Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 10 avril 2009, présentée pour M. Nasradine A, demeurant ..., par la SCP Avocats du Nouveau Siècle ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0606228 du 4 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier Docteur Schaffner de Lens à lui verser en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 8 juillet 1999, les sommes de 602 415,41 euros au titre de la perte d'activité libérale, de 140 087,34 euros au titre de la perte d'activité salariée, de 135 031 euros au titre de la perte de clientèle et de 150 000 euros au titre du préjudice moral, assorties des intérêts légaux à compter de la date de la demande préalable avec capitalisation des intérêts au terme de chaque année et à ce que soit mis à la charge dudit centre hospitalier la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, d'autre part, l'a condamné à verser au Centre hospitalier Docteur Schaffner de Lens la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de faire droit à ses demandes indemnitaires ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la décision du 8 juillet 1999 prise par le directeur du Centre hospitalier de Lens a été annulée pour illégalité par un jugement du Tribunal administratif de Lille du 30 juin 2005 devenu définitif ; qu'il a demandé le 1er juin 2006 au centre hospitalier de l'indemniser des préjudices qui résultèrent pour lui de l'illégalité de cette décision ; qu'ayant en vain saisi le Tribunal administratif de Lille du refus opposé par le centre hospitalier à sa demande d'indemnisation, il fait appel de ce jugement ; qu'il s'est retrouvé dans l'incapacité d'exercer son activité professionnelle au sein du centre hospitalier à compter de la décision du 8 juillet 1999 ; qu'il a subi une perte de revenus correspondant à l'impossibilité d'exercer tant son activité de praticien hospitalier que l'activité libérale complémentaire prévue à hauteur de 20 % de son activité totale par son contrat ; que le centre hospitalier ne peut nier que la baisse de ses revenus commerciaux de l'année 1999 est liée à l'intervention de la décision illégale ; que le centre hospitalier ne justifie pas que cette diminution serait liée à une enquête de la caisse primaire d'assurance maladie ayant entraîné une modification des modalités de l'activité en cause ; que s'il a pu continuer à exercer son activité au centre hospitalier, il l'a fait au service de cardiologie et non au service radiologie ; qu'il a subi une importante perte de rémunération entre juillet 2001 et septembre 2003 ; qu'il a également subi un préjudice résultant d'une perte de clientèle puisqu'il n'a pu reprendre une activité professionnelle correspondant à sa qualification qu'à compter de septembre 2003 dans le département des Landes, qu'à supposer qu'il soit resté dans la région de Lens, son inactivité liée à la décision illégale aurait également entraîné une dispersion de sa clientèle et une perte de la clientèle qu'il s'était constituée ; qu'enfin, il a subi un préjudice moral ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2009, présenté pour le Centre hospitalier Docteur Schaffner de Lens, représenté par son directeur en exercice, dont le siège est 99 rue de la Bassée à Lens (62307 cedex), par la SCP Dutat, Lefevre et Associés, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation du requérant à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; le centre hospitalier fait valoir que les fonctions de chef de service en imagerie médicale ne donnaient lieu à aucune rémunération spécifique ; que la circonstance qu'elles aient été confiées prématurément à un autre praticien en juillet 1999 n'a donc pu avoir aucune incidence sur les revenus salariaux du requérant ; qu'en tout état de cause, seule aurait pu être prise en compte la période écoulée entre le mois de juillet 1999 et le terme prévu par l'arrêté de nomination du requérant, soit le mois d'août 2000 ; que le requérant a fait lui-même le choix de demander son placement en indisponibilité à partir du mois de juillet 2001 ; que le requérant ne justifie en rien de l'impact de la cessation des fonctions de chef de service en imagerie médicale sur l'activité libérale que le praticien était autorisée à exercer ; que la baisse du volume d'activité libérale du requérant trouve son origine dans la modification des modalités de cette activité suite à une enquête de la caisse primaire d'assurance maladie, comme en atteste le rapport établi par le médecin-conseil de cette caisse ; qu'il en va de même de la perte alléguée de clientèle libérale ; que le requérant a, de plus, pris à nouveau lui-même l'initiative de solliciter le renouvellement de sa disponibilité en avril 2002 et de quitter le département du Pas-de-Calais ; que M. A ne pouvait ignorer les dispositions des articles 59 et 60 du décret n° 84-131 du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers en vertu desquelles un praticien placé en disponibilité cesse de bénéficier de ses émoluments et ne peut exercer une activité libérale ; que les premiers juges ne pouvaient que constater que le requérant ne justifiait pas des préjudices allégués ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 2 septembre 2010, présenté pour M. A, qui persiste dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 84-131 du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers du 9 septembre 1965 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sylvie Appèche Otani, président-assesseur, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Legrand, avocat, pour M. A et Me Dutat, pour le Centre hospitalier Docteur Schaffner de Lens ;
Considérant que M. Nasradine A, praticien hospitalier spécialisé en radiologie, a été nommé par un arrêté du ministre de la santé publique et de l'assurance maladie en date du 1er juillet 1995 pour exercer les fonctions de chef de service de l'imagerie médicale du Centre hospitalier Docteur Schaffner de Lens pour une période de cinq ans ; que par un jugement en date du 30 juin 2005 devenu définitif, le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 8 juillet 1999 par laquelle le directeur du Centre hospitalier Docteur Schaffner de Lens a désigné un autre praticien hospitalier pour occuper à titre provisoire le poste de chef de service en imagerie médicale à compter du 12 juillet 1999, au motif que lesdites fonctions n'étant pas vacantes, cette décision du directeur méconnaissait les dispositions de l'article R. 714-21-23 du code de la santé publique ; que M. A ayant demandé en vain à l'établissement de santé de l'indemniser des conséquences dommageables qui, selon lui, résultèrent de la décision susmentionnée du 8 juillet 1999, il a saisi du litige le Tribunal administratif de Lille afin qu'il condamne le Centre hospitalier Docteur Schaffner de Lens au versement des indemnités demandées ; qu'il relève appel du jugement du Tribunal rejetant cette demande ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
Considérant qu'il est constant que, comme l'ont estimé les premiers juges, l'illégalité de la décision du 8 juillet 1999 était constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'établissement à l'égard du requérant ; que, toutefois, le requérant ne peut prétendre à réparation que si les préjudices qu'il invoque sont établis et s'ils sont la conséquence directe de la décision illégale susmentionnée ;
En ce qui concerne les pertes de rémunérations :
S'agissant de la période de juin 2001 à septembre 2003 :
Considérant qu'il est constant que M. A a sollicité et obtenu d'être placé en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er juin 2001 ; que cette disponibilité a été prolongée sur sa demande jusqu'en septembre 2003 ; que le requérant ne saurait dès lors prétendre à l'indemnisation, sur cette période, des pertes de rémunérations qu'il a subies, dès lors que celles-ci sont, en application des dispositions des articles 59 et 60 du décret susvisé n° 84-131 du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers, la conséquence de la mise en disponibilité qu'il a lui-même demandée ;
S'agissant de la période de juillet 1999 au 30 mai 2001 :
Considérant, en premier lieu, que M. A n'est pas fondé à demander la réparation d'une perte de rémunérations au titre de son activité salariée dès lors qu'il est constant que les fonctions de chef de service ne donnent pas lieu à une rémunération spécifique ;
Considérant, en second lieu, que le requérant n'établit pas que la diminution de son activité libérale au sein de l'établissement hospitalier serait la conséquence directe de l'exécution de la décision illégale du 8 juillet 1999, laquelle ne l'a privé que de ses fonctions de chef de service en imagerie médicale et non de celles de praticien hospitalier, qu'il a continué à exercer au sein du centre hospitalier jusqu'en juin 2001 ; qu'il ne démontre pas qu'il aurait été, du fait de cette décision, empêché de poursuivre dans des conditions analogues son activité libérale au sein de l'établissement comme l'y autorisait le contrat le liant, s'agissant de cette activité, à l'établissement de santé ;
En ce qui concerne la perte de clientèle :
Considérant que, si le requérant soutient qu'il a perdu sa clientèle en raison de l'impossibilité d'exercer son activité libérale au Centre hospitalier Docteur Schaffner de Lens et de son déménagement dans les Landes en septembre 2003, la perte de clientèle alléguée, et au demeurant non établie, trouve son origine dans les choix de l'intéressé d'être placé en disponibilité puis de pratiquer son activité dans un centre d'imagerie médicale situé dans une autre région ;
En ce qui concerne le préjudice moral :
Considérant, enfin, que si le requérant allègue avoir subi des pressions destinées à lui faire cesser ses activités au sein de l'établissement hospitalier, notamment celles de chef de service en imagerie médicale, il ne l'établit pas ; que toutefois, et contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal, le fait pour M. A d'avoir été illégalement démis de ses fonctions de chef de service près d'un an avant le terme normal de ses fonctions est à l'origine d'un préjudice moral qui peut être estimé à 2 000 euros, tous intérêts compris, et dont il est en droit d'obtenir réparation ; que par suite, il y a lieu pour la Cour de condamner le Centre hospitalier Docteur Schaffner de Lens à payer à M. A de ce chef, une somme de 2 000 euros et de réformer dans cette mesure le jugement attaqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a refusé de faire droit à hauteur de 2 000 euros à sa demande d'indemnisation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de cet article : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, la cour administrative d'appel ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que M. A n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées à ce titre par le Centre hospitalier Docteur Schaffner de Lens doivent être rejetées ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du Centre hospitalier Docteur Schaffner de Lens une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le Centre hospitalier Docteur Schaffner de Lens est condamné à verser à M. A une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi.
Article 2 : Le Centre hospitalier Docteur Schaffner de Lens versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 4 : le jugement du Tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Nasradine A et au Centre hospitalier Docteur Schaffner de Lens.
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N°09DA00596