Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Cayeux-sur-Mer a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner conjointement et solidairement la SAS EBTP et la SAS des Carrières d'Etrochey à lui verser la somme de 205 923,86 euros en réparation des préjudices résultant des désordres ayant affecté la place du 8 mai 1945, ainsi que les dépens, et de mettre à leur charge la somme de 3 900 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement nos 1102974-1103186 du 8 juillet 2014, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir donné acte du désistement de la requête enregistrée sous le second numéro, a condamné, sous le premier numéro, la société EBTP à verser à la commune de Cayeux-sur-Mer la somme de 203 923,86 euros toutes taxes comprises (TTC) et la somme de 2 492,15 euros TTC au titre des frais d'expertise et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2014, la société EBTP, représentée par Me B...G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a prononcé sa condamnation ;
2°) de rejeter les demandes de la commune de Cayeux-sur-Mer ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cayeux-sur-Mer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres n'entrent pas dans le champ de la garantie de parfait achèvement dès lors que, de nature évolutive, ils sont apparus dans toute leur ampleur avant la réception prononcée sans réserve le 3 novembre 2004 et que la commune en a demandé réparation après l'expiration du délai de la garantie ;
- la commune ne saurait invoquer en appel la garantie décennale ;
- les désordres sont imputables à la mauvaise qualité des matériaux et non à un défaut de pose.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2015, la commune de Cayeux-sur-Mer, représentée par la SCP C...et Fontaine, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société EBTP la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu :
- le rapport d'expertise de M. H...E... ;
- les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 décembre 2015.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me F...A..., représentant la société EBTP, et de Me D...C..., représentant la commune de Cayeux-sur-mer.
1. Considérant que, dans le cadre d'une opération de requalification urbaine, la commune de Cayeux-sur-mer, par un acte d'engagement du 24 février 2000, a confié à la société EBTP le lot n°1 (voirie et réseaux divers) d'un marché qui comportait la réfection de la place du 8 mai 1945 ; que les travaux consistaient notamment dans la réalisation d'un dallage d'environ 110 m² dont les pierres ont été achetées à la société des Carrières d'Etrochey, fournisseur de la société EBTP ; que les travaux ont été réceptionnés le 3 novembre 2003 ; que le parquet de pierre s'étant dégradé, un expert a été désigné le 22 mars 2007 qui a remis son rapport le 26 janvier 2012 ; que la commune de Cayeux-sur-mer met en cause la responsabilité de la société EBTP sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 44.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux : " Le délai de garantie est, sauf stipulation différente du marché et sauf prolongation décidée comme il est dit au 2 du présent article, d'un an à compter de la date d'effet de la réception, (...). Pendant le délai de garantie, indépendamment des obligations qui peuvent résulter pour lui de l'application du 4 de l'article 41, l'entrepreneur est tenu à une obligation dite "obligation de parfait achèvement" au titre de laquelle il doit : / (...) / b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage ou le maître d'oeuvre, de telle sorte que l'ouvrage soit conforme à l'état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci ; / Les dépenses correspondant aux travaux complémentaires prescrits par le maître de l'ouvrage ou le maître d'oeuvre ayant pour l'objet de remédier aux déficient énoncées aux b (...) ci-dessus ne sont à la charge de l'entrepreneur que si la cause de ces déficiences lui est imputable. / (...) " ;
3. Considérant que la garantie de parfait achèvement s'étend à la reprise, d'une part, des désordres ayant fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception, d'autre part, de ceux qui apparaissent et sont signalés dans l'année suivant la date de réception ;
4. Considérant que s'il est constant que des fissurations et une détérioration de surface affectant une partie circonscrite du dallage de la place du 8 mai 1945 à Cayeux-sur-Mer ont été observées dès juin 2002, les cent cinquante dalles défectueuses ont été remplacées en juin 2003 à la demande de la maîtrise d'oeuvre, soit avant la réception prononcée sans réserve ; qu'aucun élément porté à la connaissance du maître d'ouvrage lors de ces désordres et notamment à l'occasion de la réunion qui s'est tenue avec le fournisseur le 11 octobre 2002 ou ultérieurement avant la réception, ne permettait à la commune de supposer que les autres dalles posées en 2000 étaient susceptibles d'être affectées des mêmes défauts ; qu'au contraire, les explications fournies à l'époque à la commune, qui présentaient les anomalies affectant ces éléments du dallage comme le résultat de chocs mécaniques ou à des réactions chimiques naturelles sans gravité, ne permettaient pas de prévoir que les désordres qui avaient justifié le remplacement de ces premières dalles devaient s'étendre au reste du dallage ; que l'origine des défauts, qui tenait à la mauvaise qualité de la pierre extraite de la veine d'où provenaient les matériaux, n'a pu être déterminée qu'à la suite de l'expertise diligentée en 2007 ; qu'il en résulte que la commune de Cayeux-sur-mer n'était pas en mesure, lors de la réception des travaux qui est intervenue sans réserve le 13 novembre 2003, de réclamer d'emblée le remplacement intégral des dalles ou d'émettre une réserve en ce sens ; que les désordres affectant les autres dalles ayant été constatés en mai 2004, soit dans le délai d'un an après la réception, la société EBTP n'est pas fondée à soutenir que l'absence de réserve formulée lors de la réception des travaux le 3 novembre 2003 a privé la commune de Cayeux-sur-Mer de la possibilité d'invoquer la garantie de parfait achèvement prévue par les dispositions de l'article 44.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, citées au point 1, pour obtenir l'indemnisation des préjudices résultant des nouveaux désordres, constatés en mai 2004 ;
5. Considérant que le choix des matériaux incombant, selon le marché, à la société EBTP, celle-ci ne peut, en tout état de cause, être exonérée de son obligation vis-à-vis du maître d'ouvrage de remédier aux désordres mentionnés au point précédent alors même que la mauvaise qualité des dalles serait due au fournisseur des matériaux ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société EBTP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à indemniser des préjudices résultant des désordres affectant le dallage de la place du 8 mai 1945 sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par la société EBTP, qui est la partie qui succombe dans la présente instance, à l'encontre de la commune de Cayeux-sur-mer ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société EBTP une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Cayeux-sur-Mer sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société EBTP est rejetée.
Article 2 : La société EBTP versera à la commune de Cayeux-sur-Mer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société EBTP et à la commune de Cayeux-sur-Mer.
Délibéré après l'audience publique du 10 mars 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 mars 2016.
Le président-assesseur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°14DA01504 2