu des propos insultants et à caractère discriminatoire à l'égard de l'automobiliste objet du contrôle et lui a porté des coups sans aucun motif ; que, pour ces faits, le Tribunal de grande instance de Dunkerque a, par jugement du 22 juillet 2004, condamné M. A à une peine d'emprisonnement d'un an avec sursis, assortie d'une interdiction d'exercer sa profession pendant 2 ans, en retenant la qualification de violences commises par une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions et à raison de l'orientation sexuelle présumée de la victime ; qu'il est également reproché à l'intéressé d'être parti, le 3 avril 2004, au volant d'un véhicule de police sérigraphié, sans autorisation et en-dehors de sa circonscription, en circulant sans respecter le code de la route et de manière dangereuse, fenêtre ouverte avec la radio diffusant de la musique à plein volume, tout en actionnant la sirène et la rampe lumineuse du véhicule, et d'avoir, à cette occasion, importuné successivement deux jeunes femmes en leur faisant des propositions déplacées, accompagnées pour l'une d'entre elles de propos grossiers et de gestes obscènes, puis, une fois rentré au commissariat, d'avoir abandonné son poste et pris, toujours sans autorisation, un véhicule administratif banalisé afin d'effectuer des achats personnels, notamment d'alcool, qui a ensuite été consommé dans les locaux administratifs ; qu'interrogé sur son emploi du temps au cours de cette journée, il a remis un rapport mensonger et incité des adjoints de sécurité à faire des déclarations également mensongères ; que la matérialité de ces faits est également établie ; que ces agissements, de nature à porter une atteinte grave à la dignité de ses fonctions et à la réputation du corps auquel il appartient constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire ;
Considérant que l'intéressé invoque le fait qu'il n'a auparavant fait l'objet d'aucune sanction, ainsi que l'établissent ses états de service ; que, toutefois, ceux-ci ne présentent aucun élément particulièrement notable de nature à être pris en considération pour la détermination de la sanction applicable ;
Considérant, enfin, que si le requérant soutient qu'il n'était pas dans son état psychologique normal en raison de sa séparation en cours d'avec son épouse, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que l'intéressé, qui était en position d'activité, puisse être regardé comme n'ayant pas été, au moment des faits, à même d'avoir pleinement conscience de ses actes ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la sanction de révocation prise par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales le 8 décembre 2004 n'est pas manifestement disproportionnée eu égard aux manquements dont s'est rendu coupable M. A, qui sont incompatibles avec la qualité d'agent de la police nationale ; que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de cet article : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Emmanuel A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
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N°09DA00030