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03/04/2014 | FRANCE | N°13DA00652

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 03 avril 2014, 13DA00652


Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2013, présentée par le préfet de l'Oise qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300882 du 3 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de M. D...C..., son arrêté du 28 mars 2013 en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé la délivrance d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, ainsi qu'un second arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative pour

une durée de cinq jours ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...de...

Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2013, présentée par le préfet de l'Oise qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300882 du 3 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de M. D...C..., son arrêté du 28 mars 2013 en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé la délivrance d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, ainsi qu'un second arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 mars 2014, présentée pour M.C... ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement dispensant le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience ses conclusions ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- et les observations de Me Laurent Ivaldi, avocat de M.C... ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement :

1. Considérant que M.C..., né le 24 janvier 1980 à Kinshasa, ressortissant de la République démocratique du Congo (RDC), déclare, sans fournir d'ailleurs d'éléments de nature à apprécier la continuité de son séjour, être entré en France et y vivre depuis le 2 février 2001 ; qu'il a fait l'objet de multiples condamnations pénales depuis 2002 sous diverses identités, notamment à des peines d'emprisonnement ; que, s'il est père de deux enfants nés en 2006 et 2008, il n'a reconnu le second qu'une année après sa naissance, et ne présente pas, de manière générale, d'éléments probants de nature à justifier de l'intensité des liens qu'il entretient avec eux ; que les relations avec une ressortissante française, qui n'est pas la mère de ses enfants, ne sont attestées que par un pacte civil de solidarité établi le 14 août 2012 qui présente dès lors un caractère récent et n'est pas complété par d'autres éléments permettant notamment de constater le caractère stable et durable de cette relation ; qu'à la date de la décision attaquée, il n'apparaît pas qu'il aurait conservé des liens avec la mère des enfants ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'intéressé entretiendrait des liens d'une particulière intensité avec les membres de sa famille résidant en France ; que, par suite et compte tenu en particulier des conditions de son séjour en France, la mesure d'éloignement n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen, pour annuler sa décision portant obligation de quitter le territoire français et les autres décisions attaquées par voie de conséquence, a retenu le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant la juridiction administrative par M. C... ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. Considérant que, par un arrêté du 21 mars 2013 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de l'Oise a donné délégation à M. A...B..., sous-préfet de Compiègne, à effet de signer tout arrêté relevant des attributions de l'Etat dans le département ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

4. Considérant que la décision contestée comporte de manière suffisante les circonstances de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que, dès lors, elle est suffisamment motivée ;

5. Considérant que, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne [C-383/13 PPU du 10 septembre 2013] une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lorsque le préfet de l'Oise a pris à l'encontre de M. C...la mesure d'éloignement contestée, ce dernier faisait toujours l'objet d'une mesure d'expulsion ; qu'en outre, l'intéressé ne justifie pas qu'il aurait été privé, du fait de l'intervention de cette nouvelle mesure, de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de cette décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " ;

8. Considérant que, pour faire obligation à M. C...de quitter le territoire français, le préfet s'est fondé sur l'entrée irrégulière de l'intéressé sur le territoire français et le défaut de tout document d'identité ou de séjour en cours de validité ; que, dès lors, le préfet de l'Oise n'a pas commis d'erreur de base légale au regard des dispositions citées au point précédent ;

9. Considérant qu'au regard de la situation personnelle et familiale de M. C...telle que décrite au point 1, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Oise a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa mesure sur sa situation personnelle ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre par le préfet de l'Oise ;

Sur le refus de délai de départ volontaire :

11. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 10, M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

13. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du même code : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) " ;

14. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...soit entré régulièrement sur le territoire français, ni qu'il ait engagé des démarches administratives afin de régulariser sa situation ; que, dès lors, le préfet de l'Oise pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 précité du code, lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire ;

15. Considérant qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui fixent des critères objectifs sur la base desquels il y a lieu de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet d'une procédure de retour peut prendre la fuite, qu'elles seraient incompatibles avec les dispositions des articles 1er et 3 de la directive du 16 décembre 2008 visée ci-dessus que la loi du 16 juin 2011 a eu pour objet de transposer ; que, dès lors, doit être écarté le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 avec celles de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

16. Considérant qu'au regard de la situation personnelle et familiale de M. C...telle que décrite au point 1, le préfet a pu, sans commettre d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation, lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le préfet de l'Oise lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire ;

Sur le pays de destination :

18. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 10, M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office serait dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

20. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...ait des raisons de craindre pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, en fixant la République démocratique du Congo comme pays vers lequel il pourrait être reconduit d'office, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

21. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu des liens qui unissent l'intéressé à son pays d'origine, le préfet de l'Oise a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation en retenant la République démocratique du Congo comme pays de destination ;

22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le préfet de l'Oise a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office ;

Sur le placement en rétention administrative :

23. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit aux points 10 et 17, M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours serait dépourvu de base légale à raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai ;

24. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

25. Considérant que l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, dès lors, il est suffisamment motivé ;

26. Considérant que M. C...ne peut invoquer directement devant le juge national les stipulations des paragraphes 16 et 17 du préambule de la directive 2008/115/CE visée ci-dessus, ainsi que des articles 8 et 15 de cette même directive, dès lors qu'elles ont été transposées en droit français par la loi n° 2001-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ; que, par suite, ce moyen, qui est inopérant, doit être écarté ;

27. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...qui ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français, est démuni de document d'identité ou de voyage en cours de validité ; qu'il ne justifie pas disposer d'un domicile stable ; qu'il ne présente pas, dès lors, de garanties de représentation suffisantes au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet de l'Oise n'a pas entaché l'arrêté contesté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. C...en ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours ;

28. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé ses deux arrêtés du 28 mars 2013 ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées par M. C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 3 avril 2013 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande de M. C...devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...C....

Copie sera adressée pour information au préfet de l'Oise.

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N°13DA00652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA00652
Date de la décision : 03/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Delesalle
Avocat(s) : CABINET IVALDI - DE GUEROULT D'AUBLAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-04-03;13da00652 ?
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