Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Creil a demandé au tribunal administratif d'Amiens, à titre principal, de condamner la société SA Lafranque à réaliser les travaux de couverture de deux courts de tennis, conformément au marché conclu le 6 novembre 2006, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard et à titre subsidiaire de la condamner à lui verser la somme de 100 500 euros HT au titre du coût de remplacement de la toiture, majorée des intérêts de droit à compter du jugement.
Par un jugement n° 1202274 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 février 2015 et 23 juillet 2015 la commune de Creil, représentée par Me A...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 16 décembre 2014 ;
2°) à titre principal, de condamner la société SA Lafranque à reprendre la couverture des courts de tennis conformément aux termes du marché, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner la société SA Lafranque au versement d'une somme de 100 500 euros ;
4°) de mettre à la charge de la société SA Lafranque le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les désordres constatés établissent que la société SA Lafranque a méconnu ses obligations contractuelles ;
- les désordres sont apparus au cours du délai de parfait achèvement et la société SA Lafranque s'est obligée à leur reprise au cours de ce même délai ;
- le délai de la garantie de parfait achèvement a été interrompu et implicitement prolongé ;
- les désordres constatés rendent l'immeuble impropre à sa destination ;
- le montant des travaux de réparation s'élève à la somme de 100 500 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 avril 2015 et le 21 septembre 2015, la société SA Lafranque, représentée par Me B...C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Creil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la commune de Creil n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité tant sur le terrain contractuel que sur le fondement de la garantie décennale.
Par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la commune de Creil fondées sur la garantie décennale, qui sont nouvelles en appel.
Par un mémoire enregistré le 6 avril 2016, la société Lafranque a fait part de ses observations sur le moyen susceptible d'être relevé d'office.
Par un mémoire enregistré le 21 avril 2016, la commune de Creil a fait part de ses observations sur le moyen susceptible d'être relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public.
1. Considérant que par un marché conclu le 6 novembre 2006, la commune de Creil a confié à la société SA Lafranque, la réalisation d'un équipement sportif comprenant deux courts de tennis couverts ; que les travaux ont été réceptionnés, avec réserves, le 19 octobre 2007 ; que les réserves ont été levées le 18 décembre 2007 ; que le 4 décembre 2007 la commune de Creil a informé la société SA Lafranque de l'apparition de fuites d'eau au niveau du chéneau central de la toiture de l'équipement sportif et lui a demandé de " faire fonctionner la garantie de parfait achèvement ", avant, par courriers des 3 juillet 2008 et 22 juin 2009, de mettre en demeure la société SA Lafranque de procéder, dans les 15 jours, aux travaux nécessaires ; que par une demande enregistrée le 10 juin 2010, la commune a sollicité du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens la désignation d'un expert qui a remis son rapport le 15 décembre 2011 ; que par jugement du 16 décembre 2014, dont la commune relève appel, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de la commune de Creil tendant à ce que la société Lafranque soit condamnée à réaliser des travaux de couverture conformes au marché, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ou, à défaut à lui verser une somme de 100 500 euros en réparation du préjudice subi ;
Sur la responsabilité contractuelle :
S'agissant de la méconnaissance de ses obligations contractuelles :
2. Considérant que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; qu'en l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves ;
3. Considérant que comme il a été dit au point 1, les travaux en litige ont été réceptionnés le 19 octobre 2007 ; que ce n'est que le 4 décembre 2007 que la commune a informé l'entrepreneur de l'apparition de fuites d'eau, au niveau du chéneau central ; que les réserves faites lors de la réception et levées le 18 décembre 2007 n'avaient pas trait au désordres en litige ; que, par suite, la commune de Creil n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de la société SA Lafranque est engagée au titre de la méconnaissance de ses obligations contractuelles ;
S'agissant de la garantie de parfait achèvement :
4. Considérant qu'aux termes de l'article de l'article 44-1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable au marché : " Le délai de garantie est, sauf stipulation différente du marché et sauf prolongation décidée comme il est dit au 2 du présent article, d'un an à compter de la date d'effet de la réception (...) / Pendant le délai de garantie, indépendamment des obligations qui peuvent résulter pour lui de l'application du 4 de l'article 41, l'entrepreneur est tenu à une obligation dite "obligation de parfait achèvement" au titre de laquelle il doit : /...) / c) Procéder, le cas échéant, aux travaux confortatifs ou modificatifs dont la nécessité serait apparue à l'issue des épreuves effectuées conformément au CCAP ; qu'aux termes de l'article 44-2 du même CCAG : " Si, à l'expiration du délai de garantie, l'entrepreneur n'a pas procédé à l'exécution des travaux et prestations énoncés au 1 du présent article (...) le délai de garantie peut être prolongé par décision de la personne responsable du marché jusqu'à l'exécution complète des travaux et prestations (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le maître de l'ouvrage n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'entrepreneur au titre de la garantie de parfait achèvement à raison de travaux destinés à remédier aux désordres apparus dans le délai de garantie, une fois ce délai écoulé, sous réserve de l'édiction, par la personne responsable du marché, avant le terme du délai précité, d'une décision expresse de prolongation jusqu'à l'exécution complète des travaux et prestations ;
6. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Creil ait, avant le terme du délai de garantie de parfait achèvement qui a commencé de courir le jour de la réception de l'ouvrage en litige, pris une décision expresse de prolongation de ce même délai ; que les courriers adressés par la commune à la société SA Lafranque, la mettant en demeure de procéder aux travaux nécessaires, n'avaient pas pour objet de prolonger ce délai, qui était dès lors, en tout état de cause, écoulé lorsque la commune a saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une demande en référé tendant à la désignation d'un expert ; que, par suite, la commune de Creil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la société SA Lafranque au titre de la garantie de parfait achèvement ;
Sur la garantie décennale :
7. Considérant que la demande de première instance de la commune de Creil était seulement fondée sur la responsabilité contractuelle ; qu'il suit de là que ses conclusions tendant à la condamnation de la société SA Lafranque sur le fondement de la garantie décennale, qui relèvent d'une cause juridique distincte, sont nouvelles en appel ; qu'elles sont, dès lors, irrecevables ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Creil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 16 décembre 2014, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société SA Lafranque, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Creil demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Creil une somme de 1 500 euros à verser à la société SA Lafranque sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Creil est rejetée.
Article 2 : La commune de Creil versera la somme de 1 500 euros à la société SA Lafranque au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Creil et à la société SA Lafranque.
Délibéré après l'audience publique du 6 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 novembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°15DA00279
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