Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier régional et universitaire de Lille à lui verser une indemnité de 73 134,08 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2009.
Par un jugement n° 1004734 du 30 janvier 2013, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2013, MmeD..., représentée par Me B...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier régional et universitaire de Lille à lui verser une indemnité de 85 562,12 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2009, au titre du préjudice subi par la perte de chance de bénéficier d'un salaire correspondant à sa qualification ainsi qu'une indemnité de 25 000 euros au titre du préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional et universitaire de Lille une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a été victime de harcèlement moral lors de son affectation au service de stérilisation centrale et du fait des difficultés rencontrées pour obtenir un poste compatible avec son état de santé ;
- elle n'a reçu aucune affectation lui permettant de reprendre ses fonctions dans des conditions compatibles avec son état de santé ;
- elle a subi un préjudice financier à raison de la perte de ses revenus ;
- elle a subi un préjudice moral.
Par un mémoire, enregistré le 15 octobre 2013, le centre hospitalier régional et universitaire de Lille, représenté par la SCP SHBK avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme D...le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête de Mme D...devant le tribunal administratif est tardive ;
- la requête d'appel est tardive ;
- sa demande indemnitaire présentée au titre du préjudice moral est irrecevable car nouvelle en appel ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 4 mai 2015, MmeD..., représentée par la Selarl Detrez-Cambrai, conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient, en outre, que les fins de non-recevoir relatives à la tardiveté de ses recours ne sont pas fondées ;
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 février 2013.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,
- les observations de MmeD....
Sur la responsabilité du centre hospitalier régional et universitaire de Lille à raison d'un harcèlement moral :
1. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ;
2. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
3. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;
4. Considérant, en premier lieu, que MmeD..., aide-soignante, affectée à compter du 3 octobre 2005 au service de stérilisation centrale de l'hôpital Huriez de Lille, se plaint y avoir subi des faits de harcèlement moral, ayant conduit à son placement en congé de maladie à compter du 20 décembre 2005 ; qu'elle fait état de remarques vexatoires, notamment sur la qualité de son travail, de la part de ses supérieurs hiérarchiques et de ses collègues et d'une durée de formation insuffisante lors de sa prise de fonctions ; que, d'une part, les allégations relatives aux remarques vexatoires dont la requérante aurait été victime ne sont assorties d'aucune précision et ne sont, par suite, pas suffisantes pour présumer de l'existence d'un harcèlement moral ; que, d'autre part, en l'absence de difficultés particulières, l'intégration de Mme D...au sein du service n'exigeait pas, ainsi que le soutient en défense le centre hospitalier, que sa période d'encadrement rapproché excèdât les trois mois de formation habituellement requis, dont elle a pu bénéficier ; que, par suite, les conditions dans lesquelles s'est déroulée la formation de l'intéressée ne révèlent pas l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral ;
5. Considérant, en second lieu, que selon MmeD..., la gestion de sa situation administrative par la direction du centre hospitalier régional et universitaire de Lille révèlerait également des agissements constitutifs de harcèlement moral ; qu'elle fait ainsi valoir n'avoir pas reçu, lors des différentes propositions d'affectation qui lui ont été faites, l'accompagnement rendu nécessaire par son état de santé et que ces mêmes propositions d'affectation ne correspondaient pas à son état de santé ou ne constituaient pas des emplois ou des postes permanents ; que le centre hospitalier prétend avoir tout mis en oeuvre pour répondre aux demandes de Mme D...et protéger sa santé ; que la circonstance que certains documents, notamment un bordereau de transmission interne à la direction du centre hospitalier régional et universitaire de Lille, mentionnent qu'elle a été admise au bénéfice d'un congé de maladie à compter du 20 décembre 2005 " suite à du harcèlement ", ne permet pas d'établir que le centre hospitalier, ainsi informé des doléances exprimées par la requérante, y reconnaîtrait la réalité des faits invoqués ; qu'il ressort ainsi des pièces du dossier et notamment de la teneur des courriers adressés à Mme D...en réponse à ses demandes, que la direction du centre hospitalier régional et universitaire s'est impliquée dans la recherche d'un poste pouvant correspondre à sa situation ; que, s'il résulte toutefois de l'instruction qu'un des postes proposés à l'intéressée n'était pas en adéquation avec son état de santé compte tenu de la dépression dont elle souffre, ce qui a conduit la direction du centre hospitalier à lui proposer d'autres postes, cette seule circonstance, au regard des conditions de sa gestion administrative, ne suffit pas à faire présumer l'existence d'agissements répétés constitutifs d'un comportement de harcèlement moral ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier régional et universitaire à raison d'un défaut d'affectation :
6. Considérant que, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à son retour de congé de formation professionnelle, la requérante a été affectée au 1er juillet 2005 à l'hôpital gériatrique " Les Bateliers ", puis, le 3 octobre 2005, au service de stérilisation centrale de l'hôpital Huriez ; qu'elle a été placée en congé maladie du 21 décembre 2005 au 17 juillet 2006 ; que l'affectation qui lui a été proposée le 19 juin 2006 en unité psychiatrique a fait l'objet d'un avis d'inaptitude au poste, à l'issue de la visite de reprise d'activité par le médecin du travail ; qu'elle a, en conséquence, été affectée à compter du 17 juillet 2006 en unité maternelle et foetale jusqu'au 24 septembre 2006 ; que, le 8 septembre 2006, elle a été informée de sa nouvelle affectation, à compter du 25 septembre 2006, à la clinique d'orthopédie-traumatologie ; que, le 12 septembre 2006, elle a été placée en congé de maladie jusqu'au 1er août 2007, date à laquelle elle a été mise en disponibilité pour convenances personnelles pour une durée d'un an régulièrement renouvelée jusqu'au 31 juillet 2013 ; qu'il résulte de ce qui précède qu'à compter de son retour de congés formation, le centre hospitalier régional et universitaire lui a proposé dans un délai raisonnable des affectations correspondant à son grade et à son état de santé, en prenant en considération son inaptitude à un poste en unité psychiatrique ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'établissement hospitalier aurait commis une faute en ne l'affectant pas sur un poste correspondant à son grade et compatible avec son état de santé doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par le centre hospitalier régional et universitaire de Lille, que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier régional et universitaire de Lille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme D...demande le paiement au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... la somme demandée par le centre hospitalier régional et universitaire de Lille au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier régional et universitaire de Lille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au centre hospitalier régional et universitaire de Lille.
Délibéré après l'audience publique du 14 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 janvier 2016.
Le rapporteur,
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : B. LEFORT
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Béatrice Lefort
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N°13DA00641
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