Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2015 du préfet de la Seine-Maritime lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.
Par un jugement n° 1501128 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2015, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 juin 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Rouen.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens soulevés par Mme B...en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2015, MmeB..., représentée par MeA..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours sous la même astreinte ;
3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il emporte sur sa situation personnelle.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 28 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., de nationalité béninoise, née le 23 mai 1977, est entrée en France en juin 2010 selon ses déclarations munie d'un visa d'une durée de neuf jours ; qu'elle a sollicité, le 13 mars 2014, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", qui lui a été refusée par un arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 19 mars 2015 ; que ce dernier relève appel du jugement du 25 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a, à la demande de MmeB..., annulé cet arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...justifie de sa présence en France dès le 20 juillet 2010, date à laquelle elle a ouvert un compte bancaire ; que les autres documents bancaires ainsi que plusieurs avis d'imposition, comportant des revenus déclarés et correspondant aux versements effectués sur le compte bancaire, établissent la présence en France de l'intéressée au cours des années 2010 et 2011 à différentes périodes de l'année ; que Mme B...produit pour les années suivantes des ordonnances médicales, des résultats d'analyse, des courriers relatifs à son admission à l'aide médicale d'Etat, des justificatifs de souscription à un abonnement de transport public, un récépissé d'enregistrement d'un pacte civil de solidarité et des factures diverses ; que l'ensemble de ces pièces sont, compte tenu de leur nature et de leur nombre, suffisamment probantes pour établir la réalité du séjour habituel de Mme B...sur le territoire français depuis au moins le mois de juillet 2010 ; qu'il ressort également des pièces du dossier que Mme B...a conclu un pacte civil de solidarité le 24 juillet 2013 avec un ressortissant béninois, titulaire d'une carte de résident ; que la réalité de leur communauté de vie est établie depuis juillet 2013, notamment par la production de documents médicaux concernant Mme B...et mentionnant la même adresse que celle de son conjoint, de factures EDF à leurs deux noms et d'avis d'imposition pour les années 2012 et 2013 ; qu'au surplus, de nombreuses attestations de proches témoignent de la vie commune entre Mme B...et son partenaire, ainsi que du lien qu'elle entretient avec les enfants de ce dernier, nés d'une précédente union ; qu'ainsi, et alors même que Mme B...n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, l'arrêté attaqué a porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que c'est par suite à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet de la Seine-Maritime avait, en prenant l'arrêté contesté, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ont annulé, pour ce motif, cet arrêté ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant que l'exécution du présent arrêt n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celle qui a été prescrite par le tribunal administratif ; que les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B...ne peuvent, dès lors, être accueillies ;
Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 septembre 2015 ; qu'elle n'allègue pas avoir engagé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre ; que, d'autre part, l'avocat de Mme B...n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle ; que, dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat à rembourser à Mme B...la part des frais exposés par elle, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat paiera à Mme B...la part des frais exposés par elle, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D... B... et à MeA....
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 26 avril 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 mai 2016.
Le rapporteur,
Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,
Signé : M. C...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01251