Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...B...et l'EARL B...et fils ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 14 janvier 2011 du préfet de l'Aisne indiquant à la SCEA Saint Humbert que son opération de reprise des terres d'une superficie de 16 hectares, 42 centiares et 70 ares situées sur la commune de Pleine Selve ne relevait pas du régime de l'autorisation préalable au titre du contrôle des structures agricoles mais de celui de la déclaration.
Par un jugement n° 1202081 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 janvier 2015 et 3 juin 2015, sous le n° 15DA00159, M. D...H...et la SCEA Saint Humbert représentés par la SCP Pinchon-Cacheux, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 décembre 2014 du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) de rejeter la demande de M. B...et l'EARL B...et fils ;
3°) de mettre à la charge de M. B...et l'EARL B...et fils une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte est infondé ;
- la décision en litige n'avait pas à être motivée ;
- le préfet n'était pas tenu de saisir la commission départementale d'orientation de l'agriculture ;
- M. H...remplit les conditions prévues au II de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ;
- la demande d'autorisation a été présentée tant au nom personnel de M. H...qu'au nom de la SCEA Saint Humbert.
Par un mémoire, enregistré le 3 avril 2015, M. E...B...et l'EARL B...et fils, représentés par Me F...I..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- marié à l'actuelle détenteur des biens, M. H...n'est ni un de ses parents ni un allié au sens du 3° du II de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ; la détention doit par conséquent s'apprécier au niveau du parent ayant transmis les biens à MmeH..., à savoir sa mère ; cette dernière ne remplit pas la condition de durée des neuf ans ;
- Mme H...ne remplit pas non plus cette condition de détention, dès lors qu'elle n'en est pleine propriétaire que depuis 2007 ;
- le demandeur de première instance n'a pas maintenu son moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;
- la décision n'est pas motivée, ce qui est contraire au principe du procès équitable ;
- le préfet devait saisir la commission départementale d'orientation de l'agriculture ;
- une autorisation d'exploiter était requise, les biens devant être exploités au sein de la SCEA Saint Humbert.
Par des observations, enregistrées le 30 mai 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut aux mêmes fins que son recours enregistré sous le n° 15DA00217.
Un mémoire, présenté pour M. H...et la SCEA Saint Humbert, a été enregistré le 6 juin 2016, après la clôture d'instruction.
II. Par un recours, enregistré le 10 février 2015 sous le numéro n° 15DA00217, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 décembre 2014 du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) de rejeter la demande de M. B...et l'EARL B...et fils ;
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- Mme H...détenait à la date de prise d'effet du congé les biens en litige depuis plus de neuf ans en tant que nu-propriétaire puis en pleine propriété ;
- les moyens développés par M. B...en première instance ne sont pas fondés.
Par des observations enregistrées, le 16 avril 2015 et 6 juin 2016, M. H...et la SCEA Saint Humbert, représentés par la SCP Pinchon-Cacheux, concluent aux mêmes fins que le recours et à la mise à la charge de M. B...et de l'EARL B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte est infondé ;
- la décision en litige n'avait pas à être motivée ;
- le préfet n'était pas tenu de saisir la commission départementale d'orientation de l'agriculture ;
- M. H...remplit les conditions prévues au II de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ;
- la demande d'autorisation a été présentée tant au nom personnel de M. H...qu'au nom de la SCEA Saint Humbert.
Par un mémoire, enregistré le 2 juin 2016, M. E...B...et l'EARL B...et fils, représentés par Me F...I..., concluent au rejet du recours et à la mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- marié à l'actuelle détenteur des biens, M. H...n'est ni un de ses parents ni un allié au sens du 3° du II de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ; la détention doit par conséquent s'apprécier au niveau du parent ayant transmis les biens à MmeH..., à savoir sa mère ; cette dernière ne remplit pas la condition de durée des neuf ans ;
- Mme H...ne remplit pas non plus cette condition de détention, dès lors qu'elle n'en est pleine propriétaire que depuis 2007 ;
- le demandeur de première instance n'a pas maintenu son moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;
- la décision n'est pas motivée, ce qui est contraire au principe du procès équitable ;
- le préfet devait saisir la commission départementale d'orientation de l'agriculture ;
- une autorisation d'exploiter était requise, les biens devant être exploités au sein de la SCEA Saint Humbert.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,
- les observations de Me A...G..., représentant M. H...et la SCEA Saint Humbert et Me F...I..., représentant M. B...et l'EARL B...et fils.
1. Considérant que la requête de M. H...et la SCEA Saint Humbert et le recours du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt visés ci-dessus sont dirigés contre le même jugement et présentent à juger de questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;
2. Considérant que Mme J...C...épouse H...a donné congé, avec effet au 11 novembre 2010, à M. E...B..., qui exploitait jusqu'alors au sein de l'EARL B... et fils, 16 hectares 42 centiares 70 ares de terres agricoles situées sur le territoire de la commune de Pleine Selve, en vue de leur reprise par son mari, M. D...H..., au sein de la SCEA Saint Humbert ; que M. H... et la SCEA Saint Humbert ont saisi le préfet de l'Aisne d'une demande d'autorisation d'exploiter ces terres ; que, par une décision du 14 janvier 2011, le préfet de l'Aisne a estimé que cette demande ne relevait pas du régime de l'autorisation mais de celui de la déclaration, prévu au II de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ; que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, d'une part, ainsi que M. H...et la SCEA Saint Humbert, d'autre part, relèvent appel du jugement du 2 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision du 14 janvier 2011 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant que le tribunal administratif, après avoir relevé que Mme C...épouse H...n'avait reçu l'usufruit des terres en litige qu'en décembre 2007, en a déduit qu'elle ne détenait, à la date de prise d'effet du congé, ces terres que depuis quatre ans au sens du 3° du II de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ; que, par suite, le tribunal administratif n'a pas insuffisamment motivé son jugement ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime alors applicable : " II. - Par dérogation au I, est soumise à déclaration préalable la mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus lorsque les conditions suivantes sont remplies : (...) / 1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnée au 3° du I ; / 2° Les biens sont libres de location au jour de la déclaration ; / 3° Les biens sont détenus par ce parent ou allié depuis neuf ans au moins. (...) " ; que pour l'application de ces dispositions, la reprise des terres n'est soumise au régime de la déclaration préalable que si celui qui a donné, loué, vendu ou transmis le bien agricole détenait ce bien personnellement depuis au moins neuf ans ; qu'en outre, un bien agricole ayant fait l'objet d'un démembrement du droit de propriété doit être considéré comme détenu par l'usufruitier au sens du 3° desdites dispositions ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme J...H...s'est vu transmettre, par sa mère, l'usufruit des terres en litige en décembre 2007 ; que, si elle disposait déjà de la nue-propriété de ces terres depuis un acte de donation à titre de partage anticipé depuis juin 2001, ce démembrement du droit de propriété n'a pas à être pris en considération pour apprécier la condition de durée de détention des terres au sens des dispositions prévues au 3° du II de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ; que par suite, le préfet de l'Aisne a méconnu les dispositions précitées en soumettant au régime de la déclaration l'opération de reprise envisagée par M.H... ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, et M. H...et la SCEA Saint Humbert, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 14 janvier 2011 ; que les conclusions de M. H...et la SCEA Saint Humbert présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les deux instances doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et l'EARL B...dans les instances n° 15DA00217 et n° 15DA00159 et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. H...et la SCEA Saint Humbert est rejetée.
Article 2 : Le recours du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...et l'EARL B...et fils dans les instances nos 15DA00159 et 15DA00217 la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. H...et la SCEA Saint Humbert au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans l'instance n° 15DA00217, sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, à M. D...H..., à la SCEA Saint Humbert, à M. E...B...et à l'EARL B...et fils.
Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 juin 2016.
Le rapporteur,
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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Nos15DA00159,15DA00217
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N°"Numéro"