Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens l'annulation de l'arrêté du 29 février 2016 du préfet de l'Oise lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant un délai de deux ans.
Par un jugement n° 1600995 du 9 juin 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2016, M.B..., représenté par Me E... F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 février 2016 du préfet de l'Oise lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant un délai de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour temporaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il réside notamment de manière habituelle en France depuis plus de six ans ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire est insuffisamment motivée ;
- l'illégalité de la décision de refus de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il réside depuis plus de six ans en France ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée dès lors qu'il réside en France depuis plus de six ans ;
- le préfet de l'Oise a commis une erreur manifeste d'appréciation car il ne remplit pas les critères justifiant la prononciation à son encontre d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2017, le préfet de l'Oise conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., ressortissant ivoirien né le 2 mars 1989, relève appel du jugement du 9 juin 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 février 2016 du préfet de l'Oise lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant un délai de deux ans ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par M. B...à l'appui de ses moyens, a pris en considération l'ensemble des éléments soumis à son appréciation et a répondu par un jugement qui est suffisamment motivé à l'ensemble des moyens développés dans la demande ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté ;
Sur le refus de titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, que la décision litigieuse contient les motifs de droit et de fait sur lesquels le préfet de l'Oise s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B... et mentionne notamment que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Nord-Pas-de-Calais-Picardie a émis un avis défavorable à la délivrance de l'autorisation de travail le 4 février 2016 qu'il sollicitait en qualité d'agent de manutention au sein de la société " DF COURSES SAS " ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ce refus ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ;
5. Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de cet article, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " est envisageable ; qu'un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; qu'à supposer même que M. B...réside en France de manière régulière depuis six années, qu'il a exercé une activité professionnelle notamment auprès de la société SAMSIC en tant qu'agent d'entretien au cours des années 2012 et 2013 et a sollicité une autorisation de travail en qualité d'agent de manutention au sein de la société " DF COURSES SA ", ces circonstances ne suffisent pas à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen, qui n'était pas inopérant contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges dès lors que le préfet de l'Oise indique que l'intéressé a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions précitées, doit en conséquence être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que l'intéressé n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, il ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) " ;
8. Considérant que M. B...soutient que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé porte atteinte à son droit de mener une vie familiale normale dès lors qu'il vit en France depuis six années, qu'il a travaillé depuis son entrée sur le territoire français et a ainsi acquis une autonomie lui permettant de subvenir à ses besoins ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant, célibataire et sans charge de famille, est entré au plus tôt en France en 2010, soit à l'âge de vingt-et-un an après avoir vécu en Côte-d'Ivoire où il n'établit pas n'avoir plus d'attaches familiales ; qu'il ne justifie pas de l'existence d'attaches familiales et personnelles fortes au regard de la durée de sa présence sur le territoire français et qu'il a déjà fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement auxquelles il s'est soustrait ; qu'ainsi, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; qu'en conséquence, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l' obligation de quitter le territoire national :
9. Considérant que la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait ;
10. Considérant qu'il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
11. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, la décision obligeant M. B...à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur de droit au motif qu'il résiderait en France depuis six années ;
Sur le pays de destination :
12. Considérant que pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination, M. B...se borne à alléguer qu'il n'est jamais retourné en Côte-d'Ivoire depuis six années et son entrée sur le territoire français ; que, toutefois, alors que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays et qu'il n'allègue pas être exposé à des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet de l'Oise n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l' interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans :
13. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la rédaction applicable à la décision litigieuse : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;
14. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; qu'il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger ; qu'elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ; qu'elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision, une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace ; qu'en revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément ;
15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Oise, pour prononcer la mesure litigieuse, s'est fondé sur le fait que le requérant, comme il a été dit au point 8, est entré en France en 2010, est célibataire et ne justifie pas de l'existence d'attaches familiales et personnelles fortes au regard de la durée de sa présence sur le territoire français et qu'il a déjà fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement auxquelles il s'est soustrait ; que, dans ces conditions, alors même que le comportement de M. B...ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet de l'Oise n'a pas, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et à Me E... F....
Copie en sera adressée au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D...C..., première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 mars 2017.
Le rapporteur,
Signé : R. FERALLe président-assesseur,
Signé : M. G...Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier
Marie-Thérèse Lévèque
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N°16DA01747