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16/09/2014 | FRANCE | N°13DA00226

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 16 septembre 2014, 13DA00226


Vu la requête, enregistrée le 18 février 2013, présentée pour la société Eiffage Construction, venant aux droits de la société Delvigne, société par action simplifiée, dont le siège est 11 place de l'Europe à Velizy-Villacoublay (78141), par Me C...B... ; la société Eiffage Construction demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001829 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments de taxe d'apprentissage auxquels elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et des su

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Vu la requête, enregistrée le 18 février 2013, présentée pour la société Eiffage Construction, venant aux droits de la société Delvigne, société par action simplifiée, dont le siège est 11 place de l'Europe à Velizy-Villacoublay (78141), par Me C...B... ; la société Eiffage Construction demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001829 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments de taxe d'apprentissage auxquels elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et des suppléments de participation des employeurs à l'effort de construction auxquels elle a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;

1 Considérant que la société Eiffage Construction, venant aux droits de la société Delvigne, relève appel du jugement du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments de taxe d'apprentissage auxquels elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et des suppléments de participation des employeurs à l'effort de construction auxquels elle a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10. Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu la décision de l'administration dans un délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la réclamation de la société Eiffage Construction à l'encontre des impositions supplémentaires en litige a été rejetée par une décision du directeur des services fiscaux du Nord du 18 janvier 2010 ; qu'il est constant que la copie de cette décision, produite à l'appui de la demande de première instance, porte la mention " reçu le 25 janvier 2010 " ; que, si le ministre soutient que cette décision aurait été notifiée à la société Eiffage Construction le 19 janvier 2010, il ne l'établit pas ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la demande enregistrée le 24 mars 2010 devant le tribunal administratif de Lille était tardive et, pour ce motif, irrecevable ;

Sur le principe de l'imposition :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 225 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige et relatif au régime de la taxe d'apprentissage : " La taxe est assise sur les rémunérations, selon les bases et les modalités prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale ou au titre IV du livre VII du code rural pour les employeurs de salariés visés à l'article L. 722-20 dudit code (...) " ; qu'aux termes de l'article 235 bis du même code, dans sa version applicable aux années d'imposition concernées : " 1. Conformément aux articles L. 313-1, L. 313-4 et L. 313-5 du code de la construction et de l'habitation, les employeurs qui, au 31 décembre de l'année suivant celle du paiement des rémunérations, n'ont pas procédé, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat aux investissements prévus à l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation sont, dans la mesure où ils n'ont pas procédé à ces investissements, assujettis à une cotisation de 2 % calculée sur le montant des rémunérations versées par eux au cours de l'année écoulée, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale ou au titre IV du livre VII du code rural pour les employeurs de salariés visés à l'article L. 722-20 dudit code (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, applicable au cours des impositions concernées : " Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions et de celles des articles L. 223-16 du code du travail, devenu l'article L. 3141-30 de ce code, et de l'article D. 732-1 du code du travail devenu l'article D. 3141-29 de ce code, que la circonstance que le service des indemnités de congés payés soit assuré pour le compte d'un employeur par une caisse de congés payés à laquelle il est affilié en exécution des dispositions de l'article L. 223-16 du code du travail, devenu l'article L. 3141-30 de ce code, est sans incidence sur l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction ; que, par suite, l'administration était en droit d'inclure, dans l'assiette de la taxe et de la participation en litige, les indemnités de congés payés dues par la requérante à ses salariés ;

5. Considérant que la société Eiffage Construction ne peut utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la réponse ministérielle du 14 avril 1976 à M.A..., député, reprise dans l'instruction 5 L-7-76, dont les dispositions sont devenues caduques à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 ; que la circonstance que la doctrine administrative ainsi invoquée n'aurait été expressément rapportée par le ministre chargé du budget que le 17 février 2009 est, en conséquence, inopérante ;

Sur le montant de l'imposition :

6. Considérant que selon les dispositions de l'article L. 223-11 du code du travail, devenu l'article L. 3141-22, l'indemnité afférente au congé annuel est égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours d'une période de référence définie par décret ; que cet article prévoit le calcul de la rémunération brute totale en fonction du salaire gagné dû pour la période précédant le congé et de la durée du travail effectif de l'établissement, en précisant qu'il est tenu compte de l'indemnité de congé de l'année précédente ; que, toutefois, selon l'article L. 223-6 du même code, devenu l'article L. 3141-10, ces dispositions ne portent pas atteinte aux stipulations des conventions ou accords collectifs de travail ou des contrats de travail ni aux usages qui assurent des congés payés de plus longue durée ;

7. Considérant que si l'article L. 223-16 du code du travail, devenu l'article L. 3141-30 de ce code, prévoit l'affiliation obligatoire de certains employeurs à une caisse de congé, notamment lorsque les salariés ne sont pas habituellement occupés de façon continue chez un même employeur au cours de la période reconnue pour l'appréciation du droit au congé, ce qui est notamment le cas, en vertu de l'article D. 732-1 du code du travail, devenu l'article D. 3141-12 de ce code, dans les entreprises relevant du secteur du bâtiment et des travaux publics, l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction est constituée par l'ensemble des rémunérations dues en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les indemnités de congés payés, quand bien même le service de ces indemnités est assuré pour le compte de cet employeur par la caisse de congés payés à laquelle il est obligatoirement affilié ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant des indemnités de congés payés à prendre en compte dans l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction correspond à celui que l'employeur aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse, en application des dispositions du code du travail et des conventions collectives ou accords applicables à la profession ; que ce montant ne saurait donc être évalué en retenant les cotisations versées par l'employeur à la caisse de congés payés dès lors que ces cotisations, qui ne constituent pas des rémunérations au sens des dispositions précitées, couvrent par ailleurs des charges autres que les indemnités versées aux salariés, notamment les frais de fonctionnement des caisses ; que le montant à prendre en compte ne saurait davantage être fixé à partir des indemnités versées par les différentes caisses aux salariés au titre d'une période retenue pour l'appréciation du droit au congé, dès lors que les sommes versées par les caisses à un salarié peuvent correspondre aux droits à congés payés qu'un salarié a acquis auprès de plusieurs employeurs, qui sont seuls redevables de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction ;

9. Considérant qu'à défaut de pouvoir établir exactement les sommes que l'employeur aurait versées à ses salariés au titre des indemnités de congés payés, en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse, il y a lieu de retenir, compte tenu à la fois du taux prévu par l'article L. 233-1 du code du travail, devenu l'article L. 3141-22 de ce code, de l'indemnité de congé payé qui aurait, le cas échéant, été versée par l'employeur au titre de l'année précédente et des indemnités prévues par les conventions collectives, un montant évalué à 11,5 % des rémunérations brutes versées au cours de l'année d'imposition ; qu'il y a donc lieu, pour chacune des années en litige, de substituer le taux de 11,5 % au taux de 13,14 % initialement appliqué de manière forfaitaire par l'administration fiscale pour estimer le montant des indemnités de congés payés que la société Eiffage Construction, venant aux droits de la société Delvigne, aurait versées à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse et, en conséquence, de prononcer la réduction des bases d'imposition résultant de cette modification ; que, par suite, les moyens tirés de l'erreur sur la dévolution de la charge de la preuve, du caractère illégal d'un taux forfaitaire, de l'illégalité du taux de 13,14 % et de la violation de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 doivent être écartés ;

10. Considérant, par ailleurs, que la circonstance que l'administration aurait appliqué à d'autres contribuables un taux forfaitaire de 10 % pour fixer leur base d'imposition ne saurait constituer une violation du principe de sécurité juridique dès lors que les impositions sont légalement établies par l'application d'un taux de 11,5 % ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Eiffage Construction, venant aux droits de la société Delvigne, est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille ne lui a pas accordé une réduction des cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et des cotisations supplémentaires de participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Eiffage Construction et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le montant des indemnités de congés payés à inclure dans l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction dues par la société Eiffage Construction, venant aux droits de la société Delvigne, au titre des années 2006, 2007 et 2008 sera évalué à 11,5 % des rémunérations brutes versées au cours de l'année d'imposition.

Article 2 : La société Eiffage Construction, venant aux droits de la société Delvigne, est déchargée de la différence entre les cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et les cotisations supplémentaires de participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008 et celles qui résultent de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement n° 1001829 du 20 décembre 2012 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société Eiffage Construction, venant aux droits de la société Delvigne, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Eiffage Construction, venant aux droits de la société Delvigne, est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage Construction, venant aux droits de la société Delvigne, et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie sera adressée au directeur chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°13DA00226


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA00226
Date de la décision : 16/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Participation des employeurs à l'effort de construction.

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Taxe d'apprentissage.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELAS ATÉLÉIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-09-16;13da00226 ?
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