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29/09/2016 | FRANCE | N°15DA00060

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 29 septembre 2016, 15DA00060


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération havraise et la société de tir d'Harfleur et de la région havraise ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner solidairement la société Allianz Iard et la société Dekra Industrial, et son assureur Generali Iard, à verser la somme de 29 613,54 euros à la société de tir d'Harfleur et de la région havraise et la somme de 171 495,85 euros à la communauté d'agglomération havraise en réparation des préjudices subis résultant des désordres affectant la to

iture du centre de tir sportif.

Par un jugement n° 1202543 du 18 novembre 2014, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération havraise et la société de tir d'Harfleur et de la région havraise ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner solidairement la société Allianz Iard et la société Dekra Industrial, et son assureur Generali Iard, à verser la somme de 29 613,54 euros à la société de tir d'Harfleur et de la région havraise et la somme de 171 495,85 euros à la communauté d'agglomération havraise en réparation des préjudices subis résultant des désordres affectant la toiture du centre de tir sportif.

Par un jugement n° 1202543 du 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de la société de tir d'Harfleur et de la région havraise et celles dirigées contre les compagnies d'assurance et a condamné la société Dekra Industrial à verser à la communauté d'agglomération havraise la somme de 171 495,85 euros toutes taxes comprises (TTC), ainsi que la société ECB-Thommeret à la garantir à concurrence de 60 % des condamnations prononcées à son encontre et a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2015, la société Dekra Industrial, représentée par Me F...B..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de réformer le jugement en tant qu'il a retenu sa responsabilité et prononcé sa condamnation ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la communauté d'agglomération havraise à conserver une part importante de responsabilité en sa double qualité de venant aux droits du maître d'ouvrage et maître d'oeuvre et de condamner la société ECB-Thommeret à la garantir intégralement des condamnations restant à sa charge ou de limiter sa part de responsabilité à 5 % ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération havraise les dépens et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu à son argument tiré de ce que les certifications avaient été directement adressées à la maîtrise d'oeuvre ;

- elle n'a pas, en qualité de contrôleur technique, celle de constructeur au sens de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation ;

- la présomption de responsabilité qui pèse sur elle s'inscrit, en tout état de cause, dans les limites de la mission qui lui a été confiée par le maître d'ouvrage ;

- elle ne peut être recherchée pour les défauts affectant la fabrication des matériaux ;

- elle n'a pas failli à sa mission en réclamant des certifications qui ne lui ont pas été produites et qui ont été directement adressées à la maîtrise d'oeuvre ;

- la communauté d'agglomération havraise, qui avait la qualité de maître d'oeuvre, n'a pas tenu compte de ses avis ;

- le partage de responsabilité opéré par le tribunal ne tient pas suffisamment compte des fautes imputables à la communauté d'agglomération havraise et de celles incombant à la société ECB-Thommeret.

Par un mémoire, enregistré le 5 mars 2015, la communauté d'agglomération havraise et la société de tir d'Harfleur et de la région havraise, représentées par Me C...E..., demandent à la cour :

1°) à titre principal, de condamner solidairement la société Allianz Iard et la société Dekra Inspection, avec son assureur Generali France, à verser la somme de 29 613,54 euros à la société de tir d'Harfleur et de la région havraise ou, à défaut, à la communauté d'agglomération havraise, à charge pour elle d'en reverser le produit à la société de tir ainsi que la somme de 171 495,85 euros à la communauté d'agglomération havraise, en réparation des préjudices subis résultant des désordres affectant la toiture du centre de tir sportif ;

2°) à titre subsidiaire, de désigner un expert ;

3°) de mettre à la charge de la société Allianz Iard la somme de 5 000 euros, et la même somme de 5 000 euros à la charge solidaire des sociétés Dekra Inspection et Generali France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- la juridiction administrative a compétence pour examiner les demandes dirigées contre la société Allianz Iard ;

- la société de tir est recevable à intervenir et à demander réparation sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle.

Par un mémoire, enregistré le 20 avril 2015, la SAS Dekra Industrial conclut aux mêmes fins que sa requête et demande, en outre, à la cour :

1°) de rejeter les conclusions reconventionnelles de la société de tir d'Harfleur et de la région havraise et de la communauté d'agglomération havraise ;

2°) de condamner la société Allianz Iard à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération havraise et la société de tir d'Harfleur et de la région havraise les dépens et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend ses précédents moyens et soutient, en outre, que :

- l'appel formé par la société de tir d'Harfleur et de la région havraise, qui présente le caractère d'un appel principal, est tardif ;

- la société de tir, en qualité d'occupante de l'ouvrage public n'avait pas qualité pour rechercher la responsabilité des constructeurs ;

- la communauté d'agglomération havraise n'a pas qualité pour rechercher une indemnisation au profit de la société de tir ;

- la juridiction administrative n'a pas compétence pour statuer sur les demandes formées contre les assureurs liés aux constructeurs par un contrat de droit privé.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 janvier 2016.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la cour était susceptible d'être fondée sur le moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de Dekra contre l'assureur Generali comme étant tardives et nouvelles en appel, de l'irrecevabilité des conclusions de la communauté d'agglomération havraise contre les assureurs Generali et Allianz comme étant tardives et ne relevant pas de la compétence de la juridiction administrative, de l'irrecevabilité des conclusions de la communauté d'agglomération havraise présentées pour le compte de la société de tir comme nouvelles en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,

- et les observations de Me D...A..., représentant la société Dekra Industrial.

1. Considérant que, par un marché public de prestations intellectuelles du 6 juin 2000, la communauté d'agglomération havraise (CODAH) a confié le contrôle technique des travaux de construction d'un centre de tir sportif et de loisirs sur la commune d'Harfleur à la société Afitest, devenue la société Dekra Industrial et ayant pour assureur la société Generali Iard ; que le lot n° 2 charpente a été confié, par un autre marché, à la société ECB-Thommeret, ayant pour assureur la société Allianz Iard ; que, postérieurement à la réception sans réserve des travaux le 19 août 2002, des désordres affectant la charpente sont apparus au cours du mois de juillet 2008 et ont conduit le président de la communauté d'agglomération havraise a interdire, par un arrêté du 29 août 2008, l'accès de l'ensemble des pas de tirs de 25 mètres et 50 mètres ; que les travaux de reprise des désordres affectant la charpente de l'ouvrage ont été opérés au cours du dernier trimestre 2010 ; que la responsabilité de la société ECB-Thommeret et du contrôleur technique, ainsi que celle de leur assureur, ont été recherchées sur le fondement de la garantie décennale par la communauté d'agglomération havraise et la société de tir d'Harfleur et de la région havraise du fait des désordres affectant la charpente du centre de tir sportif et de loisirs ; que, par un jugement du 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen, à l'article 1er, a rejeté les conclusions dirigées contre les compagnies d'assurance comme portées devant une ordre de juridiction incompétent pour en connaître, à l'article 2, les conclusions d'appel de la société Dekra Industrial contre son assureur comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, à l'article 3, le surplus des conclusions de la société de tir comme irrecevable ; que ce jugement, à l'article 4, a condamné la société Dekra Industrial à verser à la communauté d'agglomération havraise la somme de 171 495,85 euros toutes taxes comprises, à l'article 5, a mis à la charge de la même société la somme de 1 000 euros à verser à la communauté d'agglomération havraise sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à l'article 6, a condamné la société ECB-Thommeret à garantir la société Dekra Industrial à concurrence de 60 % des sommes mises à sa charge au titre des articles 4 et 5, puis, à l'article 7, a rejeté le surplus des conclusions des parties ; que la société Dekra Industrial relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé sa condamnation et demande à être relevée de toute condamnation ou, à titre subsidiaire, à ce qu'une part de responsabilité soit retenue à l'encontre de la communauté d'agglomération havraise et à ce que la société ECB-Thommeret soit condamnée à la garantir intégralement ou dans de plus fortes proportions ; que la communauté d'agglomération havraise et la société de tir d'Harfleur et de la région havraise, par un mémoire produit en réplique, relèvent également appel du jugement qui a rejeté les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices subis par la société de tir et celles dirigées contre les compagnies d'assurance ;

Sur les conclusions d'appel présentées par la société de tir d'Harfleur et la région havraise et, à défaut, par la communauté d'agglomération havraise et tendant à la réparation des préjudices propres à la société de tir :

2. Considérant qu'ainsi qu'il a été rappelé au point 1, le tribunal administratif de Rouen, par les articles 1er et 3 du jugement attaqué, a rejeté les conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices propres de la société de tir d'Harfleur et de la région havraise, comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître en tant qu'elles étaient dirigées contre les compagnies d'assurance et comme irrecevables en tant qu'elles étaient dirigées contre les constructeurs sur le fondement de la garantie décennale ; que, devant la cour, la société de tir et, à défaut, le maître d'ouvrage entendent renouveler ces conclusions en les présentant sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

3. Considérant que les conclusions qui tendent à la réparation des préjudices propres que la société de tir estime avoir subis du fait de l'effondrement d'une partie de l'ouvrage qu'elle occupe pour les besoins de son activité, bien que présentées devant le tribunal administratif dans une requête collective, concernaient un litige distinct de celui que la communauté d'agglomération havraise poursuivait devant cette juridiction, comme maître d'ouvrage, pour obtenir réparation des désordres concernant la même installation sur le fondement de la garantie décennale ; que les conclusions formulées dans un mémoire collectif enregistré devant la cour le 5 mars 2015, que la société de tir d'Harfleur et de la région havraise présente en son nom, ainsi que celles que la communauté d'agglomération havraise présente, à défaut, au nom de cette association, et qui tendent, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, à obtenir réparation des préjudices propres de la société tir ne relèvent pas davantage du même litige que celui qu'a introduit, dans sa requête d'appel enregistrée le 13 janvier 2015 devant la cour, la société Dekra Industrial pour obtenir la réformation du jugement en tant qu'il a prononcé sa condamnation à titre principal sur le fondement de la garantie décennale ou qu'il a statué sur les appels en garantie qu'elle avait formés contre les autres constructeurs ; que, par suite, les conclusions relatives à la réparation des préjudices de la société de tir n'a pas le caractère d'un appel incident à celui de la société Dekta Industrial ou d'un appel provoqué par celui-ci ; qu'elles doivent, dès lors, être regardées comme un appel principal dirigées contre les articles 1er et 3 du jugement attaqué ; que ce jugement a été notifié le 19 novembre 2014 et reçu par la société de tir d'Harfleur et de la région havraise le 21 novembre 2014 en courrier recommandé avec accusé de réception et par la communauté d'agglomération havraise, par l'application télérecours, le 19 novembre 2014 ; que leurs conclusions n'ont été présentées que le 5 mars 2015, soit au-delà du délai d'appel de deux mois ; qu'elles sont, par suite, tardives et doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur les conclusions d'appel présentées par la communauté d'agglomération havraise à l'encontre des compagnies d'assurance :

4. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions indemnitaires de la communauté d'agglomération havraise dirigées contre les sociétés Allianz Iard et Genérali Iard, sur le fondement de la garantie décennale ; que la communauté d'agglomération havraise renouvelle ces conclusions dans son mémoire enregistré le 5 mars 2015 au greffe de la cour ; qu'elles ne présentent pas le caractère d'un appel incident à celui de la société Dekta Industrial ou d'un appel provoqué par celui-ci ; qu'elles doivent, dès lors, être regardées comme un appel principal dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué ; qu'enregistrées, ainsi qu'il a été dit au point 3, au-delà du délai d'appel, elles sont tardives et doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur la régularité du jugement :

5. Considérant que le tribunal administratif de Rouen a répondu au point 10 de son jugement à l'argumentation présentée par la société Dekra Industrial relative à la part de responsabilité qu'elle imputait à la communauté d'agglomération havraise en sa double qualité de maître de l'ouvrage et de maître d'oeuvre des travaux ; qu'il a, par ailleurs, répondu au point 16 de son jugement à l'argument tiré de ce que la communauté d'agglomération havraise aurait été informée par la société Dekra Industrial de la carence des entrepreneurs qui n'auraient pas fourni les documents techniques requis ; que, par suite, la société Dekra Industrial n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité faute d'avoir répondu à l'intégralité de son argumentation ;

Sur la responsabilité décennale :

6. Considérant qu'il résulte des principes régissant la responsabilité des constructeurs que les désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible engagent leur responsabilité, même s'ils ne sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et il n'est pas sérieusement contesté qu'une fermette de la toiture du centre de tir sportif d'Harfleur, construit pour le syndicat intercommunal à vocation multiple du Havre, s'est rompue le 2 juillet 2008 soit après la réception sans réserve des travaux intervenue le 19 août 2002 ; que la dégradation de la charpente, de la toiture et du faux-plafond de la salle qui en a résulté, a imposé la fermeture au public de la salle de tir le 29 août 2008 jusqu'à l'achèvement des travaux de renforcement de la charpente en 2010 ; que ces désordres ont ainsi compromis la solidité de l'ouvrage et l'ont rendu impropre à sa destination ; que, par suite, ils ont engagé la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes " ; que l'article L. 111-24 du même code précise : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 2270 du même code reproduit à l'article L. 111-20 " ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'obligation de garantie décennale s'impose, en vertu des principes rappelées au point 6, non seulement aux architectes et aux entrepreneurs, mais également au contrôleur technique lié par contrat au maître de l'ouvrage ; que la circonstance que le contrôleur technique a une activité distincte de celle du concepteur de l'ouvrage ne peut avoir pour effet de décharger le contrôleur, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, de l'obligation de résultat qui lui incombe au regard de sa propre mission et dont il ne peut s'exonérer qu'en cas de force majeure ou de faute du maître de l'ouvrage ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'acte d'engagement et de l'article 3 du cahier des clauses administratives particulières, que le marché signé en vue de la construction du centre de tir et de loisirs confiait à la société Afitest, aux droits de laquelle a succédé la société Dekra Industrial, une mission de contrôle technique comportant notamment, conformément aux articles 6 et 7 du cahier des clauses techniques générales applicable aux marchés publics de contrôle technique, la mission de base obligatoire " L ", solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables ; que, par suite, la société Dekra Industrial doit être regardée comme un constructeur débiteur de la garantie décennale vis-à-vis du maître de l'ouvrage dès lors que les désordres en cause affectent la solidité de l'ouvrage, élément de sa mission ; qu'étant notamment chargée du contrôle de la réalisation de l'ouvrage sur le chantier puis des vérifications finales de solidité, elle n'est pas fondée à soutenir que les désordres affectant les charpentes, dont le diagnostic indique qu'ils sont dus notamment à une insuffisance des sections de pannes, ne relèvent pas de sa mission et ne lui seraient donc pas imputables ; qu'il résulte de ce qui précède et du point précédent que les moyens tirés, d'une part, de ce que le contrôleur technique qui se borne à formuler des avis puisqu'il ne participe directement ni à l'acte de construire, ni à la surveillance des travaux, ni à la direction du chantier, n'est pas un constructeur au sens de l'article 1792-1 du code civil, ni un mandataire du maître d'ouvrage et, d'autre part, de ce qu'aucune faute n'a été commise dans l'exercice de la mission de contrôleur technique doivent être écartés ;

Sur la responsabilité du maître d'ouvrage :

11. Considérant que le constructeur est exonéré totalement ou partiellement de sa responsabilité vis-à-vis du maître de l'ouvrage en cas de faute de ce dernier ou en cas de force majeure ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du cahier des clauses administratives particulières : " Si le contrôleur technique n'a pas reçu les documents qu'il estime nécessaire à son intervention il est tenu de le signaler à la personne responsable du marché " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 10 du décret du 28 mars 1999 relatif au cahier des clauses techniques générales applicables aux marchés publics de contrôle technique : " Le maître d'ouvrage doit faire connaître au contrôleur technique la suite donnée aux avis qu'il lui a adressés " ;

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction et il n'est pas sérieusement contesté que le contrôleur technique a émis un grand nombre d'avis dits " suspendus " portés à la connaissance du syndicat intercommunal à vocation multiple du Havre ; qu'il ressortait de ces avis que les entreprises n'avaient pas communiqué au contrôleur technique l'ensemble des documents nécessaires au bon exercice de sa mission ; que, par ailleurs, l'avis favorable concernant la charpente formulé par le contrôleur technique était conditionné par la production ultérieure des renseignements et justificatifs demandés ; que, cependant, le contrôleur technique n'a pas, en l'espèce, signalé avec une insistance et une clarté suffisantes au maître de l'ouvrage les difficultés qu'il rencontrait pour exercer sa mission ; que, dès lors, la société Dekra Industrial n'est pas fondée à soutenir, sur le fondement des dispositions qu'elle invoque, que l'inaction du syndicat intercommunal à vocation multiple du Havre, en sa qualité de maître d'ouvrage, aux droits duquel est venu la communauté d'agglomération havraise, l'exonérerait de sa propre responsabilité ;

Sur les préjudices :

14. Considérant que le montant des préjudices de la communauté d'agglomération havraise, qui n'est pas sérieusement contesté en appel, doit être fixé, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, à la somme de 171 495,85 euros ;

Sur les conclusions d'appels en garantie formés par la société Dekra Industrial :

15. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du diagnostic des charpentes des zones de tirs de 50 mètres et 25 mètres que, si les désordres affectant la charpente trouvent en partie leur cause dans un défaut de fabrication des poutres lamellées-collées, les désordres trouvent, pour une autre partie, leur origine dans une insuffisance des sections de pannes impliquant un risque de flambement, de contreventement et de déversement ; que les sections annoncées dans le plan ne correspondant pas aux dimensions réelles, la société ECB-Thommeret, qui n'a pas respecté les plans, a commis une faute qui engage sa responsabilité vis-à-vis du contrôleur technique ;

16. Considérant, en second lieu, que le syndicat intercommunal à vocation multiple du Havre, aux droits duquel vient la communauté d'agglomération havraise, maître de l'ouvrage à construire, exerçait également la maîtrise d'oeuvre des travaux ; que la société Dekra Industrial, eu égard à l'argumentation qu'elle expose, doit être regardée comme sollicitant de la cour que ce constructeur la garantisse des condamnations prononcées à son encontre au titre des fautes et défaillances commises dans sa mission de maîtrise d'oeuvre ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la maîtrise d'oeuvre a validé les plans d'exécution de la charpente établis par l'entrepreneur, la société ECB-Thommeret ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 13, le contrôleur technique a adressé le 2 novembre 2000 au service technique du syndicat intercommunal, maître d'oeuvre du chantier, un rapport initial dans lequel il réclamait la communication des documents justificatifs concernant le dossier " charpente " et notamment les plans et notes de calcul ; que l'avis favorable que le contrôleur technique a émis était subordonné à la condition que lui fussent communiqués les renseignements ou justificatifs demandés ; qu'il est constant que le contrôleur technique a été amené à suspendre ses avis en raison de l'insuffisance des justificatifs produits sans que la maîtrise d'oeuvre ne procède aux diligences nécessaires pour permettre au bureau de contrôle d'accomplir sa mission en se procurant l'ensemble des documents qu'il réclamait ; que, par suite, la société Dekra Industrial est également fondée à soutenir que la communauté d'agglomération havraise, en sa qualité de maître d'oeuvre, a commis des fautes qui engagent sa responsabilité à son égard ; que, cependant, le contrôleur technique s'est abstenu de réclamer la production de ces documents avec l'insistance nécessaire notamment au regard des lenteurs de la maîtrise d'oeuvre, et n'a pas émis finalement l'avis défavorable qu'appelait l'insuffisance des éléments qui lui étaient soumis ;

17. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit aux deux points précédents, il sera fait une juste appréciation des fautes respectives commises par les trois constructeurs, en retenant une part de responsabilité de 10 % à la société Dekra Industrial, de 20 % à la communauté d'agglomération havraise, en sa qualité de maître d'oeuvre, et de 70 % à la société ECB-Thommeret, titulaire du lot charpente ; que, par suite, la société Dekra Industrial est fondée à demander que soit réformé l'article 6 du jugement attaqué en retenant, d'une part, que la communauté d'agglomération havraise soit condamnée à la garantir à concurrence de 20 % et, d'autre part, que la société ECB-Thommeret soit condamnée à la garantir à concurrence de 70 % du montant des préjudices subis par la communauté d'agglomération havraise en sa qualité de maître d'ouvrage qui s'élèvent à la somme de 171 495,85 euros toutes taxes comprises ainsi qu'il a été dit au point 14 ; qu'en revanche, ainsi que l'a indiqué la société Dekra Industrial elle-même, ses conclusions dirigées contre son assureur ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans la présente instance, de répartir les frais liés aux dépens ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération havraise et de la société de tir d'Harfleur et de la région havraise une somme globale de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la communauté d'agglomération havraise contre les compagnies d'assurance et la société Dekra Industrial ;

DECIDE :

Article 1er : La communauté d'agglomération havraise et la société ECB-Thommeret garantiront la société Dekra Industrial à hauteur respectivement de 20 % et de 70 % du montant de 171 495,85 euros toutes taxes comprises mises à sa charge. L'article 6 du jugement du tribunal administratif de Rouen est reformé en ce qu'il a de contraire au présent article.

Article 2 : La communauté d'agglomération havraise et la société de tir d'Harfleur et de la région havraise verseront la somme globale de 2 000 euros à la société Dekra Industrial sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Dekra Industrial est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la communauté d'agglomération havraise et de la société de tir d'Harfleur et de la région havraise sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Dekra Industrial, à la communauté d'agglomération havraise, à la société de tir d'Harfleur et de la région havraise, à la société Generali Iard, à la société Allianz Iard et à la société ECB-Thommeret.

Délibéré après l'audience publique du 15 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 septembre 2016.

Le président-rapporteur,

Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°15DA00060 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00060
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Christian Bernier
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SCP SAGON LOEVENBRUCK LESIEUR LEJEUNE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-29;15da00060 ?
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