Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...G...veuve E... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2015 du préfet de l'Oise par lequel il lui a refusé le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours avec obligation de remise de son passeport et présentation hebdomadaire en préfecture, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1503629 du 27 mai 2016, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté en tant qu'il porte obligation de présentation hebdomadaire en préfecture, remise du passeport et interdiction de retour, a mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2016, MmeG..., représentée par Me F...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 mai 2016 du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2015 du préfet de l'Oise ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise, en cas d'annulation de la décision relative au séjour pour un motif de fond, de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Oise, en cas d'annulation de la décision relative au séjour pour un motif de forme, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour le temps nécessaire au réexamen de sa situation, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Oise de délivrer un titre de séjour mention " visiteur ", sous astreinte de 10 euros par jour de retard, dans le délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à Mme G...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou en vertu de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus d'un titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier ;
- le préfet de l'Oise, en s'estimant lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, a méconnu sa compétence ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour au titre de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2016, le préfet de l'Oise conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme G...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme G...ressortissante marocaine née le 1er janvier 1947, est entrée régulièrement en France le 7 août 2013 sous couvert d'un visa Schengen court séjour valable du 2 août 2013 au 16 octobre 2013 ; qu'atteinte d'un cancer du sein, elle a bénéficié de deux titres de séjour temporaires valables 6 mois, du 28 novembre 2013 au 27 novembre 2014 ; qu'elle a sollicité le renouvellement de son titre le 14 novembre 2014 ; que, par un arrêté du 12 novembre 2015, le préfet de l'Oise lui a refusé le titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours avec obligation de remise de son passeport et présentation hebdomadaire en préfecture ; que Mme G...relève appel du jugement du 27 mai 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a partiellement fait droit à sa requête en annulant l'arrêté en ce qu'il l'oblige à remettre son passeport et à se présenter à une fréquence hebdomadaire en préfecture mais rejeté le surplus de ses conclusions ;
Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Considérant que la décision en litige comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle mentionne notamment les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de MmeG... ; que, par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier doivent être écartés ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Picardie du 4 septembre 2015, sur lequel s'est fondé le préfet de l'Oise pour refuser un titre de séjour en qualité d'étranger malade à Mme G..., que l'état de santé de celle-ci nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que toutefois, cet avis précise qu'il existe un traitement dans son pays d'origine ; que si Mme G...a versé au dossier plusieurs pièces médicales, celles datées des 2 septembre 2013 et 4 novembre 2014, rédigées par des praticiens hospitaliers sont antérieures à l'opération intervenue en février 2015 visant à l'ablation du sein de Mme G... ; que si l'attestation postérieure à ces circonstances, du 1er décembre 2015 rédigée par un médecin, fait état d'un traitement oral et d'une surveillance oncologique trimestrielle, elle ne mentionne toutefois pas que le défaut de prise en charge aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni que cette prise en charge ne pourrait pas être assurée au Maroc ; qu'il ressort de l'ensemble de ces pièces que le traitement de la requérante vise à prévenir toute récidive de son cancer ; que, par suite, les certificats médicaux produits par celle-ci ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé ; que, si elle soutient que le coût d'une telle prise en charge médicale pourrait faire obstacle à ce qu'elle puisse y accéder effectivement dans son pays d'origine, une telle circonstance est, par elle-même, sans incidence sur la disponibilité du traitement oral et de la surveillance que requiert son état de santé ; qu'au demeurant, le Maroc a mis en place un régime de couverture médicale pour les plus démunis, auquel Mme G...n'allègue pas qu'elle ne pourrait être éligible ; que, par suite, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la requérante avait été admis auparavant à séjourner en qualité d'étranger malade, le préfet de l'Oise n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il ne ressort pas plus des pièces du dossier que le préfet de l'Oise se serait cru lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;
5. Considérant que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu d'examiner d'office si le demandeur peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; qu'il en résulte, qu'au soutien des conclusions tendant à l'annulation du rejet d'une demande de titre de séjour, un étranger ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du code précité, autres que celles sur la base desquelles a été sollicitée la délivrance de ce titre ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la demande de titre de séjour du 20 octobre 2014, que Mme G...s'est bornée à solliciter la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales, sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, si l'intéressée soutient que le préfet de l'Oise aurait méconnu les dispositions du 7° du même article et celles de l'article L. 313-14 du même code, il ne ressort pas des motifs de l'arrêté en litige qu'il aurait recherché d'office si elle pouvait être admise au séjour, à titre gracieux, sur le fondement de l'une ou l'autre de ces dispositions ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que le préfet de l'Oise aurait méconnu les dispositions du code précité, sont inopérants ;
6. Considérant que Mme G...fait valoir qu'elle remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour mention " visiteur " en application de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cependant, ainsi qu'elle le reconnaît elle-même, elle n'a pas demandé un titre de cette nature auprès du préfet de l'Oise ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-6 du code précité est inopérant ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant que Mme G...est entrée en France le 7 août 2013, qu'elle est veuve et sans charge de famille, qu'elle fait valoir que deux de ses enfants vivent en France ; qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante vit actuellement chez sa soeur à Creil, qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches au Maroc, pays où elle a vécu jusque l'âge de 66 ans et ou une autre de ses soeurs réside ; que rien ne s'oppose à ce que la requérante continue, par le biais de courts séjours, à entretenir des liens avec sa famille installée en France ; que, dès lors, l'autorité préfectorale n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 de ce même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur de l'agence régionale de santé ; (...) " ;
10. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, les moyens tirés de la violation des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme G...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme G...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...G...veuveE..., au ministre de l'intérieur et à Me F...A....
Copie sera adressée au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D...C..., première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 mars 2017.
Le premier conseiller le plus ancien,
Signé : M. C...Le président-rapporteur,
Signé : M. H...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
M.T. Lévèque
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N°16DA01269