Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 27 mai 2014 du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ayant prononcé son exclusion définitive du service ainsi que l'annulation de son arrêté du 6 juin 2014 en tant qu'il abroge les dispositions de l'arrêté collectif l'ayant nommée dans l'académie d'Amiens à compter du 1er septembre 2014.
Par un jugement n° 1404604 du 5 mai 2015, le tribunal administratif de Lille a annulé ces arrêtés.
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 9 juillet 2015, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de Mme A...devant le tribunal administratif de Lille ;
Il soutient que :
- la sanction d'exclusion définitive du service était adaptée aux faits reprochés à Mme A... ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2015, MmeA..., représentée par Me D...E..., conclut au rejet du recours du ministre et à la mise à sa charge d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-914 du 10 octobre 1984 modifié :
- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Maryse Petska, rapporteur public.
1. Considérant que le 17 octobre 2013, MmeA..., professeur de lycée professionnel stagiaire de coiffure au lycée professionnel Guy Debeyre de Dunkerque, a volé dans les locaux de l'établissement deux carnets de chèques, dans le sac d'une de ses collègues avec laquelle elle entretenait des rapports étroits ; qu'elle a utilisé le 19 octobre 2013 quatre chèques, pour effectuer des achats de vêtements et de nourriture pour une somme totale supérieure à 1 400 euros ; que le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche relève appel du jugement du 5 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé son l'arrêté du 27 mai 2014 ayant prononcé l'exclusion définitive du service de Mme A... ainsi que son arrêté du 6 juin 2014 en tant qu'il abroge les dispositions de l'arrêté collectif ayant nommé cette dernière dans l'académie d'Amiens à compter du 1er septembre 2014 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 10 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées au fonctionnaire stagiaire sont : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire, avec retenue de rémunération à l'exclusion du supplément familial de traitement, pour une durée maximale de deux mois ; 4° Le déplacement d'office ; 5° L'exclusion définitive de service " ;
3. Considérant que le manquement au devoir de probité et d'honnêteté de la part d'un agent public envers ses collègues justifie l'application d'une sanction disciplinaire ; que la circonstance que l'incident reproché à Mme A...soit resté isolé, que celle-ci ait toujours fait l'objet d'appréciations favorables de la part de sa hiérarchie dans sa manière de servir et que le parquet ait décidé l'abandon des poursuites pénales suite à l'indemnisation des commerçants chez qui Mme A...avait acheté des vêtements avec les chèques volés à sa collègue n'est pas de nature à atténuer la gravité de la faute commise ; que, s'il ressort des pièces du dossier que Mme A... a effectivement remboursé les commerçants, ces faits ne sont toutefois intervenus que le 3 décembre 2013, après le dépôt de plainte de la victime le 22 octobre 2013 et à l'issue d'une perquisition infructueuse au domicile de l'intimée le 14 novembre 2013, suivie immédiatement de son audition à la gendarmerie de Hoymille, où elle a commencé par nier les faits reprochés avant d'en reconnaitre la réalité ; que, dès lors, et en dépit des difficultés personnelles réelles que rencontrait MmeA..., son comportement personnel est incompatible avec les obligations de probité et de dignité qui incombent à tout fonctionnaire et avec l'obligation d'exemplarité qui s'attache aux fonctions d'enseignement ; qu'eu égard à la gravité de la faute commise, le ministre de l'éducation nationale n'a pas, en prononçant la sanction de l'exclusion définitive du service à l'encontre de MmeA..., commis d'erreur d'appréciation ; qu'il est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a pour ce motif annulé son arrêté du 27 mai 2014 et par voie de conséquence son arrêté du 6 juin 2014 en tant qu'il abroge les dispositions de l'arrêté collectif ayant nommé Mme A...dans l'académie d'Amiens à compter du 1er septembre 2014 ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant la juridiction administrative ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1 du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1°(...), les directeurs d'administration centrale (...)" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la sanction contestée a été signée par Mme F...C..., directrice générale des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, nommée par décret du 5 juillet 2012 du président de la République, publié au Journal officiel du 6 juillet 2012 ; que dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 67 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui l'exerce après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 84-914 du 10 octobre 1984 modifié relatif aux commissions administratives paritaires de certains personnels enseignants relevant du ministre de l'éducation nationale : " Les commissions administratives paritaires (...) des professeurs de lycée professionnel sont régies par les dispositions du décret du 28 mai 1982 susvisé sous réserve des dérogations prévues par le présent décret " ; qu'aux termes de son article 2, dans sa version alors en vigueur : " Par dérogation aux dispositions des articles 5, 6, 22 et 31 du décret du 28 mai 1982 susvisé, le nombre des représentants du personnel au sein des commissions administratives paritaires nationales des corps suivants est ainsi fixé : / (...) / 4° Corps des professeurs de lycée professionnel : huit membres titulaires, huit membres premiers suppléants et huit membres deuxièmes suppléants représentant la classe normale ; deux membres titulaires, deux membres premiers suppléants et deux membres deuxièmes suppléants représentant la hors-classe. / Les membres titulaires empêchés sont remplacés par les membres premiers suppléants ou, à défaut, par les membres deuxièmes suppléants. Dans ce cas, les membres suppléants ont voix délibérative " ; qu'aux termes de son article 6 : " Il est créé pour chacun des corps mentionnés l'article 2, une commission administrative académique siégeant auprès du recteur de chaque académie dont la composition est analogue à celle de la commission nationale correspondante. Toutefois, le nombre des représentants suppléants est limité à celui des représentants titulaires (...) " ;
7. Considérant qu'en vertu de ces dispositions combinées, une commission administrative paritaire ne peut valablement délibérer, en formation restreinte comme en formation plénière, qu'à la condition qu'aient été régulièrement convoqués en nombre égal les représentants de l'administration et les représentants du personnel, membres de la commission habilités à siéger dans la formation considérée, et eux seuls, et que le quorum ait été atteint ; que, si la règle de la parité s'impose ainsi pour la composition des commissions administratives paritaires, en revanche, la présence effective en séance d'un nombre égal de représentants du personnel et de représentants de l'administration ne conditionne pas la régularité de la consultation d'une commission administrative paritaire, dès lors que ni les dispositions précitées, ni aucune autre règle, ni enfin aucun principe ne subordonnent la régularité des délibérations des commissions administratives paritaires à la présence en nombre égal de représentants de l'administration et de représentants du personnel ;
8. Considérant que s'il est constant que dix membres représentant de l'administration et neuf représentant le personnel siégeaient lors de la réunion du conseil de discipline du 31 mars 2014 ayant proposé la sanction d'exclusion des fonctions à l'encontre de MmeA..., il ressort des pièces du dossier que le dixième membre représentant le personnel avait été régulièrement convoqué par un courrier du 26 février 2014 et avait été informé de la nécessité de prévenir l'administration, le cas échéant, de son absence ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du conseil de discipline doit être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 27 mai 2014 ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme A...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 5 mai 2015 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à Mme B...A....
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Lille.
Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 juin 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-J. GAUTHELe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N° 15DA01146