Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mars 2012 et 20 septembre 2012, présentés pour Mlle C...B..., demeurant..., par Me A... Foutry ;
Mlle B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1002014 du 21 février 2012 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du 6 juillet 2010 et du 21 janvier 2011 du président du conseil général du département de l'Aisne suspendant partiellement puis totalement le paiement de l'allocation de revenu de solidarité active dont elle bénéficiait, de la décision du 28 janvier 2011 lui réclamant la restitution d'un trop-perçu de 474,34 euros et de la décision mettant fin à son droit au bénéfice du revenu de solidarité active et, d'autre part, au versement de diverses sommes ;
2°) d'annuler ces décisions, de condamner le département de l'Aisne à lui rembourser la somme 341 euros correspondant à deux factures d'électricité et à lui verser une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juin 2013, présentée par Me Foutry, avocat de MlleB... ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller,
- les conclusions de M. David Moreau, rapporteur public,
- et les observations de Me Adrienne Bayada, avocat du département de l'Aisne ;
Sur la légalité des décisions suspendant en tout ou partie de l'allocation de revenu de solidarité active et mettant fin au droit à ce dernier :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 262-28 du code de l'action sociale et des familles : " Le bénéficiaire du revenu de solidarité active est tenu, lorsque, d'une part, les ressources du foyer sont inférieures au niveau du montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 et, d'autre part, qu'il est sans emploi ou ne tire de l'exercice d'une activité professionnelle que des revenus inférieurs à une limite fixée par décret, de rechercher un emploi, d'entreprendre les démarches nécessaires à la création de sa propre activité ou d'entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ou professionnelle (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 262-37 de ce code : " Sauf décision prise au regard de la situation particulière du bénéficiaire, le versement du revenu de solidarité active est suspendu, en tout ou partie, par le président du conseil général : / (...) / 2° Lorsque, sans motif légitime, les dispositions du projet personnalisé d'accès à l'emploi ou les stipulations de l'un des contrats mentionnés aux articles L. 262-35 et L. 262-36 ne sont pas respectées par le bénéficiaire ; / 3° Lorsque le bénéficiaire du revenu de solidarité active, accompagné par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail, a été radié de la liste mentionnée à l'article L. 5411-1 du même code ; / 4° Ou lorsque le bénéficiaire refuse de se soumettre aux contrôles prévus par le présent chapitre. / (...) / Lorsqu'il y a eu suspension de l'allocation au titre du présent article, son versement est repris par l'organisme payeur sur décision du président du conseil général à compter de la date de conclusion de l'un des contrats mentionnés aux articles L. 262-35 et L. 262-36 ou du projet personnalisé d'accès à l'emploi " ; qu'aux termes de l'article R. 262-68 du même code : " La suspension du revenu de solidarité active mentionnée à l'article L. 262-37 peut être prononcée, en tout ou partie, dans les conditions suivantes : / 1° Lorsque le bénéficiaire n'a jamais fait l'objet d'une décision de suspension, en tout ou partie, le président du conseil général peut décider de réduire l'allocation d'un montant maximal de 100 euros, pour une durée qui peut aller jusqu'à un mois ; / 2° Lorsque le bénéficiaire a déjà fait l'objet d'une telle décision, le président du conseil général peut réduire l'allocation pour un montant qu'il détermine et une durée d'au plus quatre mois. / (...) " ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 262-38 du code de l'action sociale et des familles : " Le président du conseil général procède à la radiation de la liste des bénéficiaires du revenu de solidarité active au terme d'une durée de suspension de son versement définie par voie réglementaire. / Après une radiation de la liste des bénéficiaires du revenu de solidarité active à la suite d'une décision de suspension prise au titre de l'article L. 262-37, le bénéfice du revenu de solidarité active dans l'année qui suit la décision de suspension est subordonné à la signature préalable du projet personnalisé d'accès à l'emploi mentionné à l'article L. 5411-6-1 du code du travail ou de l'un des contrats prévus par les articles L. 262-35 et L. 262-36 du présent code " ; qu'aux termes de l'article R. 262-40 du même code dans sa rédaction alors applicables : " Le président du conseil général met fin au droit au revenu de solidarité active et procède à la radiation de la liste des bénéficiaires du revenu de solidarité active, selon les cas : / 1° Dans les délais fixés à l'article R. 262-35 lorsque les conditions d'ouverture du droit cessent d'être réunies et à la suite d'une suspension de versement décidée en application de l'article L. 262-37 ; / 2° Le premier jour du mois qui suit une période de quatre mois civils consécutifs d'interruption de versement de l'allocation (...) " ;
3. Considérant que lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d'une personne à l'allocation de revenu de solidarité active, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention dans la reconnaissance du droit à cette prestation d'aide sociale qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d'examiner les droits de l'intéressé sur lesquels l'administration s'est prononcée, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction ; qu'au vu de ces éléments, il appartient au juge administratif d'annuler ou de réformer, s'il y a lieu, cette décision en fixant alors lui-même les droits de l'intéressé, pour la période en litige, à la date à laquelle il statue ou, s'il ne peut y procéder, de renvoyer l'intéressé devant l'administration afin qu'elle procède à cette fixation sur la base des motifs de son jugement ;
En ce qui concerne la suspension partielle prononcée au titre du mois d'avril 2010 :
4. Considérant que, pour prononcer par sa décision du 6 juillet 2010 la suspension partielle, dans la limite de 100 euros pour le mois d'avril 2010, de l'allocation servie à Mlle B... au titre du revenu de solidarité active, le président du conseil général du département de l'Aisne s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressée ne s'était pas présentée, sans se faire valablement excusée, aux réunions d'informations collectives mises en place par Pôle emploi auxquelles elle avait été convoquée en vue de son inscription à celui-ci ; que s'il ne résulte pas de l'instruction que Mlle B... aurait reçu la première convocation qui lui aurait été adressée, l'intéressée, en réponse à la suivante, du 9 décembre 2009, s'est bornée à indiquer qu'elle refusait de se rendre à la réunion prévue pour le 5 janvier 2010 pour la seule raison que son inscription à Pôle emploi ne serait effective qu'au mois d'avril 2010 ; que, ce faisant, elle n'a pas justifié d'un motif légitime d'empêchement ainsi que l'exige l'article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles ; qu'elle ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance, à la supposer même établie, que les services du département de l'Aisne et de Pôle emploi auraient échangé illégalement des informations confidentielles la concernant ; que, par suite, le président du conseil général du département de l'Aisne a pu sans illégalité suspendre partiellement le versement à Mlle B...de l'allocation de revenu de solidarité active au titre du mois d'avril 2010 ;
En ce qui concerne la suspension du versement de tout ou partie de l'allocation du revenu de solidarité active à compter du mois de janvier 2011 et la fin du droit de Mlle B...au bénéfice de cette allocation :
5. Considérant que, par sa décision du 21 janvier 2011, le président du conseil général du département de l'Aisne a, d'une part, prononcé la suspension partielle, dans la limite de 100 euros, du versement à l'intéressée durant un mois de l'allocation de revenu de solidarité active et, d'autre part, prononcé la suspension totale de ce versement pour les mois suivants ; que, par une décision implicite, dont Mlle B...doit être regardée comme demandant l'annulation, prise au plus tard le 3 octobre 2011 à la suite du recours administratif préalable obligatoire prévu par les dispositions de l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles formé contre la décision du 28 juin 2011 de la caisse d'allocations familiales de Saint-Quentin, le président du conseil général a mis fin au droit de Mlle B...au revenu de solidarité active au motif qu'elle ne percevait plus l'allocation depuis plus de quatre mois ;
6. Considérant qu'il est constant que Mlle B...a été radiée de la liste des demandeurs d'emploi, tenue par Pôle emploi, à compter du mois de janvier 2011 ; qu'il n'est pas contesté que cette radiation est intervenue en raison de ses absences non justifiées à deux rendez-vous mensuels, ainsi que le permet l'article L. 5412-1 du code du travail ; qu'elle faisait obstacle au versement à l'intéressée du revenu de solidarité active à partir de cette date ; que si Mlle B...soutient qu'elle était dispensée de se présenter auprès des services de Pôle emploi par un accord du " directeur ", elle n'apporte, en tout état de cause, aucun élément de nature à établir l'existence de cette dispense et à en apprécier la portée ; que si elle se prévaut de la méconnaissance ou de l'absence de prise en compte de recours, elle n'assortit pas son moyen, en toute hypothèse, des précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier la portée et le bien-fondé ; que Mlle B...ne justifie, par aucun élément probant, des raisons pour lesquelles elle n'a plus sollicité d'inscription à Pôle emploi et ne justifie d'ailleurs d'aucune recherche effective d'emploi ; que, dans ces conditions, le président du conseil général n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles L. 262-37 et L. 262-38 du code de l'action sociale et des familles en décidant la suspension des droits de Mlle B...au bénéfice du revenu de solidarité active à compter du mois de janvier 2011 puis en mettant fin à son droit au bénéfice de ce dernier ;
Sur la demande de remise de dette :
7. Considérant qu'en vertu de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, tout paiement indu d'allocation de revenu de solidarité active donne en principe lieu à récupération ; que si le même article permet au président du conseil général, en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, de faire remise de la créance qui en résulte pour le département ou de la réduire, cette faculté ne peut s'exercer en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration ; que cette dernière notion doit s'entendre comme visant les inexactitudes ou omissions délibérément commises par l'allocataire dans l'exercice de son obligation déclarative ;
8. Considérant qu'il appartient au juge administratif, saisi d'une demande dirigée contre une décision refusant ou ne faisant que partiellement droit à une demande de remise ou de réduction d'indu, non seulement d'apprécier la légalité de cette décision, mais aussi de se prononcer lui-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait existant à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise ou une réduction supplémentaire ;
9. Considérant que, par sa décision du 28 janvier 2011, le président du conseil général de l'Aisne a décidé que Mlle B...était redevable d'une somme de 474,34 euros au titre d'un trop-perçu de revenu de solidarité active ; qu'eu égard à la nature de son argumentation, Mlle B... doit être regardée comme sollicitant une remise gracieuse de cette somme ;
10. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que cet indu résulte de ce que Mlle B...a omis, en méconnaissance de l'article R. 262-6 du code de l'action sociale et des familles, de faire figurer les revenus de capitaux qu'elle percevait dans les déclarations trimestrielles de ressources souscrites pour permettre à la caisse d'allocations familiales de déterminer ses droits au titre du revenu de solidarité active ; qu'elle a, en conséquence de cette omission, perçu à tort des sommes au titre de cette allocation durant les deux années non couvertes par la prescription biennale prévue à l'article L. 262-45 du même code ; que, compte tenu de sa répétition, cette omission doit être regardée comme ayant été délibérément commise ; que, par suite, Mlle B... n'est pas fondée à solliciter une remise totale ou partielle de la somme de 474,34 euros ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
11. Considérant que si Mlle B...sollicite le versement d'une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices matériels et moral subis ainsi que le versement d'une somme de 341 euros correspondant à deux factures d'électricité à raison de l'illégalité des décisions en litige, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que sa demande doit, en tout état de cause, être rejetée ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu de la situation économique de l'intéressée, de mettre à la charge de Mlle B...le versement au département de l'Aisne d'une somme de 100 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mlle B... est rejetée.
Article 2 : Mlle B... versera au département de l'Aisne une somme de 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle C... B...et au département de l'Aisne.
Copie sera adressée pour information à la caisse d'allocations familiales de l'Aisne et au préfet de l'Aisne.
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N°12DA00385