Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...H...épouse E...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 avril 2015 de la préfète du Pas-de-Calais refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.
Par un jugement n° 1507824 du 23 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 janvier 2016 et le 22 août 2016, Mme E..., représentée par Me F...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 23 décembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 avril 2015 de la préfète du Pas-de-Calais ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Pas-de-Calais de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle est titulaire d'un titre de séjour de longue durée délivré par les autorités italiennes et, par suite, la mesure d'éloignement prise à son encontre n'est pas une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français mais une décision de remise aux autorités italiennes ;
- cette décision a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où la préfète du Pas-de-Calais ne justifie pas avoir demandé l'accord des autorités italiennes pour procéder à sa réadmission ;
- elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle n'est pas titulaire d'une carte de séjour résident de longue durée-CE délivrée par les autorités italiennes et, par suite, la décision de réadmission a été prise sur le fondement les dispositions des articles L. 531-2 et R. 531-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne lui sont pas applicables ;
- elle s'est vu délivrer une autorisation provisoire de séjour à la suite du dépôt de sa demande d'admission au séjour en France et, par suite, elle entre dans le champ d'application du b) de l'article 6 du décret n° 2000-652 du 4 juillet 2000 portant publication de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière signé le 3 octobre 1997 ;
- elle séjourne depuis plus de six mois sur le territoire français et, par suite, elle ne peut plus faire l'objet d'une réadmission en Italie ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours a été prise par une autorité incompétente ;
- elle fait l'objet d'une décision de remise aux autorités italiennes et, par suite, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne permet d'assortir cette décision d'un délai de départ volontaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2016, la préfète du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par Mme E...ne sont pas fondés.
Il a été pris acte du désistement de Mme E...de sa demande d'aide juridictionnelle par une décision du 29 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeE..., ressortissante marocaine née le 1er janvier 1970, entrée en France le 26 juillet 2014, sous couvert d'un passeport et d'un titre de séjour de longue durée délivré par les autorités italiennes afin de rejoindre son époux a, le 19 septembre 2014, demandé son admission exceptionnelle au séjour en sa qualité de conjointe d'étranger en situation régulière ; que Mme E...relève appel du jugement du 23 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2015 de la préfète du Pas-de-Calais refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ;
Sur le moyen commun aux décisions attaquées :
2. Considérant que, par un arrêté n° 2015-10-57 du 16 février 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. G...C..., à l'effet de signer, notamment les décisions relatives au droit au séjour des ressortissants étrangers sur le territoire français, celles faisant obligation de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire et celles fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées manque en fait et doit être écarté ;
Sur le refus de titre de séjour :
3. Considérant que Mme E...fait valoir qu'elle est entrée en France en juillet 2014 afin de rejoindre son mari, de même nationalité, titulaire d'un titre de séjour en qualité de commerçant, avec lequel elle a eu un enfant et qu'elle a ainsi établi le centre de ses intérêts en France ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que MmeE..., qui dispose d'un titre de séjour de longue durée délivré par les autorités italiennes, est entrée sur le territoire français à l'âge de 44 ans après avoir vécu en Italie avec son époux qui, s'il s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " commerçant ", dispose également d'un titre de séjour italien de longue durée ; que la communauté de vie avec son mari est récente en France et leur enfant est né le 2 mars 2009 en Italie ; que Mme E...ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française et n'établit pas de l'impossibilité de reconstituer la cellule familiale hors de France ; qu'eu égard notamment tant à la durée qu'aux conditions de séjour en France de MmeE..., dont la communauté de vie avec son époux était récente à la date de la décision contestée, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes motifs, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de MmeE... ;
Sur la mesure d'éloignement :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité [...] " ; qu'aux termes de l'article L. 531-1 du même code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-2 à L. 512-4 (1), L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne " ; qu'aux termes de l'article L. 531-2 du même code : " (...) Les mêmes dispositions sont également applicables à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité. / Il en est de même de l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-CE en cours de validité accordé par un autre Etat membre qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. (...) " ; qu'aux termes de l'article 21 paragraphe 1 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 : " Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par une des parties contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres parties contractantes, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c et e, et qu'ils ne figurent pas sur la liste de signalement nationale de la partie contractante concernée " ;
5. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre ; qu'il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou de l'article L. 531-2, elle peut légalement, soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre ; que, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, où il dispose d'une autorisation de résidence de longue durée, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat ;
6. Considérant que Mme E...fait valoir que la mesure d'éloignement prise à son encontre ne pouvait être une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle était titulaire d'un titre de séjour de longue durée délivré par les autorités italiennes et relevait dans ces conditions de la procédure de réadmission prévue par l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si la requérante est titulaire d'une carte de séjour de longue durée délivrée par les autorités italiennes, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante avait demandé expressément à être éloignée vers l'Italie et l'arrêté en litige lui accorde un délai de trente jours pour quitter le territoire à l'issue duquel elle " pourra être remise aux autorités italiennes ", pays dans lequel elle est admissible ; que la préfète du Pas-de-Calais a ainsi envisagé, en l'absence de départ volontaire, une réadmission en priorité en Italie ; que, par suite, la représentante de l'Etat n'a pas méconnu les principes rappelés ci-dessus et n'a donc commis aucune erreur de droit au regard des dispositions combinées des articles L. 511-1 à L. 511-3 et L. 531-1 à L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la décision en litige a seulement fait obligation à Mme E...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que par suite, les moyens de la requérante présentés à l'encontre d'une prétendue décision de réadmission auprès des autorités italiennes dont elle aurait fait l'objet sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés ;
8. Considérant qu'il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, dès lors que ce refus ou ce retrait est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une telle obligation ont été rappelées, de mentions spécifiques pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que l'arrêté attaqué indique précisément les raisons pour lesquelles la préfète du Pas-de-Calais a refusé de délivrer à Mme E...un titre de séjour et vise expressément le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
10. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 3, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés ;
Sur le délai de départ volontaire de trente jours :
11. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) " ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6, que Mme E...n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français mais d'une décision de remise aux autorités italiennes et qu'ainsi, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne permet d'assortir cette décision d'un délai de départ volontaire ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...H...épouse E...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 6 septembre 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 20 septembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. D...La présidente de chambre,
Signé : O. DESTICOURT
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°16DA00173