Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 8 décembre 2015 du préfet de la Seine-Maritime lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de son éloignement.
Par un jugement n° 1600779 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 août 2016, M.A..., représenté par Me B...Leprince, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 8 décembre 2015 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son avocate, la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, subsidiairement, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire est entachée d'un défaut de saisine du médecin de l'agence régionale de santé sur sa capacité à voyager ;
- elle est dépourvue de base légale, le refus de titre de séjour étant illégal ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle est dépourvue de base légale, l'obligation de quitter le territoire étant illégale ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2017, la préfète de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête d'appel ne fait que reprendre les moyens de première instance sans critiquer le jugement attaqué ;
- les moyens identiques à ceux présentés en première instance ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la préfète de la Seine-Maritime ;
1. Considérant que la requête d'appel de M. A...ne constitue pas la reproduction littérale de sa demande de première instance, mais énonce à nouveau de manière précise, les moyens dirigés contre l'arrêté attaqué ; qu'une telle motivation, alors même qu'elle ne critiquerait pas expressément les motifs du jugement, répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par la préfète de la Seine-Maritime ne peut être accueillie ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) " et qu'aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de la santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ;
3. Considérant que, si l'autorité préfectorale n'est pas liée par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé du ressortissant étranger concerné nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments qui l'ont conduit à s'écarter de cet avis médical ;
4. Considérant que, par un avis du 11 juin 2015, le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie a émis un avis selon lequel l'état de santé de M. A... rendait nécessaire une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et il n'existait pas de traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé pour sa prise en charge médicale, laquelle devait être poursuivie durant douze mois ; qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que M. A... souffre d'un syndrome anxio-dépressif ; qu'il ressort des deux dernières ordonnances des 10 août 2015 et 18 septembre 2015 précédant l'arrêté en litige, que le requérant se voit administrer les médicaments suivants : deux antidépresseurs, l'Effexor et le Norset, deux antispychotiques que le Loxapax et le Xeroquel, un anxiolytique, le Lexomil ainsi que de l'Imovane pour les troubles du sommeil ;
5. Considérant, en premier lieu, que pour justifier du bien-fondé de sa décision, le préfet se réfère à la liste des médicaments essentiels établis en 2012 par le ministère de la santé de la République de Guinée et fait valoir qu'il existe dans le pays dont M. A...a la nationalité des traitements à base d'antidépresseurs, d'hypnotiques et d'anxiolytiques ainsi qu'un suivi médical approprié des troubles psychiques ; que, toutefois, aucun des principes actifs contenus dans le traitement médical de M. A...ne figure dans la liste des médicaments essentiels ainsi produit ; que l'allégation selon laquelle l'offre de médicaments se serait développée depuis 2012 est insuffisamment précise pour considérer que le traitement approprié à l'état de santé du requérant y serait disponible ; que si le préfet produit également un questionnaire, au demeurant rédigé en langue anglaise, émanant du ministère de l'intérieur néerlandais, il en résulte seulement que deux principes actifs le Mirtazapine et le Venlaxafine, présents dans le traitement du requérant à savoir le Norset et l'Effexor, y seraient disponibles ; qu'ainsi, sur les sept médicaments cités au point 3, seuls deux contenant un des principes actifs prescrits à l'intéressé sont disponibles en Guinée ; qu'en second lieu, par une attestation du 22 juin 2016, le psychiatre de M. A...fait état de ce que le " traitement peut être difficilement substituable pour des raisons de tolérance, la Quiétapine étant mieux tolérée que d'autres molécules qui peuvent avoir une action sur l'humeur " ; que, dans ces conditions, et en l'absence de tout autre élément de preuve contraire produit en appel, le traitement approprié à l'état de santé de M. A...doit être regardé comme étant indisponible en Guinée, de telle sorte qu'il n'est pas établi que la stabilité de l'état de santé de l'intéressé pourrait y être assurée ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué les premiers juges ont estimé que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour ; qu'il y a lieu par voie de conséquence d'annuler la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ainsi que celle fixant le pays de destination ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte :
7. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait affectant la situation de M. A..., la préfète de la Seine-Maritime lui délivre un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de délivrer à M. A...ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Leprince, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me Leprince de la somme de 1 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Rouen ainsi que l'arrêté du 8 décembre 2015 du préfet de la Seine-Maritime sont annulés.
Article 2 : Sous les réserves énoncées au point 7 des motifs de l'arrêt, il est enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de délivrer à M. A...un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Leprince une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au ministre de l'intérieur, à la préfète de la Seine-Maritime et à Me B...Leprince.
Délibéré après l'audience publique du 2 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 mars 2017.
Le rapporteur,
Signé : O. NIZET
Le président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA01466
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N°"Numéro"