Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 21 décembre 2010, présentée pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE, dont le siège social est situé 4 boulevard du Général de Gaulle à Dieppe (76206), représentée par sa présidente en exercice, par Me Duhamel, avocat ; la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0703289 du 9 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés EMCC, Degaie et BCEOM à procéder à leurs frais, dans les six mois et sous astreinte de 15 000 euros par mois de retard, aux modifications de l'atténuateur de houle, des ballasts et au confortement des pieux recommandés par les experts, ces travaux devant de préférence être exécutés sous le contrôle d'un expert aux frais desdites sociétés, et, à défaut, à la condamnation solidaire des sociétés EMCC, Degaie et BCEOM à lui verser la somme de 766 122,15 euros au titre des frais de remise en état de l'ouvrage litigieux et la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
2°) de condamner solidairement les sociétés EMCC, Degaie et BCEOM à lui verser la somme de 766 122,15 euros correspondant au coût des travaux nécessaires à la remise en état de l'atténuateur de houle, augmentée des intérêts au taux légal depuis le 8 octobre 1996, date de réception de l'ouvrage, et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de condamner solidairement les sociétés EMCC, Degaie et BCEOM à lui verser la somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts pour troubles de jouissance ;
4°) de mettre à la charge solidaire des sociétés EMCC, Degaie et BCEOM la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée par télécopie le 13 mars 2012, présentée pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller,
- les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public,
- et les observations de Me V. Cnudde-Gendreau, avocat de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE, de Me Couderc, substituant Me Spaeth, avocat de la société Entreprise Morillon, Corbol, Courbot (EMCC), de Me A. Miasnik, avocat de la société Egis International et de Me E. Forgeois, avocat de Me J.-P. A, liquidateur judiciaire de la société Degaie ;
Considérant que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE a confié à la société BCEOM la maîtrise d'oeuvre de l'aménagement du port de plaisance de Dieppe ; que, par un marché de travaux en date du 16 avril 1996, les sociétés Degaie et EMCC se sont vu attribuer la conception, la fabrication et la mise en oeuvre d'un ouvrage de protection contre la houle destiné à réduire d'environ 50 % les conditions d'agitation dans l'ancien avant-port de Dieppe ; que des désordres étant apparus sur l'ouvrage à la suite d'une tempête survenue les 12 et 13 novembre 1996, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE a recherché devant le tribunal administratif de Rouen la responsabilité des constructeurs afin qu'ils procèdent à leurs frais aux modifications recommandées par les experts ou, à défaut, qu'ils soient condamnés solidairement au versement de la somme de 766 122,15 euros destinée à la remise en état de l'ouvrage ; qu'au cours de cette instance, la société Degaie a demandé, à titre subsidiaire, la condamnation de la société Bureau Véritas à la garantir des condamnations pouvant être prononcées à son encontre ; que, par un jugement en date du 9 novembre 2010, dont la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE relève appel, le tribunal administratif de Rouen a rejeté, pour irrecevabilité, sa demande ; que la société Egis International est venue aux droits de la société BCEOM ; que la société Degaie, mise en liquidation judiciaire, est représentée par Me A en sa qualité de liquidateur judiciaire ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE avait, par une première demande, saisi le tribunal administratif de Rouen afin de demander la condamnation des constructeurs à lui verser des indemnités en réparation des désordres constatés ; que, par son jugement du 7 janvier 2008, le tribunal administratif, après avoir constaté que la demande de condamnation avait été initialement présentée par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE sur le seul terrain de la responsabilité contractuelle des constructeurs, a rejeté comme irrecevable la nouvelle demande formée au titre de la garantie décennale des constructeurs comme étant fondée sur une cause juridique distincte et présentée au-delà du délai de recours contentieux ; que cette solution a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 15 juin 2010 ; qu'ainsi, ni le tribunal administratif, ni la cour administrative d'appel, n'ayant eu à examiner le bien-fondé de la demande de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE au titre de la garantie décennale, l'exception de chose jugée ne pouvait être légalement opposée à sa nouvelle requête déposée devant le tribunal administratif de Rouen le 26 décembre 2007, sur le fondement de la garantie décennale ; que, par suite, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a, par le jugement attaqué en date du 9 novembre 2010, rejeté sa demande du 26 décembre 2007 pour irrecevabilité et à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE devant le tribunal administratif de Rouen ;
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE :
Considérant qu'aux termes du 1 du protocole en date du 26 décembre 2006 signé entre l'Etat, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE et le Syndicat mixte du port de Dieppe : " En application de l'article 44 du cahier des charges de la concession d'outillage public du Port de Commerce et de Pêche et l'article 54 de la concession du port de Plaisance, à compter du 1er janvier 2007, le Syndicat Mixte du Port de Dieppe se substitue à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE dans l'exécution de tous les droits et obligations vis-à-vis des tiers, y compris ceux de ses filiales majoritaires résultant de l'exécution des contrats de concession et qui se continuent après le 31 décembre 1996, sous réserve des dérogations figurant dans le présent protocole et de ses avenants éventuels " ;
Considérant que si ces stipulations substituent, compte tenu de leurs termes, le Syndicat mixte du port de Dieppe dans les droits et obligations que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE détenait vis-à-vis des tiers en tant que concessionnaire du port de Dieppe, ces dispositions n'ont pas pour objet ou pour effet de priver la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE, qui aurait subi, avant le transfert de compétence, un préjudice propre du fait de la carence des constructeurs, de la possibilité de demander à ces derniers réparation de ce préjudice notamment sur le terrain de la garantie décennale ; que, toutefois, si la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE demande la condamnation des constructeurs à lui verser une indemnité correspondant, d'une part, aux travaux de réparation des désordres constatés et, d'autre part, aux troubles de jouissance résultant de la nécessité d'avoir à réaliser des travaux d'entretien de l'ouvrage anormalement induits par ces désordres, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'elle a effectivement supporté la charge de travaux de réparation ou d'entretien liée à ces désordres ; que, par suite, elle ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité à rechercher, sur le fondement de la garantie décennale, la responsabilité des constructeurs ; que, dès lors, sa demande doit être rejetée ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés EMCC et Egis International et de Me A, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Degaie, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE le versement aux sociétés EMCC et Egis International et à Me A, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Degaie, d'une somme chacun de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par eux ; qu'il n'y a pas lieu, enfin, de faire droit aux conclusions de la société Bureau Véritas - à qui la procédure d'appel a été communiquée mais contre laquelle aucune condamnation n'a été prononcée en première instance et conclusion formée en cause d'appel - qu'elle a présentées contre " tout succombant " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE:
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 9 novembre 2010 est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE est rejetée.
Article 3 : La CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE versera à la société EMCC la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE versera à la société Egis International la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE versera à Me A, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Degaie, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions présentées par la société Bureau Véritas au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIEPPE, à la société Bureau Véritas, à la société EMCC, à la société Egis International venant aux droits de la société BCEOM et à Maître Jean-Philippe A, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Degaie.
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N°10DA01614 2