Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille la condamnation du centre hospitalier de Calais à lui verser une somme de 135 732,65 euros en réparation des préjudices subis à la suite d'une intervention chirurgicale. La caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale a demandé au tribunal administratif de Lille la condamnation du centre hospitalier de Calais à lui verser une somme de 62 396,06 euros correspondant aux dépenses exposées pour le compte de son assurée sociale.
Après avoir ordonné une expertise par un jugement avant dire droit du 20 mars 2013, le tribunal administratif de Lille a, par un jugement n° 1100999 du 16 juillet 2014, condamné le centre hospitalier de Calais à verser d'une part à Mme A...la somme de 74 826,26 euros en réparation du préjudice subi à la date du 23 septembre 2013 et d'autre part à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale la somme de 59 209,94 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2011 qui ont eux-mêmes été capitalisés à la date du 27 juillet 2012.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 14DA01539, le 13 septembre 2014, le 17 février 2015 et le 26 avril 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 16 juillet 2014 du tribunal administratif de Lille en ce qu'il a arrêté définitivement sa créance à un montant de 59 209,94 euros ;
2°) de majorer la somme due par le centre hospitalier de Calais au titre des dépenses de santé d'un montant de 12 371,86 euros assorti des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2014 ainsi que la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Calais à lui verser la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Calais une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a exposé des frais d'hospitalisation, de transport et de soins dont le montant n'est pas définitif contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;
- ces dépenses sont en lien avec les fautes commises par le centre hospitalier dans la prise en charge médicale de Mme A...dont l'état n'est pas consolidé.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 avril 2016, le centre hospitalier de Calais, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la caisse primaire d'assurance maladie était en mesure de faire état avant le jugement du tribunal administratif de Lille de ses débours supplémentaires dès lors qu'ils ont été exposés dans la période du 24 septembre au 5 novembre 2013 ;
- la caisse ne produit en tout état de cause aucune précision sur la nature de ces prestations ni sur leur imputabilité à la faute commise par le centre hospitalier.
II. Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 14DA01543, le 15 septembre 2014 et le 3 novembre 2014, le centre hospitalier de Calais, représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) de réformer l'article 1er du jugement du 16 juillet 2014 en tant que le tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à Mme A...la somme de 74 826,26 euros en réparation des préjudices subis ;
2°) de réduire le montant de l'indemnité due à MmeA.la charge de Mme Gunst et celles liées à l'assistance d'une tierce personne
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité en raison de la méconnaissance du principe du contradictoire ;
- dans le dernier état de ses écritures enregistrées après le dépôt du rapport d'expertise, Mme A...avait limité ses prétentions au versement d'une indemnité provisionnelle de 40 000 euros ;
- les premiers juges ont statué ultra petita ;
- le tribunal a omis, en tout état de cause, de faire application du taux de perte de chance retenu pour le calcul de l'indemnisation des préjudices personnels de MmeA.la charge de Mme Gunst et celles liées à l'assistance d'une tierce personne
Par des mémoires, enregistrés le 19 décembre 2014, le 17 février 2015 et le 21 avril 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de la côte d'Opale, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du centre hospitalier de Calais ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 16 juillet 2014 du tribunal administratif de Lille en ce qu'il a arrêté définitivement sa créance à un montant de 59 209,94 euros ;
3°) de majorer la somme due par le centre hospitalier de Calais au titre des dépenses de santé d'un montant de 12 371,86 euros assorti des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2014 ainsi que la capitalisation de ces intérêts ;
4°) de condamner le centre hospitalier de Calais à lui verser la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
5°) de lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à une mesure d'expertise ;
6°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Calais une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a exposé des frais d'hospitalisation, de transport et de soins dont le montant n'est pas définitif contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;
- ces dépenses sont en lien avec les fautes commises par le centre hospitalier dans la prise en charge médicale de Mme A...dont l'état n'est pas consolidé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2015, Mme A..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du centre hospitalier de Calais ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 16 juillet 2014 du tribunal administratif de Lille en ce qu'il a limité à 74 826,26 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier de Calais en réparation des préjudices temporaires qu'elle a subis ;
3°) de porter à la somme de 135 732,65 euros le montant de cette indemnité ;
4°) de désigner un expert aux fins de déterminer la date de consolidation définitive de son état de santé et de déterminer l'étendue des préjudices jusqu'à cette date ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Calais une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le centre hospitalier de Calais a commis plusieurs fautes de nature à engager sa responsabilité ;
- les premiers juges ont insuffisamment évalué l'ampleur des préjudices temporaires subis ;
- l'absence de consolidation de son état de santé nécessite en tout état de cause l'organisation d'une mesure d'expertise complémentaire en vue de déterminer l'étendue définitive des préjudices subis depuis la date du jugement.
Par un mémoire, enregistré le 15 avril 2016, le centre hospitalier de Calais, représenté par MeE..., conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Il soutient en outre que :
- Mme A...n'avait sollicité que le versement d'une somme de 40 000 euros ;
- elle ne peut majorer ce montant en appel ;
- il s'en remet à l'appréciation de la cour sur le bien-fondé d'une mesure d'expertise.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lavail Dellaporta, président assesseur,
- et les conclusions de M. Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la requête et l'appel incident de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale :
2. Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que, dans le dernier état de ses écritures enregistrées devant le tribunal administratif le 20 septembre 2013 puis le 26 février 2014 , la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale avait bien mentionné que le montant des débours dont elle réclamait le remboursement correspondait à un montant provisoire et non définitif ainsi que l'a jugé à tort le tribunal administratif ;
3. Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que les dépenses d'un montant de 12 371,86 euros dont l'organisme social sollicite le remboursement en appel, correspondent à des frais exposés au titre de la période du 24 septembre 2013 au 5 novembre 2013 dont elle avait la faculté de faire état avant la clôture de l'instruction devant le tribunal administratif qui a été prononcée par une ordonnance du président de la formation de jugement en date du 25 mars 2014 ; que, par suite, la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale n'est pas recevable à présenter cette demande pour la première fois en appel ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale n'est pas fondée à se plaindre tant dans sa requête que par la voie de l'appel incident, de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a limité à un montant de 59 209,94 euros le remboursement des dépenses et débours qu'elle avait exposés pour le compte de MmeA... ; que les conclusions tendant à la majoration de l'indemnité forfaitaire de gestion et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent en conséquence qu'être rejetées ;
Sur la requête du centre hospitalier de Calais et l'appel incident de MmeA... :
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que l'intégralité des mémoires produits par Mme A...devant le tribunal administratif a été communiqué au centre hospitalier de Calais ; que celui-ci a dès lors été mis à même de présenter ses observations notamment sur la détermination et le montant des préjudices dont se prévalait l'intéressée ; que, par suite, le centre hospitalier de Calais n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Lille aurait méconnu le caractère contradictoire de la procédure et que son jugement serait entaché d'irrégularité ;
Sur le surplus des conclusions :
6. Considérant que dans son mémoire introductif d'instance devant le tribunal administratif, Mme A...avait dans un premier temps sollicité le versement d'une somme de 135 732,65 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'intervention chirurgicale réalisée au centre hospitalier de Calais ; qu'il résulte toutefois des pièces figurant au dossier de première instance que l'intéressée avait, dans le dernier état de ses écritures, notamment dans ses mémoires enregistrés le 26 août 2013 et le 2 décembre 2013, conclu à ce que le centre hospitalier de Calais ne soit condamné qu'au versement d'une somme d'un montant de 40 000 euros laquelle doit être regardée comme correspondant à la réparation des préjudices temporaires qu'elle avait déjà subis ; que le tribunal administratif de Lille, par le jugement attaqué, lui a accordé une indemnité de 74 826,26 euros correspondant à l'indemnisation de ces préjudices ; que dès lors, le centre hospitalier de Calais est fondé à soutenir qu'en allouant à Mme A...cette indemnité alors que, dans le dernier état de ses conclusions, Mme A...ne sollicitait que le versement d'une somme de 40 000 euros, le tribunal administratif a statué au-delà des conclusions dont il était saisi ; qu'il appartient dès lors à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la demande de MmeA... dans le dernier état de ses conclusions ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est au demeurant contesté par aucune des parties que la responsabilité du centre hospitalier de Calais est engagée en raison des fautes ayant pour origine la réalisation, dans des délais trop brefs, de multiples actes chirurgicaux qui n'ont pas permis une cicatrisation correcte ; que le lien direct de causalité entre cette faute et l'incontinence urinaire subie par Mme A...est établi ; qu'enfin, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que cette perte de chance peut être fixée au taux de 95 % ;
8. Considérant qu'eu égard aux éléments mentionnés dans le rapport d'expertise établi le 24 juillet 2013 à la suite du jugement avant dire droit du tribunal administratif de Lille en date du 20 mars 2013, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en fixant à un montant de 40 000 euros l'indemnisation des divers préjudices temporaires subis par Mme A...à la date du 24 juillet 2013 ; que, compte tenu du taux de perte de chance retenu au point 7, il y a lieu d'allouer à l'intéressée une somme de 38 000 euros ;
9. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 6, que Mme A...avait limité ses conclusions, dans le dernier état de ses écritures, à l'allocation d'une indemnité de 40 000 euros au titre de la réparation de ses préjudices temporaires ; qu'en l'absence d'éléments nouveaux liés à la réparation de ces seuls préjudices, les conclusions présentées par l'intéressée, par la voie de l'appel incident, tendant à ce que cette indemnité soit portée à la somme de 135 732,65 euros constituent une demande nouvelle irrecevable ;
10. Considérant toutefois que MmeA..., dont l'état de santé n'était pas consolidé à la date d'établissement du rapport d'expertise du 24 juillet 2013, est recevable et fondée à demander que le juge d'appel l'indemnise, pour la période postérieure à cette date, des préjudices dont elle a fait précédemment état ou qui se rattachent au même fait générateur ; que l'état du dossier ne permet à la cour ni de déterminer la date de consolidation de l'état de santé de MmeA..., ni d'évaluer l'étendue des préjudices subis depuis le 24 juillet 2013 jusqu'à la date de consolidation ; que, dès lors, il y a lieu, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la demande incidente de MmeA..., d'ordonner une expertise sur ces points ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Calais est fondé à demander que l'indemnité, que le tribunal administratif l'a condamné à verser à Mme A..., soit ramenée à la somme de 38 000 euros ; que les conclusions de Mme A...tendant à ce que l'indemnisation des préjudices temporaires qu'elle a subis soit portée à la somme de 135 732,65 euros sont rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 74 826,26 euros que le centre hospitalier de Calais a été condamné à verser à Mme A...par le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 juillet 2014 est ramenée à 38 000 euros.
Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lille du 16 juillet 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions de Mme A...présentées par la voie de l'appel incident tendant à ce que l'indemnisation de ses préjudices temporaires soit portée à une somme de 135 732,65 euros sont rejetées.
Article 4 : Il sera, avant de statuer sur la demande incidente de Mme A...concernant l'indemnisation de l'ensemble de ses préjudices subis depuis le 24 juillet 2013, procédé par un expert, désigné par le président de la cour administrative d'appel, à une expertise avec mission :
- de fixer la date de consolidation de l'état de santé de MmeA... ;
- d'évaluer les préjudices patrimoniaux subis par Mme A...depuis le 24 juillet 2013 jusqu'à la consolidation de son état de santé ou, le cas échéant, jusqu'à la date d'établissement du nouveau rapport d'expertise en ce qui concerne les dépenses de santé demeurant à... ;
- d'évaluer, dans les mêmes conditions, les préjudices personnels subis par Mme A...en ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent, le préjudice d'agrément, le préjudice esthétique et le préjudice sexuel.
Article 5 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert prendra connaissance du dossier médical et de tous documents concernant MmeA..., pourra se faire communiquer les documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins et aux diagnostics pratiqués qu'il estime nécessaire à l'accomplissement de sa mission et pourra entendre tous sachants.
Article 6 : L'expertise sera menée contradictoirement entre MmeA..., le centre hospitalier de Calais et la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale.
Article 7 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2, R. 621-9 et R. 621-14 du code de justice administrative. Le rapport d'expertise sera déposé en deux exemplaires dans un délai de quatre mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 8 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 9 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 10 : La requête et l'appel incident de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale sont rejetés.
Article 11 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de la côte d'Opale, à Mme B...A..., au centre hospitalier de Calais ainsi qu'à l'expert.
Délibéré après l'audience publique du 10 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 mai 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. LAVAIL DELLAPORTALe président de chambre,
Signé : M. D...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
Marie-Thérèse Lévèque
''
''
''
''
2
Nos14DA01539,14DA01543