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22/09/2016 | FRANCE | N°16DA00298

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 22 septembre 2016, 16DA00298


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...B...épouse A...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 mai 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de s

éjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...B...épouse A...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 mai 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 1503020 du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 février 2016 et le 2 septembre 2016, Mme A...C..., représentée par Me D...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 12 janvier 2016 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 18 mai 2015 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour en tant que membre de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en ce qu'il retient qu'elle ne justifie pas de l'ancienneté de sa présence sur le territoire français, l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait ;

- cet arrêté, en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et lui fait obligation de quitter le territoire français, méconnaît l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour refuser de l'admettre, à titre exceptionnel au séjour, sur le fondement de l'article L. 313-14 de ce code, le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté contesté méconnaît, en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cet arrêté méconnaît, dans cette même mesure, le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2016, la préfète de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A...C...ne sont pas fondés.

Mme A...C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Habchi, rapporteur public.

1. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté du 18 mai 2015 en litige, par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...C..., ressortissante sénégalaise, et lui a également fait obligation de quitter le territoire français, que l'autorité préfectorale n'a aucunement remis en cause les déclarations de l'intéressée selon lesquelles elle était entrée en France au cours de l'année 2011, mais que cette autorité a seulement porté, en tenant cette date pour établie, une appréciation sur la durée de son séjour, pour estimer que celui-ci était peu ancien ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que cet arrêté serait, sur ce point, entaché d'erreur de fait doit être écarté ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / (...) / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un citoyen de l'Union européenne ne dispose du droit de se maintenir sur le territoire national pour une durée supérieure à trois mois que s'il remplit l'une des conditions, alternatives, exigées à cet article, au nombre desquelles figure l'exercice d'une activité professionnelle en France ; que, par ailleurs, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la condition relative à l'exercice d'une activité professionnelle en France doit être regardée comme satisfaite si cette activité est réelle et effective, à l'exclusion des activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires ;

4. Considérant que, si les pièces que Mme A...C...verse au dossier font apparaître que son époux, M. G...A...C..., qui possède la nationalité espagnole, a travaillé en France dès le mois de mai 2011 et si ces pièces révèlent en outre que l'intéressé a occupé un emploi salarié d'ouvrier polyvalent, à temps partiel, durant la totalité de l'année 2012, il ressort de ces mêmes documents que M. A...C...n'a, en réalité, travaillé que durant quinze jours au cours de l'année 2011 et qu'il n'a, ensuite, exercé des missions en intérim à raison respectivement d'à peine plus de quinze jours en 2013, d'une vingtaine de jours en 2014 et de trente trois jours au total entre le début de l'année 2015 et la date à laquelle l'arrêté du 18 mai 2015 en litige a été pris ; qu'ainsi, et alors même que l'époux de Mme A...C...a continué à travailler après cette date, les activités qu'il a exercées depuis son arrivée sur le territoire français présentaient un caractère purement marginal et accessoire ne lui permettant pas de prétendre au bénéfice des dispositions précitées du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni, par suite, de pouvoir se maintenir légalement plus de trois mois sur le territoire français ; qu'au surplus et en tout état de cause, la requérante ne conteste pas le motif, également retenu par le préfet de la Seine-Maritime, selon lequel son époux ne pouvait procurer à sa famille des ressources suffisantes, ni justifier d'une assurance maladie, afin de ne pas devenir, au sens des dispositions précitées du 2° de cet article, une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale ; que, par voie de conséquence, Mme A...C...ne pouvait pas davantage bénéficier des dispositions précitées du 4° du même article pour se maintenir elle-même sur ce territoire au-delà de cette durée ; qu'il suit de là que le moyen tiré par la requérante de ce que, pour refuser de l'admettre au séjour en tant que conjointe d'un ressortissant de l'Union européenne et lui faire obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime aurait méconnu ces dernières dispositions doit être écarté ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) " et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...) " ;

6. Considérant que, si Mme A...C..., qui est entrée sur le territoire français au cours de l'année 2011, se prévaut de son statut d'épouse d'un ressortissant européen, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 4 que son mari ne pouvait, à la date à laquelle l'arrêté du 18 mai 2015 en litige a été pris, se prévaloir d'un droit au séjour sur le territoire français ; qu'il s'ensuit que Mme A... C...était elle-même, à cette date, en situation irrégulière de séjour sur ce territoire ; que, s'il ressort des pièces du dossier que le couple avait, à cette même date, deux enfants, nés respectivement le 15 janvier 2009 et le 27 avril 2011, qui étaient scolarisés sur le territoire français, Mme A...C...étant alors enceinte d'un troisième enfant, l'intéressée ne justifie d'aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à ce que ces deux enfants puissent poursuivre leur scolarité en école primaire et maternelle en Espagne, où est né l'ainé, ni que la famille ne pourrait poursuivre, le cas échéant, sa vie dans ce pays, dont l'époux de la requérante possède la nationalité et dont les autorités ont d'ailleurs délivré à cette dernière un titre de séjour valable jusqu'au 9 décembre 2015, c'est-à-dire en cours de validité à la date de l'arrêté contesté, à laquelle sa légalité doit être appréciée ; que, dans ces conditions et eu égard à la durée et aux conditions du séjour de Mme A...C...en France, l'arrêté en litige, en ce qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant que, si l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet à l'autorité préfectorale de délivrer notamment, au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue à l'article L. 313-11 de ce code à des ressortissants étrangers qui ne satisfont pas aux conditions requises pour prétendre à ce titre, cette faculté est toutefois subordonnée à la condition que l'admission au séjour du demandeur réponde à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir ;

8. Considérant que, ni l'ancienneté relative du séjour de Mme A...C..., ni la circonstance que son époux est un ressortissant de l'Union européenne, ni même celle que leurs deux enfants sont scolarisés en France ne suffisaient à constituer, dans les circonstances rappelées aux points 4 et 6, des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels propres à justifier que l'intéressée soit admise à titre dérogatoire au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, pour lui refuser cette admission, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant qu'aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant: " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

10. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit au point 6, s'agissant notamment de la possibilité pour la vie familiale de Mme A...C...de se poursuivre, le cas échéant, avec son époux et leurs enfants en Espagne, malgré la scolarisation de ces derniers respectivement en école primaire et maternelle et eu égard à leur jeune âge, il n'est pas établi que, pour refuser à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour et lui faire obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime aurait porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de ces enfants ni qu'il aurait, par suite, méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et, en tout état de cause, celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 8 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 septembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°16DA00298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00298
Date de la décision : 22/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : CAHEN-SALVADOR

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-22;16da00298 ?
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