Vu la requête, enregistrée par télécopie le 16 mars 2012, confirmée par la production de l'original le 20 mars 2012 au greffe de la cour, présentée pour la société Peinture Normandie, dont le siège est 7-9-11 rue Georges Braque à Rouen (76000), par Me B...A...; la société Peinture Normandie demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 0903346 du 19 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen, après avoir notamment condamné le centre hospitalier du Rouvray à lui payer la somme de 49 474,67 euros (TTC) sous déduction de la provision déjà perçue, assortie des intérêts et de leur capitalisation, a rejeté le surplus de sa demande d'indemnisation pour le décalage d'intervention et l'allongement du délai d'intervention, écarté la demande de paiement des intérêts moratoires sur les retards de paiement des situations de travaux et décomptes, et limité à 1 000 euros ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner le centre hospitalier du Rouvray à lui régler au titre de l'indemnisation pour le décalage de chantier de 10 mois et le doublement du délai d'intervention, la somme de 39 828,17 euros au titre du lot " sols scellés " et la somme de 67 648,93 euros au titre du lot " peinture " ainsi qu'au titre de la réparation de son préjudice commercial, la somme de 100 000 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Rouvray une somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;
1. Considérant que le centre hospitalier du Rouvray, par un acte d'engagement du 9 juillet 2003, a confié à la société Peinture Normandie les lots n° 9 et n° 11 du marché de travaux de réhabilitation du pavillon Saint-Jean ; que la société Peinture Normandie a saisi le tribunal administratif de Rouen, le 16 décembre 2009, d'une demande d'indemnisation de 101 931,17 euros au titre du règlement du marché de réhabilitation du pavillon Saint-Jean ; que, par jugement du 19 janvier 2012, le tribunal administratif de Rouen a notamment condamné le centre hospitalier du Rouvray à lui payer la somme de 49 474,67 euros (TTC) sous déduction de la provision déjà perçue, assortie des intérêts et de leur capitalisation ; que la société Peinture Normandie relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande d'indemnisation ;
Sur le principe de l'indemnisation des allongements de délais d'intervention et décalage de chantier de 10 mois et du doublement du délai d'intervention :
2. Considérant que, si des difficultés sont rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait, celles-ci ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise que dans la mesure où elle justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à un fait de l'administration ; que, le cas échéant, ce fait peut résulter de fautes commises par les autres intervenants à l'opération de construction dans le cadre de laquelle a été passé le marché ;
3. Considérant que la durée d'intervention prévue au contrat était de vingt mois et quinze jours, hors préparation du chantier et y compris les intempéries et le repliement ; que l'ordre de service de démarrage des travaux est daté du 3 novembre 2003, la réception étant normalement prévue le 30 juin 2005 ; qu'un ordre de service daté du 30 août 2004, et motivé par la faillite de l'entreprise chargée du lot " électricité ", a ordonné l'arrêt du chantier jusqu'au 2 novembre 2004 et fixé un nouveau planning avec une date d'achèvement en septembre 2005 ; qu'en raison de nouveaux retards, la date d'achèvement des travaux a été reportée au 31 octobre 2005, le démarrage de leur exécution étant fixé au 20 juin 2005 pour le lot n° 9 et au 4 juillet 2005 pour le lot n° 11 ; que, par un avenant n° 3, la réception a été prévue le 31 mars 2006 ; que la réception des lots 9 et 11 a été prononcée le 30 novembre 2006, avec effet au 15 septembre 2006 ; que, comme l'a jugé à juste titre le tribunal, ces décalages et retards, dus, outre la faillite de l'entreprise chargée du lot " électricité ", à un mauvais état des supports sur lesquels devait intervenir la société Peinture Normandie et à une désorganisation du chantier, ne sont pas imputables à ladite société ; que celle-ci est, par suite, fondée à demander à être indemnisée au titre des préjudices qu'elle a effectivement subis du fait de ces décalages et retards ;
Sur les préjudices allégués par la société Peinture Normandie :
S'agissant de l'indemnisation pour perte résultant de l'inflation :
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du décompte général des lots 9 et 11, qu'une révision des prix est intervenue en application de la formule prévue au marché qui fait intervenir un coefficient de pondération limitant la prise en compte de la variation de prix, suivant la formule " In/Io x 0,85 + 0,15 " ; que, par suite, et nonobstant le non-respect du calendrier prévu au marché, la société Peinture Normandie n'est pas fondée à demander un supplément d'actualisation résultant d'une révision du prix du marché, en fonction de l'évolution du seul indice des prix, excluant l'application de la formule de révision susmentionnée ; que, par ailleurs, le marché a été conclu à prix global et forfaitaire ; que, par suite, la société Peinture Normandie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier du Rouvray à lui payer les sommes de 1 348,60 euros (TTC) pour le lot " sols scellés " et 2 788,89 euros (TTC) pour le lot " peinture " ;
S'agissant de l'indemnisation pour présence aux réunions de chantier :
5. Considérant que la société Peinture Normandie soutient que, du fait du décalage du chantier de 10 mois et du doublement du délai d'intervention, elle a dû, selon estimation du rapport du cabinet d'expertise comptable KPMG qu'elle a missionné, participer à 16 rendez-vous de chantier pour le lot " sols scellés ", 40 rendez-vous de chantier pour le lot " peinture ", après la date prévue pour la fin des travaux ; que la société demande le paiement, en sus du prix du marché, des surcoûts liés à la présence de son encadrement ; que, toutefois, eu égard au caractère forfaitaire du prix du marché, en l'absence d'un bouleversement de l'économie de ce dernier établi par la société requérante, et alors que les indemnités dont le paiement est demandé correspondent à des sujétions liées à l'exécution des travaux qui sont normalement prévisibles par une entreprise de second oeuvre au moment de la conclusion du contrat et sont réputés être rémunérés par le prix forfaitaire, la société requérante n'établit pas que le nombre des rendez-vous de chantier était plus important que celui prévu ; qu'ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses demandes de paiement des surcoûts allégués de 5 126,72 euros (TTC) pour le lot " sols scellés " et 12 816,81 euros (TTC) pour le lot " peinture " ;
S'agissant des coûts supplémentaires dus à l'utilisation de sous-traitants ou d'intérimaires hors planning contractuel, soit 25 % du montant des factures réglées :
6. Considérant que la société Peinture Normandie, sur le fondement du rapport KPMG, fait valoir que son préjudice est constitué par le pourcentage de frais généraux et bénéfices qu'elle a été contrainte de verser à ses sous-traitants qu'elle évalue à 25 %, soit 20 % de frais généraux et 5 % de bénéfices ; que cependant elle n'établit, pas plus en appel qu'en première instance, que le recours à des sous-traitants aurait eu pour cause les décalages et retards dans la poursuite du chantier ; qu'elle n'établit d'ailleurs pas plus que ce recours aurait induit une perte sur la marge bénéficiaire escomptée ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'indemnisation de 8 503,50 euros (HT) pour le lot " sols scellés " et 10 738 euros (HT) pour le lot " peinture " ;
S'agissant de la perte en industrie résultant de l'absence de couverture des frais généraux durant le retard :
7. Considérant que c'est à bon droit que le tribunal a écarté la demande de la société Peinture Normandie, tirée d'un préjudice de 19 155,18 euros (HT) pour le lot " sols scellés " et 29 719,55 euros (HT) pour le lot " peinture " résultant, faute de réaliser le chiffre d'affaires correspondant, de couverture de ses frais généraux fixes, en relevant que la société n'établissait pas la réalité du préjudice qu'elle allègue, dès lors que la société se borne, en appel comme en première instance, à exposer une baisse de son chiffre d'affaires prévisible, alors qu'une baisse du chiffre d'affaires ne peut être, à elle seule, assimilée à une perte ;
S'agissant des frais de tenue de planning, de gestion de comptes-rendus de chantier et frais supplémentaires d'établissement des situations :
8. Considérant qu'il pourra être fait une juste appréciation des préjudices subis correspondant aux frais supplémentaires d'établissement de situations, aux frais de tenue de planning et au suivi des comptes-rendus en les évaluant, globalement, à la somme de 800 euros ; que, dans cette mesure, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu ces chefs de préjudice et est fondée à demander la condamnation du centre hospitalier du Rouvray à lui verser la somme de 800 euros ;
S'agissant des intérêts moratoires provisoirement arrêtés au 28 septembre 2007 :
9. Considérant que, si la société Peinture Normandie fait valoir que la somme due au titre des intérêts moratoires pour les retards de paiement des situations de travaux, des décomptes et des indemnités est de 2 098,87 euros pour le lot " carrelage ", 3 882,34 euros pour le lot " peinture " ainsi que 421,24 euros pour retard de la notification de l'avenant n° 1, elle ne produit aucun élément permettant d'apprécier la réalité de ces montants ; que, dans ces conditions, la société Peinture Normandie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ces conclusions ;
S'agissant du préjudice commercial allégué :
10. Considérant que la société Peinture Normandie soutient que le centre hospitalier du Rouvray l'a écartée de divers appels d'offres et qu'elle a, à ce titre, subi un préjudice commercial dont elle demande réparation à hauteur de la somme de 100 000 euros ; que ces conclusions sont toutefois relatives à un litige différent du règlement de marché en cause ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, pour ce motif, rejeté comme irrecevables ces conclusions ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Peinture Normandie est fondée à obtenir la condamnation du centre hospitalier du Rouvray à lui verser la somme de 50 274,67 euros au lieu de celle de 49 474,67 euros fixée par le jugement attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
13. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le centre hospitalier du Rouvray doivent, dès lors, être rejetées ;
14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Peinture Normandie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'indemnité que le centre hospitalier du Rouvray a été condamné à verser à la société Peinture Normandie est portée de la somme de 49 474,67 euros (TTC) à la somme de 50 274,67 euros (TTC).
Article 2 : Le jugement n° 0903346 du 19 janvier 2012 du tribunal administratif de Rouen est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Peinture Normandie est rejeté.
Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier du Rouvray présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Peinture Normandie et au centre hospitalier du Rouvray.
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N°12DA00441