Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rouen à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de divers préjudices résultant des fautes commises par le CHU dans la gestion de sa carrière.
Par un jugement n° 1201965 du 29 janvier 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mars 2015 M. A...B..., représenté par la SELARL Enard-Bazire, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rouen du 29 janvier 2015 ;
2°) de condamner le CHU de Rouen à lui verser la somme de 50 000 euros ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Rouen une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement ne comporte pas de mention précise des textes appliqués ;
- le jugement ne s'est pas prononcé sur les fautes commises par le CHU ;
- le CHU a commis une faute en mettant plus de six ans à le réintégrer et en le laissant " sans statut " jusqu'à la signature d'un contrat à durée indéterminée ;
- sa carrière n'a pas évoluée de 1996 à 2011 ;
- il aurait du percevoir l'indemnité de garantie individuelle du pouvoir d'achat, ou pour le moins, a perdu une chance de la percevoir ;
- le CHU a commis une faute en ne le titularisant pas ;
- le CHU a commis une faute en tardant à lui proposer la signature d'un contrat à durée indéterminée ;
- le CHU a commis une faute en l'obligeant à récupérer les jours fériés ;
- le CHU a commis une faute en ne lui appliquant pas de 2002 à 2004 la législation sur la réduction du temps de travail et de 2005 à 2011 en ne lui octroyant pas de jours de réduction de temps de travail ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2015 le centre hospitalier universitaire de Rouen, représenté par la SCP EMO Hebert et associés conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est régulier ;
- les demandes de M. B...sont pour partie prescrites ;
- les autres moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Un mémoire a été enregistré le 28 avril 2016, présenté par M.B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret 2008-539 du 6 juin 2008 ;
-le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-François Papin, rapporteur public, concluant en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative ;
1. Considérant que M. B...a été recruté par le CHU de Rouen en 1978 afin d'accomplir, au sein du laboratoire d'anatomie pathologique des vacations mensuelles, chacune de 3 heures 30 ; que par un avenant à son contrat de travail signé le 11 avril 1979 le nombre de ces vacations a été fixé à trente et une par mois ; qu'un nouveau contrat de travail reprenant la même quotité de travail a été signé le 11 avril 1985 ; que le 9 décembre 1985, M. B...a présenté une demande d'intégration définitive au sein du service ; que sa demande a été rejetée et qu'il lui a été indiqué qu'il serait mis fin à son contrat au plus tard lors de sa prochaine expiration ; que par un jugement du 25 janvier 1990, le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision, qualifiée de licenciement, avant par un jugement du 26 novembre 1996 d'accorder à M. B...une somme de 188 900 francs (28 640 euros) en réparation de son préjudice matériel subi du 1er février 1993 au 29 février 1996, une somme de 10 000 francs (1 524,50 euros), au titre des troubles dans les conditions d'existence, et une somme de 10 000 francs au titre de sa couverture sociale et de son préjudice moral, à raison du refus de le réintégrer opposé par le CHU ; que le 29 novembre 1996, M. B...a signé un nouveau contrat de travail à temps partiel correspondant à trente et une vacations mensuelles de 3 heures 30 chacune, d'une durée d'un an renouvelable tacitement ; que le 23 août 2011 le CHU a conclu avec l'intéressé un contrat de travail à durée indéterminée, remplacé par un nouveau contrat signé le 6 septembre 2011 ; que le 18 juin 2012, M. B...a adressé au CHU de Rouen une réclamation préalable indemnitaire, reçue le 20 juin 2012, avant de saisir le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à la condamnation du CHU à l'indemniser de divers préjudices relatifs au déroulement de sa carrière et chiffrés à la somme globale de 50 000 euros ; que par un jugement du 29 janvier 2015, dont M. B...relève appel, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le tribunal administratif de Rouen a écarté les demandes de M. B... après avoir relevé que les écritures de l'intéressé ne permettaient pas de distinguer entre les différents préjudices allégués, ni d'établir un lien de causalité avec les agissements fautifs reprochés à son employeur et qu'ils n'étaient pas assortis des pièces permettant de les établir et de les évaluer ; que ce faisant le tribunal a fait application des principes relatifs à l'engagement de la responsabilité des personnes publiques, sans se fonder sur un texte déterminé ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier faute de mentionner, dans ces motifs, les textes dont il fait application ;
3. Considérant que, comme il a été dit au point 1, M. B...sollicitait devant le tribunal administratif la condamnation du CHU de Rouen à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il soutenait avoir subis et à ce que les sommes de 2 000 euros et de 35 euros soient mises à la charge du CHU au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ; que le jugement répond à l'ensemble de ces conclusions ; que la circonstance que les premiers juges aient écarté les prétentions de l'intéressé sans statuer sur l'existence de fautes commises par le CHU n'est pas de nature à établir qu'ils auraient omis de se prononcer sur l'ensemble des conclusions dont ils étaient saisis ;
Sur la prescription quadriennale :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) " ;
5. Considérant que, si M. B...se prévaut d'un préjudice tiré de la circonstance qu'il n'a pu bénéficier des jours fériés sur la période 2000-2004, la créance dont il réclame le paiement trouve son origine dans le service fait par l'intéressé ; que, par suite, la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles comportant les jours fériés en litige ; qu'ainsi en application des dispositions précitées, la demande de M. B...était prescrite le 20 juin 2012, jour ou le CHU de Rouen a accusé réception de la réclamation préalable de l'intéressé faisant état de ce chef de préjudice ;
6. Considérant que la créance dont se prévaut M. B...au titre de la réduction du temps de travail trouve son origine dans le service fait par l'intéressé ; que la demande relative à la période 2002-2004 était, par suite, prescrite le 20 juin 2012, date à laquelle le CHU de Rouen a accusé réception de sa réclamation préalable faisant état de ce chef de créance ; que pour le même motif la demande de M. B...relative à la période 2005-2011 est prescrite jusqu'au 31 décembre 2007 inclus ;
7. Considérant le préjudice invoqué par M. B...relatif à l'absence d'évolution statutaire entre 1996 et 2011 trouve son origine dans le service fait par l'intéressé au titre de cette période ; que, par suite, la demande du requérant relative à ce préjudice est prescrite jusqu'au 31 décembre 2007 inclus ;
8. Considérant que les créances de l'intéressé relatives à l'absence de perception de la garantie individuelle du pouvoir d'achat sont relatives aux années 2008 et 2009, n'étaient pas prescrites au jour de sa demande préalable ;
9. Considérant que pour l'application de la prescription quadriennale, le délai de prescription de la créance dont se prévaut un agent du fait du retard mis par l'administration à le placer dans une situation statutaire régulière court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle est intervenu l'acte ayant régularisé sa situation, qu'il s'agisse du préjudice matériel ou du préjudice moral ;
10. Considérant que M. B...demande a être indemnisé du préjudice qu'il soutient avoir subi du fait du retard ou de la perte de chance d'avoir été titularisé ; qu'il est constant que l'intéressé n'a jamais fait l'objet d'une titularisation dans un corps de la fonction publique hospitalière ; que par suite, en application des principes rappelés au point 9, la demande de M. B... n'était pas prescrite le 20 juin 2012 jour ou le CHU de Rouen a accusé réception de la réclamation préalable de l'intéressé faisant état du préjudice précité ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander à être indemnisé des préjudices qu'il soutient avoir subis pour n'avoir pu bénéficier de jours fériés sur la période 2000-2004, de la législation relative à la réduction du temps de travail sur la période de 2002 au 31 décembre 2007, et d'une évolution statutaire de 1996 au 31 décembre 2007 ;
Sur le surplus des conclusions :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 117 de la loi du 9 janvier 1986 : " Les agents non titulaires qui occupent un emploi permanent à temps complet ou à temps non complet dont la quotité de travail est au moins égale au mi-temps dans les établissements mentionnés à l'article 2 ont vocation à être titularisés sur leur demande, dans des emplois de même nature qui sont vacants ou qui seront créés, (...) " ; qu'aux termes de l'article 118 de la même loi : " Les agents non titulaires qui occupent, à temps partiel, un emploi permanent à temps complet dans les établissements mentionnés à l'article 2 ont vocation à être titularisés, s'ils remplissent les conditions prévues à l'article 117 (...) " ; que l'article 2 de la loi précitée cite notamment les établissements publics de santé et syndicats interhospitaliers mentionnés aux articles L. 711-6 et L. 713-5 du code de la santé publique, dont fait partie le CHU de Rouen ;
13. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. B...ait, contrairement à ce que prévoient les textes précités, demandé au CHU de Rouen de procéder à sa titularisation ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'en ne prenant pas une telle mesure le CHU aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
14. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire applicable à M. B... ne prévoit que les contrats de recrutement d'agent contractuel de la fonction publique hospitalière peuvent prévoir des références à un échelonnement indiciaire permettant de se référer à des durées de service minimales et maximales à accomplir à un échelon déterminé pour accéder à l'échelon supérieur et ainsi instituer un déroulement de carrière en faveur de l'agent ; que par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le CHU de Rouen aurait commis une faute en s'abstenant de lui ménager une carrière 1996 à 2011 ;
15. Considérant que l'article 1er du décret du 6 juin 2008 relatif à l'instauration d'une indemnité dite de garantie individuelle du pouvoir d'achat, prévoit que : " Une indemnité dite de garantie individuelle du pouvoir d'achat est attribuée dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent décret aux fonctionnaires mentionnés à l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée ainsi qu'aux militaires à solde mensuelle et aux magistrats, à l'exception des fonctionnaires de France Télécom appartenant à un corps de niveau équivalent à la catégorie A. Nonobstant les dispositions figurant dans leur contrat, cette garantie est également applicable : / - aux agents publics non titulaires des administrations de l'Etat, des régions, des départements, des communes, des collectivités à statuts particuliers, des collectivités d'outre-mer et de leurs établissements publics, y compris les établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales, recrutés sur contrat à durée indéterminée et rémunérés par référence expresse à un indice ; / - aux agents publics non titulaires des administrations de l'Etat, des régions, des départements, des communes, des collectivités à statuts particuliers, des collectivités d'outre-mer et de leurs établissements publics, y compris les établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales, recrutés sur contrat à durée déterminée et employés de manière continue sur la période de référence par le même employeur public et rémunérés, en application des stipulations de leur contrat, par référence expresse à un indice. " ;
16. Considérant qu'il résulte du texte précité que le bénéfice de la garantie individuelle du pouvoir d'achat est, en ce qui concerne les agents non titulaires, réservé aux agents dont le contrat comporte une référence expresse à un indice ; qu'il résulte de l'instruction que les émoluments de M. B...sont déterminés par le nombre de vacations effectuées et non en référence à un indice ; que la circonstance qu'il bénéfice depuis le 23 août 2011 d'un contrat prévoyant une rémunération calquée sur un indice, ne permet pas d'établir qu'il devait bénéficier au titre des années 2008-2009 pour lesquelles il demande l'attribution de la garantie individuelle du pouvoir d'achat, de l'application des stipulations de ce contrat, ni qu'il a perdu une chance d'en bénéficier ;
17. Considérant que M. B...fait valoir ne pas avoir bénéficié de jours de réduction de temps de travail sur la période 2005-2011 ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 11 que seule la période du 1er janvier 2008 à l'année 2011 demeure en litige ; que l'intéressé estime ainsi avoir été privé d'heures de congés et évalue son préjudice en multipliant ce nombre d'heure pas un taux de travail horaire ; que cependant la faute alléguée est sans lien avec le préjudice matériel ainsi invoqué, à le supposer existant ; qu'en outre M. B...n'établit ni même n'allègue qu'il aurait pu exercer au cours des congés dont il a été privé une activité rémunératrice et ne se prévaut d'aucune disposition égale ou réglementaire lui permettant de prétendre au versement d'une indemnité compensatrice d'un congé pour réduction de temps de travail non pris ;
18. Considérant que si M. B...fait valoir que la CHU de Rouen a commis une faute en tardant à exécuter le jugement du 25 janvier 1990, il ne se prévaut d'aucun préjudice qui serait la conséquence de cette faute et qui serait distinct que ceux indemnisés par le jugement du 26 novembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a indemnisé de la perte de ses salaires et des troubles subis dans les conditions d'existence ; que, de même, s'il fait valoir que le retard avec lequel il lui a été proposé de conclure un contrat à durée indéterminée est constitutif d'une faute, il ne fait valoir aucun préjudice qui serait en lien avec cette faute ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. B...tendant à obtenir l'indemnisation des préjudices tirés de l'absence de titularisation, de l'absence d'aménagement d'une carrière de 1996 à 2011, du refus de lui octroyer la garantie individuelle du pouvoir d'achat et des jours de réduction de temps de travail pour la période 2005/2011, doivent être rejetées ;
20. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 11 et 19 que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHU de Rouen, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. B...une somme de 1 500 euros à verser au CHU de Rouen sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : M. B...versera la somme de 1 500 euros au centre hospitalier universitaire de Rouen au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au centre hospitalier universitaire de Rouen.
Délibéré après l'audience publique du 20 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 novembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°15DA00407
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N°"Numéro"