Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2013, présentée pour M. C...D..., demeurant..., par Me A...B...; M. D...demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1100401 du 10 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2006 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge des droits et pénalités correspondantes demeurant... ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,
- les observations de Me Arnaud Bentata, avocat de M.D... ;
1. Considérant que M. D...a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'activité d'antiquaire qu'il exerce à titre individuel au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, à l'issue de laquelle l'administration a notamment rehaussé le résultat déclaré imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux des années 2005 et 2006 ; qu'il relève appel du jugement du 10 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille n'a que partiellement fait droit à sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2006 et des pénalités correspondantes ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne les frais et charges non déductibles :
2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (en litige) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (en litige) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration fiscale, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
3. Considérant que l'administration a remis en cause la déductibilité, sur le fondement de ces dispositions, des charges constituées par des frais de téléphone et des frais de voyage exposés par M. D... au motif qu'elles n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les frais de téléphone déduits par le requérant de ses bénéfices imposables au titre de la période vérifiée concernent la ligne téléphonique de sa résidence privée de Paris située au 38 rue des Sablons ; que si l'intéressé fait valoir qu'il utilise cette ligne téléphonique pour entretenir des relations commerciales avec des clients de la région parisienne en dehors des horaires d'ouverture de sa galerie ou pour contacter un entrepôt dont il dispose à Bainghen et que cette installation de télécommunication revêt donc un caractère exclusivement professionnel, l'administration relève toutefois que l'examen des factures téléphoniques démontre que l'essentiel des appels passés par M. D...a été effectué à destination du département du Pas-de-Calais où il est habituellement domicilié... ; que, compte tenu de ces éléments de fait, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les dépenses téléphoniques déduites par M. D...n'avaient pas été exposées dans l'intérêt de l'entreprise et les a en conséquence réintégrées dans les bénéfices imposables ;
5. Considérant que M. D...a également inscrit en comptabilité, au titre des charges déductibles, les dépenses relatives à un voyage effectué en Indonésie au mois de janvier 2005 pour une somme totale de 4 945,70 euros ; que l'administration, qui a admis le caractère partiellement professionnel de ce déplacement, a retenu la déduction de la moitié des dépenses ainsi exposées ; qu'il résulte de l'instruction que le surplus des dépenses non admises en déduction sont relatives soit à des frais de lit supplémentaire ou de repas, soit à des excursions touristiques ou dépenses de massage ; qu'en se bornant à soutenir sans autre explication, que ces dépenses, dont le service conteste le caractère professionnel, étaient nécessaires pour maintenir de bonnes relations avec ses fournisseurs, M. D...ne justifie pas que l'ensemble de ces frais a été engagé dans l'intérêt de son exploitation ; que l'administration était, par suite, fondée à les réintégrer dans son bénéfice imposable ;
En ce qui concerne le passif injustifié :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) " ;
7. Considérant que, lorsqu'une personne physique, qui exploite une entreprise industrielle ou commerciale, contracte une dette à l'égard d'un tiers, elle peut décider de regarder l'opération, soit comme étrangère à cette exploitation et ne point la faire apparaître dans la comptabilité de l'entreprise, soit, au contraire, comme effectuée par celle-ci et retracer dans ses écritures tant l'encaissement de la somme prêtée que le montant de la dette contractée ; que, dans l'un et l'autre cas, l'exploitant prend à ce sujet une décision de gestion qui lui est opposable ; que, dans le premier cas, les événements qui surviennent ultérieurement dans les rapports entre le débiteur et le créancier, tels que le paiement d'intérêts ou l'extinction de la dette par voie de remboursement ou autrement, sont sans influence sur le bénéfice imposable de l'entreprise ; que, dans le second cas, tout événement affectant les droits et obligations de l'entreprise à l'égard du créancier doit être pris en compte et peut influer sur le bénéfice net de l'exercice au cours duquel il est constaté ; qu'en particulier, si une somme correspondant à la créance d'un tiers figure au passif du bilan d'ouverture d'un exercice et n'apparaît plus comme telle au bilan de clôture du même exercice, l'extinction ainsi constatée de la dette de l'entreprise implique, quelle qu'en soit la cause et à moins qu'elle n'ait pour contrepartie une diminution des valeurs d'actif, une augmentation de la valeur de l'actif net entre l'ouverture et la clôture de l'exercice ; qu'en vertu des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, les variations du montant du compte personnel de l'exploitant ne peuvent avoir une influence sur la détermination du bénéfice net imposable de l'entreprise que dans la mesure où elles expriment des suppléments d'apport ou des prélèvements effectués par cet exploitant ; que rien ne s'oppose à ce qu'une créance sur l'entreprise fasse l'objet d'un apport, que l'apport soit consenti par le tiers titulaire de la créance, qui y renonce en contrepartie de l'acquisition de droits sur les résultats de l'entreprise, ou que la créance subsistant, l'exploitant entende reprendre et assurer désormais, à titre personnel, les obligations de l'entreprise envers le titulaire de la créance ; que, dans ce dernier cas, il appartient à l'exploitant d'apporter la preuve du maintien de la créance et de ce qu'il s'est substitué au tiers qui en était titulaire et en fait apport à l'entreprise ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a constaté qu'à la clôture de l'exercice 2006 le compte de l'exploitant faisait état d'une augmentation d'un montant de 430 000 euros correspondant à une dette contractée par l'entreprise de M. D...à l'égard d'un fournisseur dont le compte a été corrélativement diminué de la même somme ; que le vérificateur a estimé que la réalité de la dette envers ce fournisseur, la société anonyme de droit suisse " Antiquités et Décorations SA " n'était pas établie par le requérant ; qu'il résulte de l'instruction que cette société, qui n'est pas inscrite au registre du commerce suisse alors que sa forme sociale lui en faisait l'obligation, est domiciliée... ; que si M. D...soutient que les documents figurant au dossier établissent la réalité de la créance de la société " Antiquités et Décorations SA ", ni la lettre rédigée le 5 décembre 2006 sur le papier à entête de cette société, dont le signataire n'est pas identifié, ni les documents bancaires et factures faisant état de transactions financières intervenues au cours des années 2001 à 2004 entre M. D...et cette entité ne permettent d'établir de corrélations entre ces opérations et la somme de 430 000 euros qui correspondrait à une dette que le requérant aurait contractée à l'occasion de ces transactions commerciales ; que, par suite, faute pour M. D...de démontrer l'existence de cette dette, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les résultats de son exploitation tenaient compte, à concurrence de la somme précitée, d'un passif injustifié qui devait être réintégré dans ses bénéfices imposables en vertu des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts ;
Sur les pénalités :
9. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts alors applicable : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (en litige) b. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat. " ;
10. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration a l'obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement de pénalités visées par le second alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, d'adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu'elle envisage de lui appliquer, et indiquant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations ; que l'administration est tenue de renouveler cette formalité si, pour quelque motif que ce soit, elle modifie, avant leur mise en recouvrement, la base légale, la qualification ou les motifs des pénalités qu'elle se propose d'appliquer au contribuable ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a fait application de la majoration prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manoeuvres frauduleuses, à la rectification résultant de la réintégration dans les résultats imposables de la somme de 430 000 euros correspondant au passif injustifié ;
12. Considérant que, dans la proposition de rectification du 15 décembre 2008, l'administration mentionne les considérations de droit et de fait qui fondent la mise en oeuvre de la majoration de 80 % ; que, si à la suite des observations adressées par le requérant au service, ce dernier a convenu qu'une confusion avait pu être faite entre deux sociétés portant la même dénomination sociale, il résulte toutefois des termes de la réponse aux observations du contribuable du 7 avril 2009, que l'administration, d'une part, a maintenu l'application des majorations pour manoeuvres frauduleuses, d'autre part, a une nouvelle fois indiqué que la société avec laquelle M. D...se prévalait d'entretenir des relations commerciales n'avait aucune existence légale ; que le service n'ayant modifié ni la base légale, ni la qualification juridique retenue, ni les motifs de l'application de la majoration, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la majoration pour manoeuvres frauduleuses à laquelle il a été assujetti serait insuffisamment motivée ou que cette motivation aurait dû être renouvelée ; que, par voie de conséquence, le moyen tiré de ce que la réponse aux observations du contribuable n'a pas été visée par un employé supérieur en méconnaissance des dispositions de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°13DA01987