Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Cyrille A, demeurant ..., par Me St. Mesones, avocat ;
M. A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902395 du 24 mai 2011 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 2009 du conseil fédéral d'appel de la Fédération française de cyclisme annulant les résultats qu'il a obtenus, le 28 décembre 2008, lors de l'épreuve de cyclo-cross d'Eymouthiers et prononçant à son encontre une mesure d'interdiction de participer aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par ladite fédération pour une durée de 4 ans ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de mettre à la charge de la Fédération française de cyclisme une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention européenne contre le dopage dans le sport ;
Vu le code du sport ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Odile Le Roux, président-assesseur,
- et les conclusions de M. David Moreau, rapporteur public ;
Considérant que M. A relève appel du jugement du 24 mai 2011 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 2009 du conseil fédéral d'appel de la Fédération française de cyclisme annulant les résultats qu'il a obtenus, le 28 décembre 2008, lors de l'épreuve de cyclo-cross d'Eymouthiers (Charente) et prononçant à son encontre une mesure d'interdiction de participer aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par ladite fédération pour une durée de quatre ans ;
Sur les modalités du contrôle antidopage réalisé :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 232-5 du code du sport dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " I.-L'Agence française de lutte contre le dopage, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, définit et met en oeuvre les actions de lutte contre le dopage. A cette fin, elle coopère avec l'Agence mondiale antidopage et avec les fédérations sportives internationales. / A cet effet : / 1° Elle définit un programme national annuel de contrôles ; / 2° Elle diligente les contrôles dans les conditions prévues aux articles L. 232-12 à L. 232-15 : / a) Pendant les compétitions et manifestations sportives visées à l'article L. 232-9, à l'exception des compétitions internationales visées à l'article L. 131-15 " ; qu'aux termes de l'article R. 232-58 du même code : " (...) La personne chargée du contrôle dresse sans délai procès-verbal des conditions dans lesquelles elle a procédé aux prélèvements et opérations de dépistage (...) " ;
Considérant, d'une part, que la circonstance que le contrôle antidopage effectué le 28 décembre 2008 l'ait été " en compétition " ne faisait pas obstacle à ce qu'il soit réalisé de manière inopinée ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des mentions du procès-verbal du 28 décembre 2008 que le contrôle antidopage a été ordonné par l'Agence française de lutte contre le dopage selon le numéro d'ordre de mission " AFLD n° 59 " ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ce document ne préciserait pas l'autorité ayant prescrit le contrôle antidopage manque en fait ;
Sur la fiabilité des échantillons :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 232-49 du code du sport dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Chaque contrôle comprend : / (...) / 3° Un ou plusieurs des prélèvements et opérations de dépistage énumérés à l'article R. 232-51 du présent code (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 232-50 du même code : " En application de l'article L. 232-12, il peut être procédé à des prélèvements d'urine (...) " ; qu'aux termes de son article R. 232-51 : " Les prélèvements et opérations de dépistage énumérés à l'article R. 232-50 se font sous la surveillance directe de la personne chargée du contrôle. Ils sont effectués dans les conditions suivantes : / 1° Le récipient destiné à recevoir chaque échantillon est adapté à la nature de celui-ci et à celle des analyses. Il est conçu pour éviter tout risque de contamination et de pollution ; / (...) / 5° (...) chaque flacon contient une quantité suffisante pour permettre la réalisation d'une première analyse et, si nécessaire, d'une seconde ; / 6° Les prélèvements sont répartis et conditionnés dans des dispositifs de transport à usage unique précodés et sécurisés, qui permettent d'identifier des échantillons A et B (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 232-63 : " L'acheminement des échantillons au département des analyses de l'Agence française de lutte contre le dopage ou au laboratoire auquel il a été fait appel en application de l'article L. 232-18 et leur conservation par celui-ci s'effectuent dans des conditions de température adaptées, spécifiées par le directeur du département des analyses de l'Agence. Ils doivent assurer l'intégrité des échantillons, la sécurité des personnels et la confidentialité des procédures " ;
Considérant que M. A soutient que les analyses des échantillons d'urine prélevée lors d'un contrôle antidopage effectué le 28 décembre 2008 à l'occasion de l'épreuve de cyclo-cross à laquelle il a participé ce même jour à Eymouthiers ne présentent pas de garanties de fiabilité dès lors que ne sont pas connues les conditions de stockage et de conservation de ces échantillons d'urine durant le délai de neuf jours séparant la date du contrôle antidopage et celle de la réception de l'échantillon de ce contrôle, le 6 janvier 2009, par le département des analyses de l'Agence française de lutte contre le dopage ; que le requérant fait valoir qu'une prolifération microbienne des urines a pu exister et engendrer la présence de germes induisant un faux positif à l'EPO ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort du " formulaire de chaîne de possession des échantillons " établi le 6 janvier 2009 et du rapport d'analyse n° 2008.12.209-EPO-1 et de ses annexes que l'échantillon d'urine de M. A a été prélevé le 28 décembre 2008 à 18 h 11, conservé au poste de contrôle du dopage à + 4°C à partir de 18 h 30 et stocké à 19 h 15, le même jour, à - 20° C ; que, selon le bon d'enlèvement, l'échantillon a été remis le 29 décembre 2008, à 16 h 35, au transporteur spécialisé - la société TSE - qui l'a stocké durant le transport à - 30°C ; que, par ailleurs, un test de stabilité a été pratiqué sur ces échantillons durant l'analyse en vue d'écarter les éventuelles interférences qui pourraient être provoquées par certains facteurs tels que ceux induits par une prolifération microbienne due à une mauvaise conservation des échantillons ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de fiabilité des résultats des analyses pratiquées doit être écarté ;
Sur les modalités des analyses en laboratoire :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 232-18 du code du sport dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Les analyses des prélèvements effectués par l'Agence française de lutte contre le dopage sont réalisées sous la responsabilité scientifique et technique du directeur du département des analyses. Pour ces analyses, l'agence peut faire appel à d'autres laboratoires dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article R. 232-64 du même code : " Le département des analyses de l'Agence française de lutte contre le dopage ou le laboratoire auquel il a été fait appel en application de l'article L. 232-18 procède à l'analyse de l'échantillon A, transmis en application de l'article R. 232-62. Il conserve l'échantillon B en vue d'une éventuelle analyse de contrôle. Celle-ci est de droit à la demande de l'intéressé. Elle est effectuée à ses frais et en présence éventuellement d'un expert convoqué par ses soins et choisi par lui, le cas échéant, sur une liste arrêtée par l'agence et transmise à l'intéressé " ; qu'aux termes de l'article R. 232-43 du même code : " (...) Ces analyses sont effectuées conformément aux normes internationales (...) " ; qu'au nombre des normes internationales rendues applicables en droit interne par cet article figure le " Standard international pour les laboratoires " adopté en janvier 2009 par l'Agence mondiale antidopage, dont l'article 5.2.4.3.2.2 prévoit que " La confirmation sur l'Echantillon " B " devra être réalisée dans le même laboratoire que celle effectuée sur l'Echantillon " A " " ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de la combinaison des dispositions du code du sport, contrairement à ce que M. A prétend, que la contre-expertise réalisée à partir de la seconde analyse du prélèvement en litige devait nécessairement, alors même que cela était demandé par le sportif contrôlé, être effectuée dans un laboratoire agréé autre que celui de l'Agence française de lutte contre le dopage ; qu'en revanche, il est prévu que cette possibilité est laissée à l'appréciation de l'Agence française de lutte contre le dopage ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. A soutient que les dispositions de l'article 5.2.4.3.2.2 du standard international pour les laboratoires ne sauraient être interprétées comme obligeant l'Agence française de lutte contre le dopage à faire réaliser l'analyse de l'échantillon B dans le même laboratoire que celle de l'échantillon A ; que, toutefois, et en tout état de cause, aucune autre disposition ou stipulation européenne ou internationale, et notamment pas les dispositions du règlement disciplinaire type imposé par l'article R. 232-86 du code du sport, les stipulations de l'article 1er de la convention européenne contre le dopage ou celles du code mondial antidopage, n'impose que ces analyses doivent obligatoirement être pratiquées dans des laboratoires différents ;
Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que les stipulations des conventions internationales ne pourraient faire obstacle à l'application des dispositions du droit national imposant le recours à un autre laboratoire, ne peut qu'être écarté dès lors notamment que M. A n'établit pas l'existence des dispositions nationales dont il se prévaut ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'à supposer que M. A ait conservé un droit qu'il qualifie de propriété sur ses urines prélevées, l'exercice de ce droit, nécessairement encadré par les dispositions pertinentes relatives à leur contrôle auquel il avait accepté de se soumettre, ne lui permettait pas de choisir le laboratoire chargé de réaliser l'analyse de l'échantillon B ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 7 de la convention européenne contre le dopage : " 1 Les Parties s'engagent à encourager leurs organisations sportives et, à travers celles-ci, les organisations sportives internationales, à élaborer et appliquer toutes les mesures appropriées relevant de leur compétence pour lutter contre le dopage dans le sport. 2 A cette fin, elles encouragent leurs organisations sportives à clarifier et à harmoniser leurs droits, obligations et devoirs respectifs, en particulier en harmonisant leurs : (...) d procédures disciplinaires, en appliquant les principes internationalement reconnus de la justice naturelle et en garantissant le respect des droits fondamentaux des sportifs sur lesquels pèse un soupçon ; ces principes sont notamment les suivants : (...) ii ces personnes ont droit à un procès équitable et le droit d'être assistées ou représentées " ;
Considérant que M. A n'est pas fondé à soutenir que les stipulations précitées de l'article 7 de la convention européenne contre le dopage auraient été méconnues dès lors qu'il a été informé de la possibilité, qu'il a d'ailleurs saisie, d'être présent lors de l'analyse de l'échantillon B et de celle de se faire assister d'un expert, qu'il a refusée ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire, d'une part, ne s'oppose à ce que les mêmes analystes procèdent à l'analyse de l'échantillon A puis à l'analyse de contrôle de l'échantillon B et, d'autre part, n'impose qu'un procès-verbal attestant la validation de l'ouverture du scellé et de la conformité de l'échantillon A lors de son analyse soit établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'analyse des échantillons A et B ne peut qu'être écarté ;
Sur la méconnaissance d'un double degré de juridiction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 232-21 du code du sport dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Les sportifs licenciés ou les membres licenciés de groupements sportifs affiliés à des fédérations sportives qui, soit à l'occasion des entraînements, compétitions ou manifestations mentionnés au 2° du I de l'article L. 232-5, soit à l'occasion du contrôle individualisé mentionné au 1° du I du même article, ont contrevenu aux dispositions des articles L. 232-9, L. 232-10 et L. 232-17, encourent des sanctions disciplinaires. / Ces sanctions sont prononcées par les fédérations sportives mentionnées à l'article L. 131-8. / A cet effet, les fédérations adoptent dans leur règlement des dispositions définies par décret en Conseil d'Etat et relatives aux contrôles organisés en application du présent titre, ainsi qu'aux procédures disciplinaires et aux sanctions applicables, dans le respect des droits de la défense. / Ce règlement dispose que l'organe disciplinaire de première instance de ces fédérations se prononce, après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations, dans un délai de dix semaines à compter de la date à laquelle l'infraction a été constatée. Il prévoit également que, faute d'avoir statué dans ce délai, l'organe disciplinaire de première instance est dessaisi de l'ensemble du dossier. Le dossier est alors transmis à l'instance disciplinaire d'appel qui rend, dans tous les cas, sa décision dans un délai maximum de quatre mois à compter de la même date (...) " ;
Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne dont les droits et libertés reconnus dans cette convention, et notamment ceux reconnus par son article 6, 1, ont été violés, a droit à un recours effectif devant une instance nationale ; que si la loi prévoit que les sanctions prononcées par l'organe disciplinaire de première instance d'une fédération sportive peuvent faire l'objet d'un appel, elle prévoit aussi un délai de dix semaines au terme duquel l'organe disciplinaire de première instance est dessaisi au profit de l'instance disciplinaire d'appel pour éviter que les délais de jugement ne soient excessivement allongés ; qu'en outre, les décisions de l'instance disciplinaire d'appel peuvent être déférées au juge du plein contentieux ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que, n'ayant pas été jugé par l'organe disciplinaire de premier ressort, faute pour celui-ci d'avoir statué dans le délai de dix semaines à compter de la date à laquelle l'infraction a été constatée, il a été privé du double degré de juridiction disciplinaire ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la Fédération française de cyclisme, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. A ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier le versement à la Fédération française de cyclisme de la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : M. A versera à la Fédération française de cyclisme une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Cyrille A et à la Fédération française de cyclisme.
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N°11DA01163