Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Lille la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005.
Par un jugement n° 1104350 du 10 avril 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mai 2014, M. et Mme C..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 10 avril 2014 ;
2°) de sursoir à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale ;
3°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- l'agrément préalable des exploitants n'était pas nécessaire ;
- les investissements ouvrant droit à une réduction d'impôts ont été effectivement réalisés par les sociétés Œillet 1, Œillet 2, Œillet 3 et Œillet 5 dans le département de la Réunion, au plus tard en 2006 ;
- il n'y a pas eu de surfacturation des matériels ;
- le principe général du droit de l'Union européenne de proportionnalité a été méconnu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le principe d'indépendance des procédures pénales et fiscales s'oppose à ce qu'il soit sursis à statuer en attendant l'issue de la procédure judiciaire qui n'en est qu'au stade de l'instruction ;
- la proposition de rectification comportait toutes les mentions de nature à permettre aux contribuables de faire valoir utilement leurs observations ;
- un agrément préalable aurait dû être demandé s'agissant d'investissements réalisés auprès d'un même exploitant pour un montant supérieur à 1 000 000 d'euros ;
- les investissements en litige n'ont pas été réalisés au cours de l'année 2005 ;
- les matériels livrés ont été surfacturés ;
- le moyen tiré de la méconnaissance du principe communautaire de proportionnalité est inopérant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Domingo, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que M. et MmeC..., associés des sociétés en participation (SEP) Œillet 1, Œillet 2, Œillet 3 et Œillet 5, gérées par l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) SGI immatriculée à La Réunion, ont fait l'objet d'un redressement de leur base imposable à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2005, résultant notamment de la remise en cause des déductions opérées sur le fondement de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; qu'ils relèvent appel du jugement du 10 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ;
Sur les conclusions tendant à la décharge de l'imposition contestée :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées et qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations de manière entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;
3. Considérant que la proposition de rectification du 27 juin 2008, qui mentionnait les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts relatif aux réductions d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs réalisés dans les départements et d'autres collectivités d'outre-mer, précisait notamment qu'en raison de l'inexistence des investissements déclarés par les sociétés Œillet 1, Œillet 2, et Œillet 5, ainsi que de la surfacturation des investissements déclarés par la société Œillet 3, les réductions d'impôt sur le revenu consenties au titre de l'année 2005 étaient annulées ; qu'étaient joints en annexe des extraits des propositions de rectification adressées aux sociétés en participation ; que ce document comportait ainsi suffisamment de précisions quant aux motifs pour lesquels la réduction d'impôt sur le revenu de M. et Mme C... avait été remise en cause et permettait à ces derniers de présenter utilement leurs observations ; que, par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article L. 57 précité du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa version alors applicable : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...) / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 ou un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C, dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. / La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé " ; qu'il résulte de ces dispositions que le fait générateur de l'avantage fiscal institué par cette loi est constitué soit par la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé, soit par la livraison effective de l'immobilisation dans l'un des départements ou territoires d'outre-mer ; qu'il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de s'en prévaloir ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'investissement facturé pour une somme de 287 000 euros, déclaré par la SEP Œillet 1 comme destiné à être donné en location à la société Montiferro Pasta, qui exploite une entreprise de fabrication de pâtes sur l'île de la Réunion, et les investissements facturés pour des sommes de 288 000 euros et 260 100 euros correspondant respectivement à trois fours et une cercleuse et six congélateurs, déclarés par les SEP Œillet 2 et Œillet 5 comme destinés à être donnés en location à l'entreprise Fumaisons Portois, n'ont pas été effectivement livrés au cours de l'année 2005 ; que, dans ces conditions, l'administration était en droit de remettre en cause, pour le seul motif tiré de l'absence de réalisation des investissements en 2005, la réduction d'impôt dont ont bénéficié M. et Mme C... au titre de l'année 2005 ; que si M. et Mme C...font valoir qu'ils pourraient bénéficier de la même réduction d'impôt au titre de l'année 2006, année de livraison effective du bien, cette circonstance, à la supposer établie, n'est pas de nature à remettre en cause le montant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ;
6. Considérant qu'il résulte également de l'instruction que la facture adressée par la société IPC à la société SGI, gérante de la SEP Œillet 3, pour l'achat d'une cintreuse et de divers équipements destinés à être donnés en location à l'entreprise Dugnomet, s'élevait à un montant de 288 000 euros, alors que la société SGI n'a en réalité payé que 30 % de cette somme et que le bien n'avait été acheté à son fabricant par la société IPC que pour un montant de 23 890 euros correspondant à son prix normal ; qu'il est ainsi établi que ce bien a été surévalué ; que la circonstance que le service des douanes n'aurait pas fait d'observations sur la valeur du bien lors de son acheminement à la Réunion est sans incidence sur le litige ; que, dans ces conditions, M. et Mme C...ne sont pas fondés à contester le bien-fondé du rappel d'impôt résultant de cette surfacturation ;
7. Considérant que les principes généraux du droit de l'Union européenne ne trouvent à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que l'article 199 undecies B du code général des impôts n'a pas été adopté par le législateur pour la mise en oeuvre du droit de l'Union européenne et que la réduction d'impôt prévue par ce texte est régie seulement par la loi fiscale nationale, à l'application de laquelle l'administration est tenue ; qu'il suit de là que le moyen tiré d'une méconnaissance du principe général du droit de l'Union de proportionnalité est inopérant ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer jusqu'à la fin de la procédure pénale en cours, que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme C...la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...C...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 3 novembre 2015 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 novembre 2015.
Le rapporteur,
Signé : L. DOMINGOLe président-assesseur,
Signé : M. D...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°14DA00873